Le professeur Ed Ruthazer est cartographe du paysage qu’est le cerveau en développement – en particulier des circuits neuronaux, ce réseau de connexions entre les cellules nerveuses. Ses travaux de recherche à l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal, le Neuro, de l’Université McGill, révèlent que le cerveau est un paysage dynamique où les connexions entre les nerfs sont malléables, qu’elles varient et s’adaptent en fonction des demandes de l’environnement. Le Pr Ruthazer est le lauréat du premier Prix du jeune chercheur de l’Association canadienne des neurosciences, qui souligne des réalisations remarquables en recherche. Au moyen de techniques d’imagerie à intervalles (time-lapse), son laboratoire cartographie les changements qui s’opèrent dans le câblage du cerveau durant le développement, et ce, afin de faire progresser le traitement de lésions au système nerveux central et de troubles du développement comme l’autisme et la schizophrénie. On considère en général que ces maladies sont le fruit d’erreurs du câblage du cerveau attribuables à une rupture des interactions complexes entre les influences génétiques et environnementales durant le développement du cerveau.
Étonnamment, l’un de ces troubles affecte près d’un Canadien sur 100, ce qui coûterait plus de 10 milliards par année à l’économie canadienne, en plus d’avoir un impact dévastateur dans la vie des patients et de leurs proches. Deux des récentes publications du Pr Ruthazer dans d’importantes revues scientifiques font progresser nos connaissances sur la façon dont le cerveau se développe, ce qui est crucial pour l’avancement des thérapies, des traitements et des interventions précoces.
Sa nouvelle étude, publiée dans la prestigieuse revue Neuron, illustre clairement l’effet d’un apport de l’environnement sur le cerveau en développement. Une exposition d’à peine 20 minutes à une stimulation visuelle intensive durant le développement a amélioré l’acuité visuelle et la sensibilité de sujets à l’égard de cibles visuelles plus fines et petites que chez des témoins non conditionnés.
« Il n’y a pas de place pour l’imprécision dans le cerveau à maturité », dit le professeur Ruthazer. Le développement du cerveau s’accompagne d’une surproduction initiale de connexions imprécises entre les cellules nerveuses. Durant le développement et l’apprentissage, ces connexions sont élaguées, au profit de connexions plus fortes et spécifiques. L’affinement s’opère en réaction à un apport de l’environnement. « Notre étude montre qu’une stimulation visuelle intense rend les cellules nerveuses plus réceptives à un apprentissage et à un affinement ultérieurs. »
Qui plus est, le groupe du Pr Ruthazer a identifié les mécanismes moléculaires à l’origine des changements dans le système nerveux. La stimulation de l’environnement active la production d’une protéine, le facteur neurotrophique dérivé du cerveau ou BDNF. Cette protéine joue un rôle majeur dans la plasticité des neurones et a deux formes : le propeptide pro-BDNF qui facilite l’affaiblissement de connexions imprécises ou mal ciblées et le BDNF mature qui renforce les connexions appropriées et efficaces. Dans ce cas, en réaction à l’activité de l’environnement, ces processus ont mené à l’affinement de connexions de cellules nerveuses du système visuel nécessaires pour l’acuité visuelle. « Cela indique que l’expérience sensorielle durant le développement entraîne une production rapide de protéines clés utilisées aux connexions de cellules nerveuses pour donner de la stabilité à long terme et une plus grande efficacité à des points appropriés de connexion, tout en aidant à éliminer les mauvaises connexions. »
Dans le système visuel en développement, les cellules nerveuses de la rétine à l’arrière de l’oeil se raccordent à des points très spécifiques dans le tectum, la partie visuelle du cerveau, afin que la rétine soit représentée correctement dans le cerveau et puisse transmettre des signaux visuels précis. Un système très complexe de signaux de guidage fait en sorte que les cellules nerveuses innervent les bons points dans le cerveau.
La formation de cette carte précise dans le cerveau repose non seulement sur les signaux de guidage, mais aussi sur une activité configurée dans la rétine. « Nous commençons à comprendre les aspects tributaires de l’expérience ou « acquis » du développement, qui sont souvent plus difficiles à étudier que les éléments du patrimoine génétique ou « innés », car l’éventail d’expériences sensorielles possibles est si vaste », explique le Pr Ruthazer. « Mais même les éléments « innés » du développement peuvent être complexes et doivent à l’occasion être réexaminés. »
Il y plus de dix ans, Friedrich Bonhoeffer et des collègues ont identifié les principaux signaux de guidage moléculaire qui interviennent dans la mise en place du câblage visuel dans le cerveau : les éphrines et leurs récepteurs Eph. Ces molécules se subdivisent en familles A et B. Les membres de la famille « A » s’expriment dans un gradient rostrocaudal (ou de l’avant à l’arrière) dans le tectum, tandis que ceux de la famille « B » ont un gradient d’expression dorsoventral (de haut en bas). À l’instar des lignes de longitude et de latitude sur une carte de la Terre, ces gradients d’expression semblent indiquer que les niveaux respectifs d’Eph et d’éphrines A et B précisent des coordonnées de position dans le cerveau pour guider les axones rétiniens à identifier et à innerver leurs cibles correspondantes dans le tectum. On trouve aujourd’hui ce modèle influent dans la plupart des manuels de premier cycle.
