Illustration Old McGill, 1959

1958

Pendant ma troisième année à l’École de médecine de McGill, je partageais un appartement sans climatisation avec trois colocataires sur la rue Sherbrooke. Mon père, qui tenait une boutique de vêtements féminins haut de gamme à Ottawa, venait à Montréal trois ou quatre vendredis par année, pour rendre visite à plusieurs manufacturiers le samedi afin de sélectionner et acheter les modèles qu’il ajouterait dans ses rayons la saison suivante. Lors de l’un de ces week-ends, la chaleur était absolument écrasante à Montréal. Comme mes colocataires et moi étions de garde pour ces deux jours, l’appartement était libre et nous avons invité mon père à passer la nuit chez nous pour rendre visite à chacun de ses manufacturiers le jour suivant.

Illustration, Old McGill, 1959

Mes colocataires avaient de multiples talents et l’un d’eux, que je ne nommerai pas, était un grand amateur de bières. Selon une recette secrète, il brassait sa bière dans notre baignoire – qui faisait une excellente cuve. Il embouteillait ensuite la bière et la rangeait au réfrigérateur, sans étiquette. Mon père, qui déambulait désespérément dans l’appartement vide en quête d’un coin frais, a ouvert le réfrigérateur et découvert ce qui ressemblait à une douzaine de bouteilles de bière. Il avait si chaud et si soif qu’il a décidé d’en goûter une. Elle était étonnamment savoureuse et après une bouteille, il se sentait rafraîchi, mais avait toujours chaud. Il se dit donc qu’avec une deuxième bière, il serait encore plus rafraîchi. Il a alors commencé à avoir sommeil et, après avoir entamé une troisième bouteille de bière, s’est rapidement endormi. Quand il s’est finalement réveillé le samedi, à sa grande stupéfaction, il était 15 heures et tous ses manufacturiers s’apprêtaient à fermer leurs locaux pour le reste du week-end. Il a appelé chacun d’eux pour leur expliquer qu’il avait eu un malencontreux « empêchement » et ne pourrait pas aller les voir.

(Dans le sens horaire, en partant du coin supérieur gauche) Paul Rosman, Gordon Bashant, Ellisworth Littler et Roland (Ron) Hok (Old McGill, 1959)

Quelque temps plus tard, un autre vendredi soir, mon père nous a invités tous les quatre à déguster un délicieux repas de homard, après quoi nous l’avons invité à revenir passer la nuit chez nous. Mon père a répondu que c’était très gentil, mais qu’il essaierait un hôtel cette fois!

Épilogue

Récemment, j’ai discuté avec le troisième colocataire, Gordon Bashant, qui est en pleine forme et mène avec succès une deuxième carrière en tant qu’artiste accompli après avoir été un chirurgien très respecté. Malheureusement, deux de ces colocataires – Ellisworth Littler et Roland (Ron) Hok – sont aujourd’hui décédés. Gordie se souvenait bien de l’anecdote que je viens raconter, et surtout du repas de homard qui a suivi!

(P.S. Gordie n’était pas le brasseur de bière!)

 

 

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