Le 21 avril, le Dr Joseph B. Martin, professeur émérite de neurobiologie Edward R. et Anne G. Lefler, à l’Université Harvard, prononcera une conférence Holmes « spécial bicentenaire », intitulée « McGill et Harvard : Comment l’ouverture de deux hôpitaux “publics” est devenue le point d’ancrage de deux grandes écoles de médecine ». Nous lui avons récemment parlé des liens historiques entre Montréal et Boston, de son éducation mennonite, de sa recherche d’avant-garde en neurogénétique et, bien entendu, de hockey.


Qu’est-ce qui vous a poussé à explorer l’historique commun de l’Hôpital général de Montréal et du Massachusetts General?

Je savais qu’on les avait inaugurés presque en même temps, en 1821 et en 1822, mais je n’avais aucune idée où mon exploration me mènerait. Plusieurs éléments m’ont interpellé : le premier est la guerre de 1812, qui a retardé l’ouverture des deux hôpitaux. Le deuxième est le rôle important que les femmes ont joué aux deux endroits – à Montréal c’était la Société de bienfaisance des femmes – pour faire avancer l’idée et réunir les fonds. Il existe des similitudes remarquables.

Avez-vous eu d’autres surprises?

J’ai découvert que trois des sept directeurs de l’Institut neurologique de Montréal ont été formés à Boston, dont l’actuel directeur de l’INM, Guy Rouleau. J’ai pris conscience que nombre de McGillois et McGilloises ont été formés au Massachusetts.

Vous avez grandi dans une communauté agricole mennonite de l’Alberta. Pouvez-vous nous en parler un peu?
Joseph Martin et son cousin Robert Ramer à la ferme en 1950.

Mes deux grands-parents étaient des mennonites hollandais de Pennsylvanie qui se sont installés en Alberta à la suite de la Première Guerre mondiale, après l’ouverture de cet incroyable système d’irrigation qui a permis aux Prairies d’être très fertiles et d’avoir suffisamment d’eau pour cultiver toutes sortes de céréales, de la luzerne, etc. Je n’échangerais pour rien au monde le fait d’avoir grandi dans l’Alberta rurale. Même si nous étions pacifistes, nous avons beaucoup pratiqué la chasse.

Qu’est-ce qui vous a décidé à quitter la ferme et à devenir médecin?

Mes parents n’avaient pas fait d’études supérieures, mais je savais que je voulais être un médecin missionnaire, une espèce de tradition chez les mennonites. À leur retour, certains des nôtres qui œuvraient en Inde et en Afrique nous décrivaient leurs expériences, et ça m’a inspiré. Or, je suis entré en médecine à l’Université de l’Alberta où le côté académique m’a beaucoup plu et où j’ai reçu des encouragements de la part des professeurs. J’ai fini par venir aux États-Unis pour étudier la neurologie et faire de la recherche.

Qu’est-ce qui vous a amené à Montréal?
La ferme de la famille Martin située à Brooks, en Alberta, et appartenant toujours aux soeurs du Dr Martin.

Je voulais rentrer au Canada pour y travailler, ayant été soutenu par ce qu’on appelait à l’époque le Conseil de recherches médicales du Canada. Les gens à Edmonton pensaient que j’y reviendrais, mais dans ma quête de débouchés professionnels au Canada, j’ai constaté que rien ne se comparait à McGill.

Comment l’Université se démarquait-elle?

Le chef du service de neurologie de l’Hôpital général de Montréal, le Dr Donald Baxter, qui avait été formé à Boston, voulait créer un environnement pour les médecins-chercheurs. Son modèle permettait de consacrer 75 % de son temps à son travail universitaire, qu’il s’agisse de recherche en laboratoire ou de recherche clinique. On employait le reste du temps pour enseigner dans les services, aux étudiants en médecine et aux résidents. Ce temps réservé était essentiel pour lancer votre propre programme de recherche. C’était, à l’évidence, l’endroit où aller, à mon retou

r au Canada, et c’était vraiment formidable. Don a recruté un groupe impressionnant de personnes et l’endroit est devenu l’un des principaux centres de recherche en neurologie au Canada.

