Salle de presse
La statistique de pointe pour percer le mystère des maladies du cerveau : bienvenue dans le laboratoire du professeur Alan Evans
Dans les années 1970, quand Alan Evans a fait son entrée sur le marché du travail, les chercheurs ne refilaient pas leur facture de bar au patron. Pourtant, c’est exactement ce que des programmeurs de l’Institut neurologique de Montréal lui ont récemment proposé : ils souhaitaient se réunir dans un pub irlandais situé à proximité du campus de l’Université McGill un samedi, de neuf à cinq, pour se lancer dans un marathon de programmation.
« Programmation de haut vol et bière… Je ne sais trop pourquoi, mais j’étais un brin sceptique », se remémore le professeur Evans, sourire en coin.
Malgré tout, il a accepté. En arrivant au pub cet après-midi-là, il s’attendait au pire. Or, il a trouvé les programmeurs rivés à l’écran de leur portable, engagés dans une véritable course contre la montre pour trouver une solution au problème à l’étude avant l’échéance qu’ils s’étaient eux-mêmes imposée. Sur le coup de cinq heures, chaque équipe a présenté le fruit de son labeur – dans certains cas, des prototypes d’applications fonctionnelles – et on esquissait déjà des plans pour mettre ces idées de génie en œuvre au laboratoire le lundi suivant.
« Si j’avais été un vieux malcommode borné », blague Alan Evans, je leur aurais opposé une fin de non-recevoir. Payer tout ce beau monde pour traîner au pub toute la journée? Non, mais vous voulez rire! Pourtant, je défie quiconque de trouver une journée plus productive dans les annales de mon laboratoire! Et en prime, les programmeurs se sont amusés ferme. »
Quand mathématiques et neurosciences font bon ménage
Ouverture et curiosité : voilà les maîtres‑mots de la carrière du Pr Evans. Chercheur réputé partout dans le monde pour ses travaux sur l’imagerie cérébrale, le Pr Evans sera reçu en juillet 2016 par le Bureau des politiques en science et technologie de la Maison-Blanche, qui a fait appel à son savoir-faire pour la mise en place d’un écosystème de données ouvertes en neurosciences. De son propre aveu, les 65 chercheurs à pied d’œuvre dans son laboratoire « n’auraient pas eu la moindre chose en commun il y a quelques années ». Certains sont ultra spécialisés dans des maladies bien précises du cerveau. Les autres, férus d’informatique ou de mathématiques, « ne connaissent rien à rien au cerveau. Et ce n’est pas ce qu’on attend d’eux, parce que d’un point de vue strictement mathématique, la neurodégénérescence, le vieillissement, le développement du cerveau et la dépression, c’est du pareil au même. » De leur collaboration naissent de véritables petites merveilles, par exemple le référentiel spatial le plus utilisé pour le catalogage de données structurelles et fonctionnelles sur le cerveau sain et le cerveau malade. Le but de cette équipe : comprendre comment et pourquoi la maladie s’installe. Son espoir : réaliser des percées qui se traduiront par une amélioration du diagnostic et du traitement.
Le Pr Evans a beau avoir codirigé récemment le projet BigBrain, carte du cerveau humain dotée d’une résolution inégalée – on ne voit pas les neurones, mais presque – le jeune Alan ne se destinait pas vraiment à la recherche sur le cerveau. Gallois d’origine, Alan Evans a fait des études de premier cycle en mathématiques et en physiques, puis a peu à peu bifurqué vers les neurosciences. Après une maîtrise en physique médicale, il a obtenu un doctorat en biophysique. Mais c’est après avoir déménagé au Canada, pays d’origine de son épouse, que sa carrière a pris un véritable tournant.
Quelle est la probabilité que le cerveau s’active?
En 1979, Alan Evans entrait au service d’Énergie atomique du Canada pour travailler avec un prototype d’appareil de tomographie par émission de positrons (TEP) mis au point à l’Université McGill. Il avalait les kilomètres entre Ottawa et Montréal depuis cinq ans lorsque William Feindel, alors directeur de l’Institut neurologique de Montréal, lui a lancé : « Dans le fond, ce serait plus simple si tu t’installais ici ». Ce qui fut fait.
