Mieux comprendre pour mieux accompagner : un nouveau modèle développé par des chercheurs de l’IR-CUSM illustre les relations entre les différents facteurs influençant le bien-être psychologique des travailleurs de la santé.
Le stress vécu par les travailleurs de la santé durant la pandémie de COVID-19 a eu des conséquences sur leur santé mentale ainsi que des effets collatéraux sur leur environnement personnel et professionnel. Le problème mérite la plus grande attention, mais comment réellement s’y prendre pour améliorer les choses? Une équipe de chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) et de l’Université McGill propose, dans une nouvelle étude, un outil pour aider les professionnels de la santé, les chercheurs, les gestionnaires et les décideurs à mieux comprendre la dynamique des facteurs qui nourrissent ou apaisent la détresse psychologique des travailleurs de la santé, pour mieux y répondre. L’outil prend la forme d’un modèle qui montre que le recours à des sources de soutien et des stratégies d’adaptation modifie l’effet du stress sur la détresse psychologique.
Le stress, l’anxiété et l’épuisement professionnel, de même que la dépression et la fatigue de compassion, étaient des phénomènes reconnus et documentés chez les travailleurs de la santé, bien avant que la pandémie ne nous frappe. Toutefois, selon les auteurs de l’article, la plupart des recherches effectuées à ce jour – et particulièrement durant la pandémie – se sont penchées soit sur le stress, l’épuisement professionnel (burnout), la détresse psychologique ou les stratégies des travailleurs de la santé pour gérer leur stress, sans examiner les liens entre ces phénomènes.
« Ceci est problématique, car le fait de se concentrer uniquement sur le stress ou le burnout sans considérer la détresse psychologique, la résilience ou les stratégies d’adaptation limite notre compréhension des conséquences de ces phénomènes intereliés, explique Jason Harley, Ph. D., premier auteur de l’article et scientifique dans le Programme de recherche : blessure, réparation et récupération à l’IR-CUSM. Il faut examiner un certain nombre de facteurs personnels et contextuels afin d’interpréter les constats de la recherche de manière appropriée », ajoute Jason Harley, qui est aussi professeur adjoint au Département de chirurgie de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université McGill et membre associé de l’Institut d’éducation en sciences de la santé de l’Université McGill.
L’article publié dans le journal Health Care Management Reviewvise à corriger ces lacunes. Elle propose un modèle qui représente les facteurs-clés qui affectent le bien-être des travailleurs de la santé, ainsi que ceux qui sont affectés par leur détresse. Il s’agit d’une version adaptée du modèle original de Wheaton & Montazer.
Selon ce modèle :
- Le stress est nourri par divers stresseurs professionnels ou personnels (la charge de travail, le manque de ressources, le manque de sommeil, etc.)
- Le recours à des sources de soutien (les ressources offertes par l’employeur, les amis, la psychothérapie, etc.) peut atténue l’impact des stresseurs sur le stress ressenti.
- Les stratégies d’adaptation, soit les pensées et les actions par lesquelles les individus essaient de gérer, tolérer ou réduire leur stress, influencent la relation entre le stress et la détresse psychologique. Les stratégies constructives, comme aller chercher de l’aide psychologique ou faire du sport, peuvent réduire l’influence du stress. À l’inverse, de mauvaises stratégies, telles que l’évitement et l’usage de substances, peuvent augmenter l’effet du stress sur la détresse psychologique.
- Le contexte individuel, organisationnel et global peut avoir un effet les stresseurs, les stratégies d’adaptation adoptées et la détresse ressentie.
- La détresse psychologique des travailleurs de la santé peut avoir des conséquences sur eux-mêmes, leurs collègues, leurs patients et leur organisation, et comme dans un cercle vicieux, ces conséquences peuvent à leur tour devenir des stresseurs.
COVID-19 : un état préoccupant pour la santé mentale des travailleurs
En étudiant la situation actuelle à la lumière de ce modèle, l’équipe de recherche a relevé une augmentation des facteurs de stress professionnels et personnels reliés au contexte de la pandémie de COVID-19. En effet, les travailleurs de la santé ont dû composer avec une quantité de travail accrue, des changements de protocoles, des décisions difficiles à prendre, un sentiment d’être pris entre la sécurité des patients, leur propre sécurité, celle de leur famille, et bien plus. De plus, l’accès au soutien et à certains moyens personnels de gestion du stress a été perturbé par la pandémie (ex. : fermeture des gyms, limitation des contacts avec les amis, les collègues, etc.)
« Il est temps de s’attaquer à la crise actuelle qui affecte le bien-être des professionnels de la santé et de faire face aux facteurs de stress supplémentaires attribuables à la pandémie. L’avenir pourrait nous réserver de nouvelles vagues de COVID-19 ainsi que de nouvelles pandémies; il faut s’y préparer, explique Jason Harley. Il est dans le meilleur intérêt des individus, des institutions et des sociétés d’aider à résoudre ce problème, et nous avons collectivement le pouvoir et la compétence pour le faire. Nous espérons que ce modèle pourra aider les personnes concernées à prendre des décisions éclairées afin d’aider nos précieux travailleurs de la santé. »
À propos de l’étude
L’article Rethinking how health care professionals cope with stress: A process model for COVID-19 and beyond a été réalisée par Jason M. Harley, Tina C. Montreuil, Nigel Mantou Lou, Liane S. Feldman, Gerald M. Fried, Mélanie Lavoie-Tremblay, Farhan Bhanji et Heather Kennedy.
DOI: 10.1097/HMR.0000000000000345