Un texte de notre série « À la rencontre de membres de la FMSS venus d’ailleurs » – La Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS) est composée de communautés plurielles dont les membres proviennent de partout au Canada et d’ailleurs dans le monde. Cette série souligne le talent et l’expertise de personnes qui ont choisi de venir s’établir au Québec et de se joindre à l’Université McGill. Merci de votre précieuse contribution!

Dans son quotidien de physiothérapeute à l’Hôpital général juif et à la clinique de médecine sportive Action Sport Physio, à Montréal, Stephanie Molloy aide ses patients à se rétablir à la suite d’une blessure. C’est toutefois la notion de justice sociale qui guide plus généralement son approche professionnelle. 

« La justice sociale m’a toujours passionnée. Durant mes études à l’Université du Manitoba, j’ai été bénévole pour l’organisme Entraide universitaire mondiale du Canada, qui aide les personnes réfugiées qui souhaitent faire des études postsecondaires au Canada. Puis, ma première année à McGill, une prof m’a demandé de l’aider à créer du contenu de médias sociaux lié à une présentation qu’elle allait donner par Zoom au Congrès mondial de physiothérapie. Le thème était la décolonisation, une philosophie qui rejette les attitudes conventionnelles à l’égard des politiques économiques et sociales qu’on considère comme oppressives », explique-t-elle.  

Après avoir obtenu sa maîtrise ès sciences appliquées en physiothérapie de l’Université McGill en 2022, Stephanie Molloy a décroché deux postes où elle met son expertise en application. « Je travaille à l’Hôpital général juif trois jours par semaine et à Action Sport Physio deux jours par semaine. À l’hôpital, je travaille généralement avec mes collègues de l’unité d’orthopédie. J’y travaille avec deux autres physiothérapeutes et un technologue en physiothérapie, et nous nous assurons de diviser les patients également entre nous. La journée commence par une réunion avec toute l’équipe de soins pour discuter des plans de traitement de tous les patients de l’unité. Après la réunion, nous planifions notre journée avec l’équipe infirmière et commençons à traiter les patients. »  

À la clinique de médecine sportive, la physiothérapeute voit des patients sur rendez-vous durant deux journées de travail de huit heures. « Le nombre de patients varie; les rendez-vous de suivi durent 30 minutes tandis que les évaluations durent une heure. » 

Stephanie Molloy plaide aussi pour l’équité et la justice dans le cadre du groupe Justice Centered Rehab, dont la mission est d’encourager des groupes et organisations à adopter des pratiques et politiques centrées sur la justice, dans le but de créer une société plus harmonieuse et équitable. Leurs activités sont axées sur la diffusion de messages progressistes et la promotion d’événements en réadaptation. 

« C’est un groupe assez informel. Nous échangeons et publions sur Twitter, Instagram et Facebook, nous tenons un blogue et avons un site web. En plus de résumer les récentes recherches en physiothérapie et ergothérapie sur ces plateformes, nous organisons des événements, faisons de la sensibilisation et publions des articles », explique-t-elle. 

Le groupe déplore les lacunes du système de santé canadien, particulièrement en physiothérapie. « En somme, ce n’est pas un très bon système. Il repose sur les préceptes de la colonisation. Même notre profession s’est développée par l’oppression d’autres peuples et professions, de façon formelle ou informelle. Le système de santé canadien dans son ensemble est une construction coloniale, comme en témoigne le déséquilibre dans la prestation de services, par exemple dans les communautés autochtones », ajoute la physiothérapeute. 

En plus des modalités habituelles de la physiothérapie, comme les exercices et les traitements manuels, Stephanie Molloy intègre des techniques de pleine conscience à ses plans de traitement. « Ayant un baccalauréat en psychologie, j’ai constaté des recoupements entre cette discipline et la physiothérapie, tout particulièrement en ce qui concerne les nombreux aspects psychologiques de la douleur. L’aspect mental est inhérent à bon nombre des problèmes qu’on traite. La physiothérapie a beaucoup à apporter à cet égard. J’ai découvert au fil de mes explorations que la pleine conscience est une bonne façon de faire le pont entre santé mentale et physique. Je pose des questions à mes patients sur leur sommeil et leurs principaux facteurs de stress, car je sais à quel point ça se répercute sur la douleur et la perception de la douleur. » 

La notion de perception de la douleur renvoie au caractère nécessairement subjectif de la douleur, qui est déterminée par l’état psychologique de la personne. La douleur est donc différente pour chaque personne. Par exemple, une personne qui vit un stress élevé ressentira peut-être la douleur plus fortement. L’isolement social peut aussi accentuer l’expérience de la douleur et diminuer la tolérance d’une personne à la douleur. Les expériences douloureuses passées peuvent aussi influencer cette tolérance. 

« Disons que vous avez très bien dormi, que vous passez une excellente journée, qu’il fait merveilleusement beau. Si vous vous cognez l’orteil, il se peut que vous le remarquiez à peine. Votre perception de la douleur, même si les dommages que subit votre corps sont les mêmes, est donc influencée par un amalgame de signaux dans le cerveau. D’où l’importance des approches comme la régulation émotionnelle; si on traite la blessure physique de quelqu’un, mais que cette personne est toujours très stressée et anxieuse, il est plus probable que la douleur revienne, même si elle fait tous ses exercices correctement », explique-t-elle. 

Aujourd’hui bilingue, Stephanie Molloy avait déjà acquis une bonne maîtrise du français à l’école, puis en travaillant à Parcs Canada. « En arrivant à Montréal, j’ai dû continuer d’enrichir mon français, surtout le vocabulaire des soins de santé. Il s’est certainement amélioré depuis que je vis ici. » 

Travaillant dans son domaine et bien intégrée à la communauté, la physiothérapeute croit être à Montréal pour rester. « Beaucoup de mes amis de l’université sont restés à Montréal après leurs études, il y a tant de choses à faire ici. C’est une ville extraordinaire. »