Vous avez quitté l’HGM pour le Neuro et, plus tard, Montréal de façon définitive. Qu’est-il arrivé ensuite?
Le Dr Martin dans son laboratoire à la Clinique médicale universitaire de l’Hôpital général de Montréal, vers 1972.

Après avoir fait deux ans au Neuro et au Département de neurologie et de neurochirurgie comme directeur à McGill, Harvard m’a fait une offre que je ne pouvais refuser et j’y ai passé 11 ans. J’étais le chef de la neurologie au Mass General et j’avais un poste de professeur à l’Université Harvard. Puis, j’ai eu la chance d’être engagé à l’Université de Californie à San Francisco à titre de doyen de la Faculté de médecine, et d’y exercer ensuite les fonctions de chancelier. Harvard nous a réinvités en 1997 et j’ai été nommé doyen de la Faculté de médecine. Vu mes deux mandats comme doyen, certains disent que mon seuil de douleur est élevé.

Ces villes sont très différentes – avez-vous une préférence?

Nous avons vraiment aimé la culture libre et décomplexée de San Francisco, sa riche diversité et ses résidents intéressants. Sans compter que la meilleure faculté de médecine au monde, tant pour la collaboration que pour la recherche et l’enseignement, se trouve probablement à San Francisco. Mais Harvard est sans pareil quant à l’étendue de ses activités médicales. Selon moi, nous avons pu profiter des trois meilleures villes d’Amérique du Nord : Montréal, Boston et San Francisco.

Est-ce que l’un de vos enfants est revenu au Canada?

Un de nos fils, Brad, est né à Edmonton et Doug, qui est médecin, a fait son année préparatoire en médecine à McGill.

Il suivait vos traces?
De gauche à droite : Don Baxter (chef du service de neurologie à l’HGM à l’arrivée du Dr Martin à Montréal), le Dr Martin et ses collègues Albert Aguayo, Garth Bray et Mike Rasminsky, tous cliniciens-chercheurs en neurologie, à l’occasion du retour du Dr Martin à McGill et à l’INM pour la Conférence Donald Baxter (2000).

Non, c’est en raison des Canadiens de Montréal. Il est vraiment fanatique de hockey, un sport qu’il pratique toujours à 52 ans. D’ailleurs, j’aborderai le hockey dans ma conférence, car les Canadiens de Montréal sont soignés par des médecins de l’Hôpital général de Montréal depuis 70 ans – David Mulder et Doug Kinnear. Vous vous demandez sûrement qui soigne les Bruins de Boston. Eh bien, ce sont des médecins du Massachusetts General. Voilà un autre lien. Enfin, mes enfants n’assistent pas aux matches des Bruins, car ça peut être risqué si vous êtes amateur des Canadiens.

Vous avez été au sommet de votre domaine en tant que clinicien, chercheur et administrateur – avec le recul, qu’est-ce qui ressort le plus?

Les possibilités de recherche et tout ce que nous avons accompli au Massachusetts General. Nous avons pour ainsi dire établi le domaine de la neurogénétique et plus tard notre groupe a trouvé le gène de la maladie de Huntington, puis plusieurs des gènes de la maladie d’Alzheimer et de la maladie de Lou-Gehrig. Voilà les temps forts à mes yeux. Je suis aussi très reconnaissant de ma formation au Canada. À l’époque, la Faculté de médecine de l’Université de l’Alberta était formidable. Quant à McGill, je lui dois la chance d’avoir pu prendre mon envol.

J’ai entendu dire que vous gardez contact avec d’anciens collègues de l’Hôpital général de Montréal?

Oui, nous échangeons tous les jours par courriel avec un merveilleux groupe de personnes, pour la plupart à la retraite maintenant, à propos de divers sujets, politiques ou autres. Mon épouse Rachel et moi étions vraiment impatients de les revoir lors de notre voyage à Montréal pour la conférence, mais hélas, cela devra attendre.

La conférence Holmes spécial bicentenaire se tiendra le 21 avril à 16 h 30. Inscrivez-vous à l’événement virtuel ici