Fait étonnant, les configurations d’expression de développement des Eph et des éphrines dans le cerveau n’avaient encore jamais été examinées en détail. Les résultats d’une étude longitudinale de leurs configurations d’expression publiés récemment dans Development Neurobiology par Valerie Higenell, du laboratoire du Pr Ruthazer, en collaboration avec des collègues de SUNY Downstate et de l’Université de Californie à Santa Cruz, sont surprenants et exigent un changement fondamental dans la façon d’envisager les contributions des gradients Eph et éphrines à la cartographie du système visuel.
« Si nos données au sujet des gradients d’expression d’Eph et d’éphrines de type A concordaient avec le modèle répandu, nous avons constaté que le gradient d’expression d’Eph de type B dans le tectum avait exactement l’orientation contraire à ce qui avait été rapporté auparavant. C’est comme si nous venions de découvrir que, depuis le début, nous (et tout le monde dans le domaine) tenions notre carte à l’envers », a expliqué le Pr Ruthazer. L’étude a confirmé que les éphrines de type A ont une configuration d’expression caudale élevée à rostrale basse dans le tectum, à peu près complémentaire à l’expression d’Eph de type A, comme prévu. À la différence du modèle répandu, l’étude du Pr Ruthazer a constaté que les Eph de type B ne sont pas exprimés dans le tectum selon un gradient ventral élevé à dorsal bas (de bas en haut) comme le rapportaient auparavant les conclusions d’autres chercheurs, mais plutôt selon une configuration dorsale élevée à ventrale basse (de haut en bas).
L’étude du Pr Ruthazer révèle aussi que le gradient d’Eph de type B est présent uniquement durant les premiers stades du développement, et qu’il atteint une expression uniforme, élevée dans le tectum chez des animaux plus vieux. Cela semble indiquer que la signalisation des éphrines et Eph de type B pourrait jouer un rôle important indépendant de la cartographie axonale dorsoventrale au fur et à mesure que le cerveau se développe.
Le professeur Ed Ruthazer est cartographe du paysage qu’est le cerveau en développement – en particulier des circuits neuronaux, ce réseau de connexions entre les cellules nerveuses. Ses travaux de recherche à l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal, le Neuro, de l’Université McGill, révèlent que le cerveau est un paysage dynamique où les connexions entre les nerfs sont malléables, qu’elles varient et s’adaptent en fonction des demandes de l’environnement. Le Pr Ruthazer est le lauréat du premier Prix du jeune chercheur de l’Association canadienne des neurosciences, qui souligne des réalisations remarquables en recherche. Au moyen de techniques d’imagerie à intervalles (time-lapse), son laboratoire cartographie les changements qui s’opèrent dans le câblage du cerveau durant le développement, et ce, afin de faire progresser le traitement de lésions au système nerveux central et de troubles du développement comme l’autisme et la schizophrénie. On considère en général que ces maladies sont le fruit d’erreurs du câblage du cerveau attribuables à une rupture des interactions complexes entre les influences génétiques et environnementales durant le développement du cerveau.
Étonnamment, l’un de ces troubles affecte près d’un Canadien sur 100, ce qui coûterait plus de 10 milliards par année à l’économie canadienne, en plus d’avoir un impact dévastateur dans la vie des patients et de leurs proches. Deux des récentes publications du Pr Ruthazer dans d’importantes revues scientifiques font progresser nos connaissances sur la façon dont le cerveau se développe, ce qui est crucial pour l’avancement des thérapies, des traitements et des interventions précoces.
Sa nouvelle étude, publiée dans la prestigieuse revue Neuron, illustre clairement l’effet d’un apport de l’environnement sur le cerveau en développement. Une exposition d’à peine 20 minutes à une stimulation visuelle intensive durant le développement a amélioré l’acuité visuelle et la sensibilité de sujets à l’égard de cibles visuelles plus fines et petites que chez des témoins non conditionnés.
