Une étude indiquant que des facteurs sociaux et psychologiques auraient une incidence particulière sur la santé cardiaque des femmes ouvre la voie à une meilleure compréhension des maladies cardiaques chez les femmes.

Selon une nouvelle étude menée par des chercheurs des universités McGill et Concordia, les femmes qui se perçoivent comme ayant un statut social inférieur sont plus susceptibles que les autres de présenter des signes précurseurs de stress cardiaque liés à un risque de maladie.

« En Amérique du Nord, une femme sur trois meurt d’une maladie cardiaque. Pourtant, les femmes sont moins susceptibles que les hommes de faire l’objet d’interventions ou de traitements cardiaques importants. Il faut donc repenser notre évaluation des risques cardiovasculaires chez les femmes », explique la Dre Judy Luu, coauteure principale, professeure adjointe au Département de médecine de l’Université McGill et clinicienne-chercheuse à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill.

Un lien avait déjà été établi entre le statut social subjectif, c’est-à-dire la position sociale qu’une personne estime avoir par rapport aux autres, et la santé physique et mentale, un statut social inférieur étant associé à une santé plus précaire. Cette étude est l’une des premières à montrer des effets sur le cœur mesurables et spécifiques au sexe.

Plus de 400 personnes adultes âgées de 35 à 83 ans, sans diagnostic de maladie cardiaque, ont participé à l’étude. Chacune a rempli un questionnaire dans lequel elle devait classer son statut social sur une échelle de 1 à 10. Des IRM cardiaques ont ensuite mesuré les premiers signes de stress dans le tissu cardiaque.

Les femmes qui ont indiqué un statut social inférieur montraient davantage de signes d’inflammation potentielle et de lésions précoces du cœur, même lorsque leur revenu et leur niveau d’éducation correspondaient à ceux de femmes ayant classé leur statut social à un échelon supérieur. Les hommes qui ont indiqué un statut social inférieur à celui d’autres hommes ayant le même revenu et le même niveau d’éducation ne montraient pas ces signes avant-coureurs.

Pourquoi les femmes seraient-elles plus touchées?

Deux théories pourraient expliquer ces résultats, selon Jean-Philippe Gouin, coauteur principal de l’étude et professeur titulaire de psychologie à l’Université Concordia.

« Premièrement, le statut social subjectif reflète peut-être mieux les expériences réelles des femmes que les données objectives sur leur statut socioéconomique, explique-t-il. Par exemple, même lorsqu’elles ont un niveau d’éducation semblable à celui des hommes, les femmes gagnent souvent moins et subissent des pressions sociales supplémentaires. Leur perception d’elles-mêmes reflète donc peut-être mieux cette réalité. »

Sa deuxième théorie concerne les répercussions psychologiques. Les femmes peuvent avoir l’impression que leurs chances de mobilité ascendante sont moins bonnes, ce qui peut entraîner un stress.

Les chercheurs soulignent que le stress est l’un des cinq principaux facteurs de risque de maladie cardiaque chez les femmes de moins de 65 ans. Les traumatismes, la discrimination ou l’obligation de fournir des soins peuvent contribuer aux légers changements dans le tissu cardiaque observés dans cette étude, qui pourraient être des signes précurseurs d’inflammation présents avant même qu’une maladie ne soit diagnostiquée.

L’équipe prévoit de suivre un groupe plus important de participants afin de déterminer si ces marqueurs précoces permettent de prédire les maladies cardiaques.

« Nous espérons que nos travaux contribueront à changer le paradigme en matière de soins cardiaques, déclare la Dre Luu. Nous aimerions que le bien-être mental, la situation sociale et le stress deviennent des sujets faciles à aborder dans la pratique médicale courante. »

L’étude

L’article « Sex Differences in the Association Between Subjective Social Status and Imaging Markers of Cardiac Inflammation and Fibrosis », par Yolanda Sánchez-Carro, Jean-Philippe Gouin, Judy Luu et coll., a été publié dans Biopsychosocial Science and Medicine.

Cette étude a été financée par le programme de la biobanque cardiovasculaire Courtois.