Un texte de notre série « À la rencontre de membres de la FMSS venus d’ailleurs » – La Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS) est composée de communautés plurielles dont les membres proviennent de partout au Canada et d’ailleurs dans le monde. Cette série souligne le talent et l’expertise de personnes qui ont choisi de venir s’établir au Québec et de se joindre à l’Université McGill. Merci de votre précieuse contribution!
L’Ontarienne d’origine Jodi Tuck, inf., HBSc, M. Sc. A., célébrait un important jalon cette année : 20 ans en sciences infirmières. Nous avons discuté avec celle qui est professeure adjointe à l’École des sciences infirmières Ingram, directrice du programme de maîtrise en sciences infirmières (appliquées) – pratique avancée et responsable de la concentration en santé mondiale, pour savoir ce qui l’a attirée à Montréal, pourquoi elle y est toujours et ce qu’elle conseille aux étudiantes et étudiants en sciences infirmières qui suivent le même chemin qu’elle.
Pouvez-vous nous dire d’où vous venez et ce qui vous a amenée à Montréal?
Je viens de Markham, dans la région de Toronto, en Ontario. Je suis arrivée en 2000 pour faire mes études en sciences infirmières et je suis restée. J’avais l’intention d’étudier ici trois ans, mais j’aimais vraiment la ville et la culture, alors j’ai obtenu mon permis ici et j’ai exercé le métier seulement au Québec.
Quel diplôme avez-vous obtenu à McGill?
J’ai fait le programme de maîtrise en sciences infirmières sans formation infirmière préalable – le seul du genre au Canada. Beaucoup de nos chefs de file dans le domaine sont passés par ce programme, sont restés ici et ont laissé leur marque. Malheureusement, il se pourrait que ce programme soit touché par la hausse proposée des droits de scolarité, car c’est un programme de maîtrise professionnelle, sans mémoire.
Parliez-vous bien le français à votre arrivée?
Je ne parlais pas très bien français quand je suis arrivée, mais je suis devenue bilingue pour exercer la profession infirmière. Il faut parler couramment le français et réussir un examen de l’Office québécois de la langue française.
Qu’avez-vous fait pour améliorer votre français?
En arrivant au Québec, pour me préparer à travailler en français dans les hôpitaux, j’ai fait un séjour d’immersion française dans une famille d’accueil à Chicoutimi, dans le cadre du programme Explore Canada. Après avoir obtenu mon diplôme en sciences infirmières, j’ai fait un deuxième séjour avec le programme Explore, à Trois-Pistoles, pour améliorer encore mon français. Ensuite, j’ai commencé à travailler au service d’urgence de l’Hôpital général de Montréal. Dans cet environnement bilingue, je devais parler français chaque jour. C’est là que j’ai rencontré mon conjoint, qui est québécois, et que j’ai trouvé une belle-mère – ça aide beaucoup! J’ai ensuite eu deux enfants. Ils sont parfaitement bilingues et ont fait toute leur scolarité en français.
Pourquoi aimez-vous vivre au Québec?
J’aime la joie de vivre, le fait que l’on vit au rythme des relations interpersonnelles. J’aime beaucoup les cultures diversifiées qui se rencontrent ici et qui s’adaptent. J’aime aussi vivre en français, et la cuisine est excellente! J’adore le mode de vie; tout se fait à pied. Je me sens vraiment privilégiée de pouvoir contribuer aux arts et à la culture, qui sont très valorisés ici.
Pouvez-vous nous parler un peu de votre contribution à la société québécoise depuis que vous vivez ici?
Cette année, je célèbre ma vingtième année en tant qu’infirmière. Pendant les dix premières années, je contribuais au sein du système hospitalier. J’étais infirmière en pratique avancée, j’occupais donc un poste de dirigeante et je jouais un rôle dans la qualité des pratiques infirmières, la sécurité des patients et la prestation de soins infirmiers fondés sur des données probantes par les équipes. J’ai aussi été infirmière clinicienne spécialisée en centre de naissance à l’Hôpital général juif pendant six ans. Avant cela, j’ai travaillé au service d’urgence et j’ai fait des recherches sur la santé des personnes immigrantes et réfugiées, ainsi que sur la santé maternelle et infantile. J’ai aussi été instructrice clinique.
Et maintenant?
Aujourd’hui, j’enseigne à temps plein et je forme la relève infirmière qui exercera la profession ici. Je suis à McGill depuis 2012, donc depuis 11 ans. Je suis directrice de programme pour la maîtrise en pratique avancée en sciences infirmières, qui s’adresse aux infirmières et infirmiers titulaires d’un baccalauréat cherchant à acquérir des habiletés de leadership pour leur avancement professionnel. Je suis également cofondatrice, avec notre directrice Anita Gagnon, de la concentration en santé mondiale. Ce programme permet aux étudiantes et étudiants de travailler auprès de populations mal desservies comme les personnes en situation d’itinérance et les populations autochtones, ou encore dans des pays étrangers où les soins de santé sont moins accessibles.
Avez-vous des conseils à donner aux personnes de l’extérieur du Québec qui choisissent d’étudier à Montréal et à McGill?
Je dis toujours à mes étudiants et étudiantes de tomber amoureux en français! Si vous nouez aussi des amitiés et d’autres relations en français, votre monde s’enrichira d’une foule de manières. Je leur dis aussi de découvrir la culture et de s’y intégrer, car elle est débordante de vitalité. De toute façon, de nos jours, il n’y a plus de gens qui ne parlent pas français dans nos programmes. Nous les avons modifiés il y a des années, en constatant que les étudiantes et étudiants rencontraient des difficultés s’ils ne maîtrisaient pas les bases du français en arrivant. Nous avons donc ajouté la connaissance de la langue française dans les critères d’admission.
Encourageriez-vous une personne comme vous, originaire d’une autre province, à vous imiter en venant étudier ici?
Jusqu’à récemment, je l’aurais fait sans hésiter, mais en ce moment je n’en suis plus certaine, d’un côté parce que [la hausse proposée des droits de scolarité] envoie le message aux étudiantes et étudiants qu’ils ne sont pas les bienvenus, et de l’autre parce qu’ici, le salaire de départ du personnel infirmier est le pire au pays. Je crois que mon parcours m’a beaucoup apporté, mais que des gens seraient grandement désavantagés en ce moment en venant ici. Si ces mesures avaient été en place il y a 20 ans, je ne serais probablement pas venue.