
Dans notre série McGill au Québec : mission santé, nous mettons en lumière le travail que réalisent des membres de la Faculté de médecine et des sciences de la santé d’un bout à l’autre du Québec. De la Montérégie et de l’Outaouais à l’Eeyou Istchee et au Nunavik, nos apprenants, apprenantes, cliniciens, cliniciennes et scientifiques ont le privilège et la fierté de s’associer aux communautés pour apprendre et enseigner, prendre soin de la population québécoise et améliorer la santé de tous. Découvrez leurs histoires passionnantes.
L’accès aux soins de santé spécialisés peut être difficile dans les communautés autochtones, mais à Kahnawá:ke, une nouvelle clinique contribue à changer la donne. Sa cofondatrice, Romina Pace, nous parle du projet, de confiance et de collaboration, de réduction des disparités et de sensibilisation culturelle.
Pour beaucoup de patients autochtones, accéder à des soins de santé spécialisés signifie s’éloigner de la communauté : une étape souvent appréhendée en raison d’une méfiance historique. Or, depuis octobre 2022, la clinique de médecine interne générale de l’Hôpital Kateri Memorial (KMHC), fruit d’une collaboration avec le Centre universitaire de santé McGill (CUSM), offre des services spécialisés de plus grande proximité.

L’idée de cette clinique a germé lors d’une discussion du Comité du programme de résidence en médecine interne générale à propos des stages communautaires. Les résidents et les étudiants ont exprimé leur volonté de collaborer plus étroitement avec les communautés autochtones, constatant la réticence de nombreux patients à quitter la maison pendant de longues périodes pour recevoir des soins spécialisés. Romina Pace, MDCM, et Patrick Willemot, MDCM, professeurs adjoints de médecine à l’Université McGill et membres de la Division de la médecine interne générale du CUSM, en ont ensuite discuté avec Rachael Eniojukan, MDCM, directrice des services professionnels au KMHC, qui a reconnu le caractère bénéfique d’une telle initiative. Bénéficiant d’un solide appui du CUSM, le projet a rapidement pris forme.
« Au Canada, il y a beaucoup de méfiance de la part des patients autochtones face au système de santé. C’est compréhensible, étant donné l’histoire coloniale du pays, rappelle la Dre Pace. Nous avons donc pensé qu’il serait avantageux de rapprocher les services des Kahnawa’kehró:non, dans un espace où ils se sentent à l’aise. »
Ouverte une demi-journée par mois à ses débuts, la clinique accueille maintenant les patients deux jours chaque mois. À tour de rôle, la Dre Pace et le Dr Willemot y offrent des consultations externes et y prodiguent des soins spécialisés, notamment en cardiologie, en néphrologie, en endocrinologie et en rhumatologie. Ainsi, les patients peuvent recevoir tous les soins dont ils ont besoin sans devoir s’éloigner de leur communauté.
La clinique joue également un rôle essentiel en jetant des ponts entre les patients et le système de santé. « Certains patients ont besoin de soins que les médecins de famille ne peuvent leur offrir », explique la Dre Pace. Or, plusieurs évitent les rendez-vous à l’extérieur de la communauté parce qu’ils s’y sentent mal à l’aise ou en raison des barrières logistiques, ce qui nuit aux communications. La clinique aide à lever ces obstacles en offrant les soins localement, dans un cadre accueillant pour les patients.
La clinique a véritablement changé la donne, surtout pour les personnes atteintes de plus d’une maladie. « Nombre de ces patients peinent à assurer le suivi avec plus d’un spécialiste en raison de leurs responsabilités professionnelles ou familiales. Notre clinique simplifie les choses en leur permettant d’aborder plusieurs problèmes en une seule visite », souligne la médecin.
Romina Pace illustre le rôle de la clinique au moyen d’un exemple : « Un jeune patient qui avait un grave problème de santé n’allait pas à ses rendez-vous en spécialité. Son médecin de famille s’en est rendu compte et nous a donc demandé de le prendre en charge. Nous suivons ce patient depuis maintenant un an et nous avons pu lui expliquer pourquoi il lui fallait des soins immédiats. Je crois que nous avons réussi à atténuer sa méfiance envers le système, car il a récemment accepté de se rendre à un rendez-vous avec un spécialiste dans un hôpital situé à l’extérieur de la communauté. »
La collaboration entre les médecins de famille, la Dre Pace et le Dr Willemot est la clé du succès de la clinique : c’est ce qui permet d’assurer la continuité des soins sans obliger les patients à se tourner vers d’autres établissements. « Il n’est plus nécessaire d’envoyer des patients à l’extérieur de la communauté, et nous sommes en constante communication avec les médecins de famille, ce qui est vraiment important pour la continuité des soins », explique la Dre Pace.
La venue d’apprenantes et apprenants en médecine au sein de la clinique est également bénéfique, tant pour ces derniers que pour la communauté. « L’idée, c’est de mieux comprendre les patients autochtones, leur histoire, leur savoir et leurs façons de voir le monde, pour apprendre à mieux communiquer en tant que professionnels de la santé. La façon de s’exprimer et le choix des mots sont importants. C’est très important que les membres de la relève médicale et infirmière aillent à la rencontre de la communauté. »
« Le contact avec des professionnels peut également inciter des membres de la communauté à s’intéresser aux carrières en santé. Et on ne parle pas que de médecins ou de dentistes, mais aussi d’ergothérapeutes, de nutritionnistes et de plusieurs autres professions », ajoute la Dre Pace.
À plus long terme, on prévoit renforcer les partenariats et offrir de nouvelles formations. « Je crois que McGill doit continuer de travailler avec le KMHC à l’élaboration de programmes de formation pour améliorer l’accessibilité aux soins de santé, confie la Dre Pace. L’expérience pourrait encourager des membres de la communauté à faire carrière en santé et venir renforcer les capacités du réseau local. Dans cette perspective, le renforcement des partenariats avec le CUSM et l’intégration de différentes spécialités seront de grands pas en avant. »
Pour Romina Pace, l’expérience est très gratifiante : « J’adore travailler à la clinique. C’est un privilège de pouvoir participer à ce projet, qui me permet d’apprendre des patients et des médecins de famille, en assistant à l’élaboration de programmes qui font honneur aux méthodes et au savoir traditionnels. »