Une équipe de recherche de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université McGill travaillant à l’Institut Lady Davis de l’Hôpital général juif a identifié une protéine circulante qui agit comme facteur de médiation dans la relation entre l’obésité et la gravité des symptômes de la COVID-19.
L’obésité accroît de façon importante le risque d’avoir des symptômes graves chez les personnes qui contractent la COVID-19; les mécanismes qui sous-tendent cette association sont toutefois mal compris. Dans le cadre d’une étude dont les résultats ont été publiés récemment dans Nature Metabolism, une équipe de recherche mcgilloise employant des méthodes de génétique humaine et de protéomique a identifié une protéine circulante qui intervient dans cette relation. L’équipe a démontré qu’une réduction de la masse adipeuse jumelée à une augmentation de la masse maigre peut réduire la concentration sanguine de cette protéine et, par conséquent, le risque d’avoir une forme grave de COVID-19.
Le chercheur principal J. Brent Richards, M.D., M. Sc., professeur de génétique humaine, et Satoshi Yoshiji, M.D., clinicien-chercheur formé en endocrinologie, étaient à la tête de l’équipe de recherche. Le Dr Yoshiji a intégré le laboratoire Richards comme doctorant en 2022.
« La COVID-19 a fait plus de 6,8 millions de victimes dans le monde. Nous savons que l’obésité est un facteur de risque, sans toutefois connaître les mécanismes sous-jacents, explique le Dr Yoshiji. Notre équipe a émis l’hypothèse d’une médiation par des protéines circulantes. Ces protéines constituent souvent des cibles thérapeutiques intéressantes, puisque leur taux est facilement mesurable et souvent modulable. Elles font toutefois partie de systèmes biologiques très complexes. Nous avons donc utilisé une méthode d’épidémiologie génétique appelée randomisation mendélienne (RM), qui nous permet d’effectuer une inférence causale à partir de données génétiques. Notre étude visait à repérer une protéine circulante agissant comme facteur intermédiaire et à trouver une façon de la moduler. »
« La RM repose sur l’utilisation de variants génétiques qui sont répartis de façon aléatoire au moment de la conception. On obtient ainsi une répartition analogue à celle d’un essai contrôlé randomisé, où l’on attribue les traitements de façon aléatoire avant de comparer les résultats obtenus pour deux groupes, ajoute le Dr Yoshiji. En RM, au lieu de traitements, la répartition se base sur des variants génétiques qui agissent sur le facteur qui nous intéresse, par exemple l’indice de masse corporelle (IMC). Nous avons un variant qui augmente l’IMC, et un autre qui ne l’augmente pas. Ces variants nous permettent donc d’évaluer l’effet causal de l’IMC sur un paramètre donné – dans notre cas, le taux d’une protéine dans le sang. »
L’équipe de recherche a réalisé l’analyse de RM en deux temps. Elle a d’abord cherché à déterminer l’effet de l’IMC, mesure indirecte de l’obésité, sur les taux de protéines circulantes. « Nous avons relevé plus de 1200 protéines dont la concentration est influencée par l’IMC; l’IMC a donc un énorme effet sur les taux de protéines circulantes », explique le Dr Yoshiji.
Après avoir cerné les protéines circulantes sur lesquelles influe l’IMC, les chercheurs ont exploré l’effet de ces protéines sur la gravité des symptômes de la COVID-19.
Durant cette deuxième étape d’analyse, l’équipe a noté qu’une protéine (la néphronectine [NPNT]) agissait comme un médiateur. « De toutes les protéines dont la concentration est influencée par l’IMC, c’est la NPNT qui présente l’association la plus forte avec la hausse du risque d’avoir une forme grave de COVID-19. La NPNT est une protéine matricielle, fortement exprimée dans les tissus des poumons, qui contribue à l’adhérence cellulaire. Nous avons ensuite analysé des échantillons de tissu pulmonaire de patients décédés de la COVID-19 et y avons découvert que la NPNT était fortement exprimée dans les amas de cellules épithéliales et de fibroblastes, poursuit le Dr Yoshiji. Ces amas de cellules jouent un rôle important dans les échanges gazeux et la fibrose, ce qui laisse croire que la NPNT pourrait intervenir dans le dysfonctionnement des échanges gazeux et la fibrogenèse chez les patients atteints de COVID-19. Le dernier volet de notre analyse a porté sur la modulation de la NPNT. Toujours au moyen de la RM, nous avons déterminé qu’une diminution de la masse adipeuse et une augmentation de la masse maigre entraînaient une diminution du taux de NPNT, qui était suivie d’une diminution de la gravité des symptômes de COVID; ce sont des facteurs sur lesquels nous pouvons agir. Il est possible de réduire sa masse adipeuse et d’augmenter sa masse maigre en faisant de l’exercice et en adoptant une alimentation adéquate. C’est un constat de grande importance, à notre avis, puisque les patients n’ont pas besoin d’attendre plusieurs années pour qu’un médicament soit mis au point; ils peuvent agir dès maintenant en faisant plus d’activité physique pour tenter de réduire leur masse adipeuse et d’augmenter leur masse musculaire, et ainsi réduire leur risque d’avoir des symptômes graves s’ils contractent la COVID-19. »
Tout en rappelant qu’il reste sans doute d’autres avenues à explorer, le Dr Yoshiji espère que les résultats de l’étude aideront la communauté scientifique et médicale à combattre la pandémie. « Nous remercions McGill, nos collaborateurs internationaux et les patients qui ont fourni des données et des échantillons, en particulier les participants de la Biobanque québécoise de la COVID-19 (BCQ19) et de la COVID Host Genetics Initiative. »