Une nouvelle étude, publiée dans Current Biology, révèle, avec un niveau de résolution sans précédent, la nanostructure des cellules du cerveau
Les cellules du cerveau figurent parmi les cellules les plus complexes du corps humain sur le plan anatomique. Elles créent aussi un réseau complexe de connexions permettant au cerveau de détecter, de traiter et d’encoder diverses informations, et d’y réagir. Ce qui est encore plus important, les problèmes de communication entre les cellules du cerveau entraînent des troubles et des maladies, comme la démence et la maladie d’Alzheimer, qui touchent quelque 50 millions de personnes à l’échelle mondiale. Jusqu’à maintenant, notre compréhension de l’architecture complexe des cellules du cerveau et de leur connectivité a été ralentie en raison de la disponibilité des technologies d’imagerie et des approches computationnelles. En l’absence de modèles tridimensionnels (3D) détaillés, incorporant la forme et les connexions précises des cellules du cerveau, les chercheurs ne peuvent pas comprendre pleinement comment le cerveau est construit et comment il peut se transformer à la suite d’une lésion ou d’une maladie.
Dans une nouvelle étude, publiée aujourd’hui dans Current Biology, des chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) et de l’Université McGill font état du développement de nouvelles approches puissantes en matière de vision par ordinateur et de nouvelles approches d’apprentissage automatique pour décoder le cadre structurel complexe des cellules du cerveau ainsi que leurs propriétés physiques tridimensionnelles complexes.
Intitulée « Organizing principles of astrocytic nanoarchitecture in the mouse cerebral cortex », ([traduction] principes organisateurs de la nanoarchitecture astrocytaire dans le cortex cérébral de la souris), l’étude dont il est ici question a été codirigée par Keith Murai, Ph. D.scientifique senior et directeur du Programme en réparation du cerveau et en neurosciences intégratives (programme RCNI) à l’IR-CUSM, et par Kaleem Siddiqi, Ph. D., professeur à l’École d’informatique et au Centre de recherche sur les machines intelligentes à l’Université McGill. Réunissant une équipe de neuroscientifiques, d’anatomistes, de mathématiciens et d’informaticiens, les laboratoires de Keith Murai et de Kaleem Siddiqi ont produit et analysé certaines des plus grandes images 3D des cellules du cerveau de la plus haute résolution jamais produites à ce jour.
Réalisée en collaboration avec Hojatollah Vali, Ph. D., et Craig Mandato, Ph. D., à la Plateforme de recherche en microscopie électronique (FEMR) au Département d’anatomie et de biologie cellulaire de l’Université McGill, l’étude a eu recours à une approche d’imagerie d’ultra-haute résolution, appelée microscopie à balayage – faisceau d’ions focalisés (MEB-FIB). L’objectif était de produire des milliers de tranches de tissu cérébral d’un nanomètre d’épaisseur (à titre comparatif, le diamètre d’un grain de sable est d’environ un million de nanomètres), permettant des reconstructions cellulaires détaillées. Grâce à la quantité de données brutes obtenues, il a fallu près de quatre ans à l’équipe pour assembler des modèles 3D de cellules du cerveau.
« Notre projet illustre parfaitement l’importance de la recherche fondamentale ainsi que la manière dont elle permet d’acquérir de nouvelles connaissances favorisant les découvertes biomédicales ayant une incidence sur la santé humaine. »
— Keith Murai, PhD
« Nous voulions initialement obtenir une image claire de la complexité des cellules du cerveau avec un nouveau niveau de résolution, en ayant recours à la technologie de la MEB-FIB accessible à l’Université McGill, explique Chris Salmon (boursier postdoctoral supervisé par Keith Murai). Toutefois, à mesure que le projet progressait et que les modèles 3D se développaient, nous avons réalisé la puissance des ensembles de données dont nous disposions, ce qui nous a amenés à nous poser des questions plus complexes sur l’organisation du cerveau. »
Le groupe s’est concentré sur la compréhension des propriétés fondamentales d’un type particulier de cellules du cerveau appelé astrocytes. Ces cellules sont vraisemblablement les cellules du cerveau à la structure la plus complexe. Elles jouent un rôle crucial pour ce qui est du maintien de la santé du cerveau; elles contrôlent la fonction des circuits cérébraux ainsi que la réaction aux lésions et aux maladies du cerveau.
« Au début du projet, il n’y avait à l’IR-CUSM ou à l’Université McGill, en fait au Canada, personne ayant le savoir-faire et l’expérience pour procéder à ce type d’analyse nanostructurale de haute résolution, commente Kaleem Siddiqi, Ph. D., codirecteur de l’étude. Nous savions qu’il s’agissait d’un projet à long terme potentiellement risqué, nécessitant des ressources financières considérables et un profond engagement des membres de l’équipe, plus particulièrement des coauteurs principaux, Chris Salmon, Tabish Syed et Benny Kacerovsky. Nous sommes partis de zéro pour mettre au point les approches computationnelles auxquelles nous avons eu recours pendant la réalisation de l’étude. À chaque étape, nous avons dû élaborer des méthodes à la fine pointe de la technologie et trouver les bons outils pour répondre aux questions qui se posaient. »
Keith Murai ajoute ce qui suit : « Nous n’avions jusqu’alors analysé que des parties du cerveau plus petites. Toutefois, les technologies d’imagerie, en pleine évolution, nous permettront prochainement d’analyser des zones plus élargies et plus complexes du cerveau. Cette analyse permettra de tirer parti des approches de pointe mises au point dans notre étude. La combinaison des méthodes de vision par ordinateur avec les approches fondées sur l’apprentissage automatique et sur l’intelligence artificielle sera cruciale pour ce qui est d’accélérer le processus de résolution du schéma complexe des connexions à l’intérieur du cerveau. »
L’équipe Murai-Siddiqi parachève une autre étude se penchant sur la pathologie du cerveau, dans un modèle de maladie d’Alzheimer. Faire en sorte que les données et les analyses fassent partie de la science ouverte et soient accessibles à la communauté scientifique à l’échelle mondiale est également une priorité. Enfin, Keith Murai conclut en déclarant ce qui suit : « Notre projet illustre parfaitement l’importance de la recherche fondamentale ainsi que la manière dont elle permet d’acquérir de nouvelles connaissances favorisant les découvertes biomédicales ayant une incidence sur la santé humaine. »
À propos de l’étude
Lire la publication dans Current Biology.
Les auteurs tiennent à souligner le soutien technique qu’ils ont reçu de la Plateforme d’imagerie moléculaire de l’IR-CUSM ainsi que le financement offert par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), du Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS), du Centre de recherches pour le développement international, de la fondation Azrieli et de la Fondation de l’Hôpital général de Montréal.