Une nouvelle étude a permis la découverte de mutations touchant les canaux chlorure d’un transporteur du glutamate chez les personnes atteintes d’une maladie rare caractérisée par des épisodes récurrents de perte de coordination, de trouble de l’équilibre et de migraines
Une étude publiée cette semaine dans le Journal of Clinical Investigation, dirigée conjointement par des chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) et de l’Université de Sydney approfondit notre compréhension d’un trouble rare appelée ataxie épisodique de type 6 (EA6). L’EA6 est une maladie débilitante qui a de graves répercussions sur l’équilibre et la coordination, en plus d’occasionner des migraines. Cette étude pourrait contribuer à améliorer le traitement des patients souffrant d’ataxie épisodique et d’autres affections comparables.
Les ataxies épisodiques sont généralement appelées « canalopathies », car elles sont dues à des défaillances au niveau de protéines qui servent de canaux pour les échanges de potassium ou de calcium dans le système nerveux. Ces travaux sont les premiers effectués in vivo pour démontrer le rôle précis des canaux chlorure dans l’apparition de l’EA6.
Les chercheurs se sont concentrés sur des mutations du gène SLC1A3 présentes chez des patients atteints de l’EA6. SLC1A3 est un gène codant pour une protéine appelée EAAT1, laquelle fait partie d’un groupe plus vaste appelé transporteurs d’acides aminés excitateurs (EAAT). Les EAAT sont essentiels au fonctionnement du système nerveux, en particulier dans le cerveau et la moelle épinière. Ce sont des protéines transporteuses qui jouent un rôle primordial pour ce qui est du recyclage du glutamate, le principal neurotransmetteur excitateur responsable des échanges entre les neurones. Ce qui est moins connu des EAAT, c’est leur rôle en tant que canaux d’échange des ions chlorure, lesquels sont aussi essentiels pour le fonctionnement normal du cerveau.
« L’étude du rôle des mutations de la protéine EAAT1 dans l’ataxie épisodique n’est pas une tâche simple en raison de sa double fonction, soit de transporteur du glutamate et de canal chlorure. La fonction de canal chlorure est activée par la fonction de transport du glutamate, de sorte qu’il est difficile de les dissocier l’une de l’autre » indique Don van Meyel, PhD, scientifique senior dans le Programme en réparation du cerveau et en neurosciences intégratives (RCNI) à l’IR-CUSM.
« L’une des étapes fondamentales de l’amélioration du traitement de l’EA6 consiste à établir si la maladie découle du transport inapproprié du glutamate, de problèmes liés aux canaux chlorure, ou de ces deux facteurs », ajoute le co-responsable de l’étude, Renae Ryan, PhD, de la School of Medical Sciences de l’Université de Sydney, en Australie.
L’équipe de recherche a soigneusement caractérisé cinq mutations de l’EAAT1 en lien avec l’EA6 en recourant à une combinaison d’approches unique. Des études fonctionnelles ont été menées sur des ovocytes de grenouilles, un modèle robuste a été développé à partir de mouches à fruit, et des simulations de la fonction de l’EEAT1 ont été menées en recourant à la modélisation informatique.
« Nous avons caractérisé les mutations en utilisant un modèle d’ovocyte de grenouille. Puis, en recourant au modèle de mouche à fruit, nous avons démontré qu’une augmentation ou une diminution de l’activité de canal chlorure de l’EAAT1 peut influer sur la fonction motrice », explique le premier auteur Qianyi Wu, étudiant auprès de Renae Ryan au moment de l’étude. « Nous avons pu démontrer que plusieurs mutations de la protéine EAAT1 relevées chez les patients atteints de l’EA6 avaient une incidence sur la fonction du canal chlorure, alors que sa fonction de transporteur de glutamate demeurait, quant à elle, inchangée.
Cela donne à penser que l’ataxie épisodique de type 6 peut être directement liée à une altération de l’homéostasie des ions chlorure dans le cerveau, et non à des problèmes de transport du glutamate », ajoute Azman Akhter, MSc, co-auteur et ancien étudiant à la maîtrise auprès de Don van Meyel. « Puisque l’EAAT1 est fortement enrichie en cellules gliales dans le cerveau humain, nous croyons que cette protéine est responsable de l’homéostasie des ions chlorure, hypothèse soutenue par notre modèle de mouche à fruit.
De plus, nous avons pu relever un mécanisme par lequel plusieurs mutations du gène SLC1A3entraînent une fuite inhabituelle d’ions sodium à travers la protéine EAAT1, » explique Shashank Pant, PhD, boursier postdoctoral qui a effectué des modélisations informatiques de la structure de l’EAAT1 au laboratoire de son collaborateur, le Dr Emad Tajkhorshid de l’Université de l’Illinois.
Nos résultats appuient vigoureusement l’idée selon laquelle l’EA6 serait principalement une canalopathie des canaux chlorure au niveau des cellules gliales du cerveau, indique Renae Ryan. Cela a une incidence profonde sur notre compréhension de l’EA6 et pourrait orienter les éventuels traitements administrés aux patients atteints de cette rare maladie. »
À propos de l’étude :
Lire la publication (en anglais seulement) dans le Journal of Clinical Investigation
Les auteurs tiennent à remercier sincèrement le soutien des Instituts de recherche en santé du Canada, de l’Australian National Health and Medical Research Council, et du National Institutes of Health (US).