Photo : European Union 2011 PE-EP/Pietro Naj-Oleari/Flickr
Photo : European Union 2011 PE-EP/Pietro Naj-Oleari/Flickr

Chaque année, la Société canadienne du sang (SCS) collecte environ 900 000 unités de sang au pays. Soucieuse de la sécurité des transfusés, la SCS a institué des critères d’exclusion pour certains donneurs. Ainsi, les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) peuvent seulement donner du sang une période de cinq ans après leur dernier contact sexuel avec un homme. Étant donné les avancées en technologie médicale et l’évolution des valeurs sociales, nous estimons que cette période d’exclusion doit être réévaluée. Nous jugeons que la période d’exclusion doit être ramenée à un an.

La politique d’exclusion concernant les HSH a d’abord été mise en œuvre en 1983 en tant qu’interdiction permanente, avant d’être réduite à une exclusion de cinq ans en 2013. La politique était motivée par l’augmentation de la prévalence et de l’incidence du VIH chez les HSH, ainsi que par plusieurs contaminations tragiques des réserves nationales de sang dans les années 1970. Interdire à des groupes à risque élevé de donner était sans doute la meilleure méthode pour protéger les réserves de sang à l’époque.

Or, la situation actuelle diffère radicalement de celle au moment de l’entrée en vigueur de cette politique. Le profil démographique concernant le VIH a beaucoup changé (en 2011, par exemple, le contact hétérosexuel représentait 37 % des nouvelles infections). De plus, l’amélioration considérable des outils de dépistage pour le don de sang permet maintenant une sensibilité et une spécificité entre 99 et 100 %. Le test des acides nucléiques a réduit la période de séroconversion de 3-6 mois à 2-3 semaines et a amélioré d’autant les examens. Les risques que du sang contaminé entre dans la réserve de sang sont maintenant si faibles qu’ils ne sont pas mesurables directement et doivent être calculés avec des modèles mathématiques. Avec une période d’exclusion d’un an, le risque additionnel resterait encore bien en deçà du seuil de risque admis actuellement pour la réserve de sang.

À l’échelle internationale, plusieurs politiques similaires ont été mises en place. Le Royaume-Uni et l’Australie, entre autres, ont récemment introduit une politique d’exclusion d’un an, tandis que l’Italie, le Mexique et l’Espagne ont recours à une stratification des risques individuels sans exclusion précise pour les HSH. Depuis l’adoption de ces politiques, les données recueillies dans ces pays révèlent qu’il n’y a pas eu d’augmentation du risque de contamination par le VIH de la réserve de sang comparativement à une période d’exclusion de cinq ans ou permanente, et par conséquent que cela ne posait aucun risque supplémentaire pour les transfusés. Par ailleurs, des travaux de recherche menés en Australie ont démontré une observance presque parfaite (99,7 %) de la nouvelle politique par les HSH. Bien que nous soyons d’avis que l’évaluation des risques individuels et la fin de toute forme de discrimination à l’endroit de la population HSH par la banque de sang devraient être prises en considération, les données existantes pour étayer la sécurité de cette politique sont insuffisantes.

Jeremy Cygler, Maxime Billick, Bellal Jubran et Gabriel Devlin sont étudiants en 2e année de médecine à l’Université McGill.