Puis un jour, Alan Evans en a eu assez de la mauvaise qualité des images produites par l’appareil de TEP. La TEP est fantastique pour l’observation de processus métaboliques – par exemple l’activation des récepteurs dopaminergiques – mais « le reste de l’image est pas mal flou ». Pour obtenir un cliché net et détaillé de la structure cérébrale, mieux vaut recourir à l’imagerie par résonance magnétique, communément appelée « IRM ». Forts de ces constats, le Pr Evans et son équipe de l’Institut neurologique de Montréal ont eu l’idée de superposer les clichés de TEP et d’IRM pour obtenir une image multidimensionnelle, à la fois structurelle et fonctionnelle, à partir de laquelle calculer les probabilités statistiques d’activation cérébrale. Ils figurent ainsi parmi les pionniers de la cartographie du cerveau.
Mais là encore, le Pr Evans restait sur sa faim. « Est-il possible de constituer un atlas probabiliste de la structure du cerveau? », se demandait-il. « Et qu’en est-il du cerveau malade? » De la curiosité insatiable du chercheur est née une carte qui, pour la toute première fois, dévoilait au monde l’aspect d’un cerveau atteint de sclérose en plaques.
Grâce aux travaux du Pr Evans, nous appréhendons autrement les maladies du cerveau. En effet, les scientifiques croyaient auparavant que la maladie « logeait » dans une région bien délimitée du cerveau, altérée par un ou deux gènes défectueux. Or, ils savent maintenant que de nombreux gènes, territoires et problèmes de connexion sont en cause. « À mes débuts, nous mesurions le volume d’une seule structure cérébrale, alors qu’aujourd’hui, nous nous livrons à des analyses pointues de l’organisation du réseau cérébral et de son évolution au cours du développement ou d’un processus morbide. »
« Au fond, nous appliquons les mathématiques, la physique et le génie à l’étude du cerveau », poursuit-il, ajoutant qu’on observe cette tendance dans de nombreuses autres sciences également, telles que l’épidémiologie et la génétique. « Peu à peu, les neurosciences opèrent un virage quantitatif. » Prenons, à titre d’exemple, la radiologie : qu’est-ce qu’un radiologue, sinon un expert qui examine une image et l’interprète à la lumière de ses diagnostics antérieurs et de son bagage professionnel? « On n’en sort pas : le chercheur qui désire faire de la science exacte qui ne soit pas purement descriptive et empirique doit obligatoirement posséder des notions de statistique. »
La mise en commun d’informations structurelles, fonctionnelles et génétiques sur le cerveau déclenche ce que le Pr Evans appelle un « tsunami de données » de nature à décourager le plus vaillant des scientifiques. Mais pas Alan Evans. Lui, il adore ça. Selon toute vraisemblance, la nouvelle collaboration en R-D entre McGill et EMC multipliera les avancées d’ores et déjà spectaculaires au chapitre de la puissance de traitement brute. Créé en 2014, le Centre Ludmer en neuroinformatique et santé mentale est l’archétype même du cadre interdisciplinaire essentiel pour faire des bonds de plusieurs années-lumière dans la compréhension de la mécanique cellulaire fondamentale et de la communication entre les diverses régions du cerveau. Pourquoi craindre le tsunami? Il suffit de chevaucher la vague!
« Une ère nouvelle s’amorce. Les sciences de l’information font naître des questions sur le cerveau qui ne nous auraient probablement même pas effleuré l’esprit il y a 20 ans. »
« Comme le dit si bien ma tendre épouse, j’ai mis 30 ans à me fabriquer un succès instantané. »
Pour savoir comment les superordinateurs dont EMC Canada lui a fait don aideront l’Université McGill à créer un pôle de recherche en neurosciences, consultez le http://www.mcgill.ca/newsroom/fr/channels/news/nouveau-pole-de-recherche-en-neurosciences-261322
Decideo
22 juin 2016