Étudiante inscrite au nouveau programme de doctorat de l’Institut d’éducation en sciences de la santé, Allison Chrestensen mènera des entretiens en profondeur pour recueillir et étudier les récits de résidentes et résidents s’étant sentis contraints de poser des gestes en contradiction avec leurs valeurs
Allison Chrestensen, MPH, OT, a commencé sa carrière d’ergothérapeute auprès de personnes atteintes du cancer du sein avant d’enseigner au programme de sciences humaines à la Duke University School of Medicine, pour ensuite devenir consultante au sein d’une initiative nationale sur la qualité des soins de santé aux États-Unis.
Ces fonctions, de même que sa propre expérience en tant que patiente, ont intensifié son désir d’enseigner à la prochaine génération de professionnels de la santé. Aujourd’hui, dans le cadre de ses études de doctorat à l’Institut d’éducation en sciences de la santé (IÉSS) de McGill, son parcours professionnel et personnel lui sert d’inspiration pour sa thèse sur la détresse morale.
« J’ai commencé à réfléchir aux liens très étroits entre l’expérience des patients et celle du personnel clinique, se souvient Chrestensen. Un personnel qui ne va pas bien n’offrira pas une expérience agréable aux patients. »
« À ce moment-là, j’ai repensé à certaines situations que j’ai vécues en tant que clinicienne et à d’autres que j’ai connues en tant que patiente, et je me suis demandé comment combiner ces deux éléments. »
Mme Chrestensen fait partie des 13 étudiantes et étudiants inscrits au nouveau programme de doctorat en éducation des sciences de la santé de l’IÉSS, qui vient d’être approuvé. Sa thèse, qu’elle réalisera sous la supervision d’Elizabeth Anne Kinsella, Ph. D., directrice de l’IÉSS, portera sur la détresse morale que connaissent les résidents et résidentes en médecine dans trois spécialités et dans deux pays.
« Nous savons que la détresse morale est très difficile à vivre pendant la résidence, indique la Pre Kinsella. Les recherches de Mme Chrestensen nous permettront d’organiser les connaissances que nous possédons déjà tout en examinant le vécu des résidents et résidentes, afin d’améliorer les programmes de résidence et d’aider les médecins en formation à mieux composer avec la détresse morale. »
Le travail de Mme Chrestensen attire déjà l’attention. En effet, en août, elle a accompagné des membres de l’IÉSS à l’édition 2023 de la conférence de l’AMEE (Association of Medical Education Europe, l’association internationale pour l’enseignement des professions de la santé) à Glasgow, où sa présentation dans la catégorie Point of View sur le besoin urgent de s’occuper de la détresse morale des résidentes et résidents a eu beaucoup de succès.
Au-delà de l’épuisement professionnel
« Quand je parle de détresse morale, je parle de ce que ressent une personne qui sait quelle est la “bonne” chose à faire, mais qui doit aller à l’encontre de ses valeurs en raison d’obstacles organisationnels », explique Mme Chrestensen. Selon l’Association canadienne de santé publique, le manque de personnel et le manque de temps sont parmi les facteurs pouvant engendrer la détresse morale. La difficulté de choisir à qui prodiguer des soins quand les ressources sont rares, les traitements trop énergiques aux patients en fin de vie et les désaccords avec les proches des patients sur le plan de traitement en sont d’autres exemples.
« Jusqu’ici, nous avons tout mis dans le même panier en disant : “les gens sont épuisés”, sans vraiment savoir ce que cela veut dire. » Mme Chrestensen ajoute que la pandémie de COVID-19 a incité les scientifiques à réfléchir plus sérieusement aux expériences difficiles que l’on vit depuis toujours dans le milieu médical.
Les résidentes et résidents, qui sont dans une « position unique » qui combine l’apprentissage, le rôle de mentors et la prestation de soins, sont particulièrement vulnérables à la détresse morale, poursuit-elle.
L’éclairage révélateur de la détresse morale
Pour rendre compte des expériences de détresse morale de ses sujets, Mme Chrestensen emploiera la phénoménologie herméneutique, c’est-à-dire qu’elle les invitera à se raconter dans le cadre d’entretiens en profondeur. Plutôt que de viser la collecte de données concrètes et mesurables, cette méthodologie a pour but de comprendre ce que retient une personne de son expérience. Cette approche peut révéler des éléments qui, autrement, échapperaient aux sujets eux-mêmes et aux scientifiques.
Mme Chrestensen espère qu’en mettant en lumière la détresse morale des résidentes et résidents, ses recherches démontreront l’importance de créer des environnements de travail et d’apprentissage plus bienveillants et de mieux préparer les prochaines cohortes à composer avec ces situations. Au bout du compte, ces changements pourraient améliorer autant le bien-être du personnel clinique que les soins aux patients.
« J’espère qu’en comprenant mieux la situation, nous pourrons affirmer avec certitude aux étudiantes et étudiants des professions de la santé que les dilemmes moraux sont normaux et qu’ils doivent s’y attendre, dit Mme Chrestensen. Nous devons leur dire clairement qu’ils vivront de telles expériences, pour ensuite les aider à les traverser. »
Accueillie à bras ouverts
C’est en rencontrant la Pre Kinsella que Mme Chrestensen a entendu parler du programme de doctorat.
« Je ne savais pas qu’un tel programme interdisciplinaire existait, confie-t-elle. L’objectif est clair – dans les cours, dans l’examen de synthèse et dans la conception du programme éducatif. »
Mme Chrestensen s’est sentie accueillie à bras ouverts par la communauté de l’IÉSS dès le premier jour.
« Chaque membre du corps enseignant a fait l’effort conscient de bien m’accueillir, dit-elle. J’ai senti tout de suite qu’on voulait que je réussisse – et je le sens encore. »
C’est le moment de présenter une demande d’admission au programme de doctorat en éducation en sciences de la santé pour la session d’automne 2024. Pour en savoir plus, visitez le site web de l’IÉSS.
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