Farhan Bhanji, M.D., a récemment été nommé vice-doyen exécutif à l’éducation, succédant à Annette Majnemer, erg., Ph. D., qui a servi deux mandats à titre de toute première vice-doyenne exécutive à l’éducation au sein de la Faculté de médecine et des sciences de la santé. En plus d’être professeur de pédiatrie, directeur de l’éducation au Centre de simulation et d’apprentissage interactif Steinberg et membre associé de l’Institut d’éducation en sciences de la santé, Farhan est médecin superviseur à l’unité des soins intensifs pédiatriques de l’Hôpital de Montréal pour enfants. Avec lui, nous avons discuté de quelques-unes de ses priorités à titre de vice-doyen exécutif, de ce qui se dessine à l’horizon en éducation et de ce qui le motive en tant qu’enseignant.

 Votre nomination est encore très récente, mais avez-vous déjà cerné certaines des priorités de vos nouvelles fonctions? Oui, j’en ai quelques-unes. Les soins de santé subiront des changements majeurs au cours des prochaines années, par exemple avec l’usage accru de l’intelligence artificielle. Celle-ci ne remplacera jamais le personnel, mais nous devrons apprendre à nous en servir. Nous verrons aussi de plus en plus de collaborations interprofessionnelles, tant dans la pratique clinique qu’en éducation. Les patients prendront aussi une place prépondérante non seulement au sein de leur propre équipe de soins, mais aussi au sein de l’équipe pédagogique. L’éducation en santé s’accordera mieux aux besoins des patients et de la population et insistera davantage sur la responsabilité sociale, la santé publique et les grands principes d’équité, de diversité et d’inclusion.

Pour nous aider à opérer ces changements, nous nous servirons de méthodes d’enseignement s’appuyant sur des données probantes (qui nécessiteront des investissements en recherche pédagogique). L’éducation cessera de focaliser uniquement sur les habiletés individuelles et s’ouvrira à la collaboration interdisciplinaire et à la mise en place d’organisations orientées sur l’apprentissage et l’amélioration continue. Tous ces aspects (les habiletés individuelles, les équipes solides et les organisations performantes) ont des effets directs sur la santé des patients.

Ces améliorations exigent une réflexion sur l’ensemble du parcours professionnel en santé; il ne faut pas se limiter à la formation formelle en classe et en stage, mais il faut aussi tenir compte du développement professionnel continu, tout au long de la carrière. Les soins de santé évoluent rapidement et nous devons préparer nos apprenants et apprenantes à s’y adapter avant d’exercer de manière autonome.

Les changements sont parfois difficiles. À votre avis, comment peut-on faciliter la transition pour le personnel enseignant et la communauté étudiante? Nous devrons accorder encore plus d’importance au bien-être du personnel de la santé, du personnel enseignant et des apprenants et apprenantes. Le réseau de santé est en pleine crise; nous étions déjà sur la corde raide, et la pandémie est venue empirer la situation. Nous devons donc réfléchir à ce que pouvons faire pour aider le personnel enseignant (en classe et en milieu clinique) et la communauté étudiante.

Les modes d’apprentissage seront-ils touchés? Nous compterons davantage sur la simulation, la réalité virtuelle et l’éducation en ligne, des outils qui stimuleront la participation des apprenants et apprenantes et leur permettront d’acquérir certaines habiletés interprofessionnelles. L’intelligence artificielle assistera l’enseignement et l’évaluation de nos apprenants et apprenantes.

Il est essentiel de faire participer nos apprenants et apprenantes au processus éducatif; il faut les considérer comme étant des collègues novices, avec qui nous travaillons à l’atteinte d’objectifs communs. Je nous considère extrêmement privilégiés de travailler avec l’extraordinaire communauté étudiante de McGill. Ces jeunes gens d’une intelligence remarquable ne nous laissent jamais abandonner notre recherche de l’excellence.

