Mary Seeman avec sa mère, environ 1958 (Photo: Mary Seeman)

1958

J’ai une histoire à raconter à propos de la Faculté qui n’est pas très joyeuse et que je n’avais jamais racontée auparavant, car c’était trop pénible. Je ne révélerai aucun nom (sauf le mien).

On devait être en 1958 ou 1959, j’étais en formation clinique de 3e année et j’habitais avec mes parents. Un soir, ma mère a eu une crise de vésicule biliaire et souffrait terriblement. Je voulais appeler notre médecin de famille, mais je n’avais pas son numéro, alors je l’ai cherché dans l’annuaire (c’était bien sûr l’époque des téléphones à roulette et des annuaires à pages blanches et jaunes). J’étais paniquée, tellement ma mère avait mal, alors je n’ai pas regardé attentivement et j’ai appelé le premier docteur (nom de famille répandu) que j’ai trouvé.

J’ai demandé à parler au docteur (nom de famille). Quand je l’ai eu au bout du fil, je lui ai demandé ce que je pouvais faire pour ma mère qui faisait une crise de vésicule biliaire très douloureuse et s’il pouvait venir chez nous. Notre médecin de famille était un homme admirable, qui faisait encore des visites à domicile. L’homme qui avait répondu n’était pas notre médecin de famille, mais je l’ai immédiatement reconnu : c’était en fait le responsable du groupe clinique dont je faisais partie durant cette session. Le hasard a voulu qu’il porte aussi le même nom de famille que notre médecin. Il a dit : « Je ne suis pas ce pleurnichard de médecin juif. Je ne traite pas les chiens et je ne traite pas les Juifs. »

Ce sont les mots qu’il a prononcés. Ils sont gravés dans ma mémoire. Les paroles d’un professeur très connu, responsable de notre groupe clinique. L’homme qui me superviserait le lendemain même à la clinique.

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