« Il n’y a pas de place pour l’imprécision dans le cerveau à maturité », dit le professeur Ruthazer. Le développement du cerveau s’accompagne d’une surproduction initiale de connexions imprécises entre les cellules nerveuses. Durant le développement et l’apprentissage, ces connexions sont élaguées, au profit de connexions plus fortes et spécifiques. L’affinement s’opère en réaction à un apport de l’environnement. « Notre étude montre qu’une stimulation visuelle intense rend les cellules nerveuses plus réceptives à un apprentissage et à un affinement ultérieurs. »
Qui plus est, le groupe du Pr Ruthazer a identifié les mécanismes moléculaires à l’origine des changements dans le système nerveux. La stimulation de l’environnement active la production d’une protéine, le facteur neurotrophique dérivé du cerveau ou BDNF. Cette protéine joue un rôle majeur dans la plasticité des neurones et a deux formes : le propeptide pro-BDNF qui facilite l’affaiblissement de connexions imprécises ou mal ciblées et le BDNF mature qui renforce les connexions appropriées et efficaces. Dans ce cas, en réaction à l’activité de l’environnement, ces processus ont mené à l’affinement de connexions de cellules nerveuses du système visuel nécessaires pour l’acuité visuelle. « Cela indique que l’expérience sensorielle durant le développement entraîne une production rapide de protéines clés utilisées aux connexions de cellules nerveuses pour donner de la stabilité à long terme et une plus grande efficacité à des points appropriés de connexion, tout en aidant à éliminer les mauvaises connexions. »
Dans le système visuel en développement, les cellules nerveuses de la rétine à l’arrière de l’oeil se raccordent à des points très spécifiques dans le tectum, la partie visuelle du cerveau, afin que la rétine soit représentée correctement dans le cerveau et puisse transmettre des signaux visuels précis. Un système très complexe de signaux de guidage fait en sorte que les cellules nerveuses innervent les bons points dans le cerveau.
La formation de cette carte précise dans le cerveau repose non seulement sur les signaux de guidage, mais aussi sur une activité configurée dans la rétine. « Nous commençons à comprendre les aspects tributaires de l’expérience ou « acquis » du développement, qui sont souvent plus difficiles à étudier que les éléments du patrimoine génétique ou « innés », car l’éventail d’expériences sensorielles possibles est si vaste », explique le Pr Ruthazer. « Mais même les éléments « innés » du développement peuvent être complexes et doivent à l’occasion être réexaminés. »
Il y plus de dix ans, Friedrich Bonhoeffer et des collègues ont identifié les principaux signaux de guidage moléculaire qui interviennent dans la mise en place du câblage visuel dans le cerveau : les éphrines et leurs récepteurs Eph. Ces molécules se subdivisent en familles A et B. Les membres de la famille « A » s’expriment dans un gradient rostrocaudal (ou de l’avant à l’arrière) dans le tectum, tandis que ceux de la famille « B » ont un gradient d’expression dorsoventral (de haut en bas). À l’instar des lignes de longitude et de latitude sur une carte de la Terre, ces gradients d’expression semblent indiquer que les niveaux respectifs d’Eph et d’éphrines A et B précisent des coordonnées de position dans le cerveau pour guider les axones rétiniens à identifier et à innerver leurs cibles correspondantes dans le tectum. On trouve aujourd’hui ce modèle influent dans la plupart des manuels de premier cycle.
Fait étonnant, les configurations d’expression de développement des Eph et des éphrines dans le cerveau n’avaient encore jamais été examinées en détail. Les résultats d’une étude longitudinale de leurs configurations d’expression publiés récemment dans Development Neurobiology par Valerie Higenell, du laboratoire du Pr Ruthazer, en collaboration avec des collègues de SUNY Downstate et de l’Université de Californie à Santa Cruz, sont surprenants et exigent un changement fondamental dans la façon d’envisager les contributions des gradients Eph et éphrines à la cartographie du système visuel.
« Si nos données au sujet des gradients d’expression d’Eph et d’éphrines de type A concordaient avec le modèle répandu, nous avons constaté que le gradient d’expression d’Eph de type B dans le tectum avait exactement l’orientation contraire à ce qui avait été rapporté auparavant. C’est comme si nous venions de découvrir que, depuis le début, nous (et tout le monde dans le domaine) tenions notre carte à l’envers », a expliqué le Pr Ruthazer. L’étude a confirmé que les éphrines de type A ont une configuration d’expression caudale élevée à rostrale basse dans le tectum, à peu près complémentaire à l’expression d’Eph de type A, comme prévu. À la différence du modèle répandu, l’étude du Pr Ruthazer a constaté que les Eph de type B ne sont pas exprimés dans le tectum selon un gradient ventral élevé à dorsal bas (de bas en haut) comme le rapportaient auparavant les conclusions d’autres chercheurs, mais plutôt selon une configuration dorsale élevée à ventrale basse (de haut en bas).
L’étude du Pr Ruthazer révèle aussi que le gradient d’Eph de type B est présent uniquement durant les premiers stades du développement, et qu’il atteint une expression uniforme, élevée dans le tectum chez des animaux plus vieux. Cela semble indiquer que la signalisation des éphrines et Eph de type B pourrait jouer un rôle important indépendant de la cartographie axonale dorsoventrale au fur et à mesure que le cerveau se développe.