Est-ce difficile de succéder à Annette Majnemer, qui a été la première vice-doyenne exécutive à l’éducation? Annette n’est pas très grande, mais elle laisse un énorme vide! Elle est une dirigeante brillante, dynamique et dévouée, McGill a beaucoup de chance d’avoir des gens comme elle à la barre. Annette sait recruter les gens tranquillement, mais efficacement, pour les entraîner vers le bien commun. Ce fut un privilège de l’observer travailler et j’espère que je pourrai continuer dans les mêmes voies qu’elle a défrichées. Ce que je retiens le plus de son exemple, c’est l’importance de la collaboration, de l’unification des efforts pour l’atteinte d’un but collectif, et du travail nécessaire pour réussir.

En parlant de l’atteinte de buts collectifs : la Faculté et McGill dans son ensemble ont fait de l’équité, la diversité et l’inclusion des priorités. Comment pouvons-nous intégrer ces principes à nos milieux de travail, d’enseignement et d’apprentissage? À mon avis, le thème choisi par la Faculté, « Le poids des mots », est parfait. Il faut prendre conscience de la façon dont nous adressons la parole aux personnes qui nous entourent, nos collègues, nos apprenants et apprenantes, nos patients. Il faut adopter un langage inclusif. La majorité des gens que nous côtoyons tous les jours ne cherchent pas à créer des problèmes, mais plutôt à améliorer le monde qui les entoure. Pour y arriver, ils ont besoin de soutien et d’un environnement sûr, où règne la confiance. Nos systèmes d’éducation et de santé ont toujours souffert de l’iniquité. Il nous revient de la mettre en évidence, pour faciliter le changement qui profitera à tous et à toutes.

Vous avez remporté de nombreux prix d’excellence en enseignement, une activité qui vous passionne. Comment vous y êtes-vous intéressé? En entamant mes études universitaires en sciences, je croyais devoir choisir entre l’enseignement et les études en médecine. Je n’avais pas imaginé que je pourrais faire les deux! J’ai opté pour la médecine parce que je me préoccupe du bien-être des patients, c’est ce qui m’inspire. Mais dès que j’ai pris connaissance du parcours universitaire qui permet de combiner les soins cliniques à l’enseignement, j’ai su que c’était vraiment la voie que je voulais prendre.

Selon vous, quelles sont les caractéristiques des bons pédagogues, dans le milieu clinique ou en classe? À mon avis, les bons pédagogues respectent l’expertise de leurs collègues novices et les guident dans les réflexions variées, intéressantes et complexes qui naissent en milieu clinique, en recherche, en éducation, en administration ou dans tout autre domaine relié à leur travail. Certains des meilleurs enseignants et enseignantes avec qui j’ai eu l’occasion de travailler n’avaient jamais reçu de formation formelle en pédagogie, mais stimulaient aisément l’intérêt et la participation de leurs collègues novices. Nous pouvons tous tirer profit de la formation professorale, qui nous aide à devenir de meilleurs pédagogues et modèles. Je crois par contre que la Faculté ne valorise pas encore assez le travail des enseignants et enseignantes, par exemple en leur donnant l’autonomie et le temps dont ils ont besoin pour réussir. C’est une question que nous devons nous poser : en faisons-nous assez pour soutenir et récompenser nos meilleurs enseignants et enseignantes?

Voilà quelques années que vous prenez part à l’initiative étudiante « World Restart a Heart », qui aura lieu le 16 octobre cette année. Qu’est-ce qui vous plaît dans cette campagne? C’est probablement l’une des activités les plus énergisantes de l’année! Le comité étudiant déborde d’énergie et c’est vraiment inspirant de voir combien ses membres tiennent à rendre le monde meilleur. Au fil des ans, notre message a rejoint bien plus d’un million de personnes, et l’initiative a reçu de nombreux prix régionaux et nationaux. J’espère que les étudiants et étudiantes pourront se servir des acquis de cette initiative dans leurs prochaines activités en pratique clinique ou en résidence. Nos étudiants et étudiantes bouillonnent d’idées! Et à mon avis, nous n’en faisons pas assez pour les encourager.

 

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