L’appendicite aiguë est plus difficile à diagnostiquer qu’on ne le croit. Une étude novatrice dirigée par le titulaire d’un doctorat de l’Université McGill propose une solution inédite.

Par Ashley Rabinovitch

 Le diagnostic de l’appendicite pose un problème délicat. Seulement 50 % des patients atteints d’appendicite aiguë présentent les symptômes classiques de douleur dans l’abdomen inférieur droit, de fièvre, et de nausées et vomissements. Dans 10 % à 20 % des cas, les modes d’imagerie habituels utilisés pour diagnostiquer la maladie, y compris l’échographie et la tomodensitométrie, ne réussissent pas à la dépister. « L’appendicite aiguë est l’une des urgences chirurgicales les plus fréquentes, et si elle n’est pas détectée rapidement et correctement, elle peut être mortelle », affirme le chercheur postdoctoral José Luis Ramírez García Luna, qui a récemment obtenu un doctorat de la Division de médecine expérimentale de la Faculté de médecine de l’Université McGill.

Si certains médecins ne réussissent pas à diagnostiquer efficacement l’appendicite, d’autres décident d’opérer sans diagnostic évident. Dans bien des cas, ils découvrent pendant l’opération que le patient souffre d’un tout autre problème. « De toute évidence, il est urgent de trouver de nouveaux tests diagnostiques de l’appendicite afin de la diagnostiquer rapidement chez certains patients et d’éviter les opérations inutiles chez d’autres », affirme le chercheur.

 

Vers la fin de son doctorat à l’Université McGill, José Luis Ramírez García Luna a collaboré avec un groupe de chercheurs chirurgicaux de son ancienne université du Mexique pour explorer une nouvelle démarche diagnostique de l’appendicite. Ses collègues et lui, qui connaissaient l’imagerie thermique à infrarouge (ITI) numérique pour évaluer le débit sanguin des plaies en voie de cicatrisation et les dommages tissulaires dans les maladies inflammatoires, ont eu l’idée d’en vérifier la pertinence dans un autre contexte. « L’ITI s’apparente à la prise d’une photo, sauf qu’elle capte la chaleur plutôt que la lumière, explique-t-il. Comme c’est un test très sensible qui peut capter des différences de température inférieures à 0,1 °C, nous avons postulé qu’il pourrait déceler une inflammation abdominale. » Avec ses collègues, il a réalisé une étude d’observation afin d’évaluer l’intérêt de l’ITI pour dépister l’appendicite sur une carte thermique.

Les résultats de l’étude ont permis de brosser un portrait éloquent : « Grâce à l’ITI, nous avons pu établir avec une précision de plus de 90 % que des patients étaient en bonne santé ou atteints d’une appendicite aiguë ou d’une autre maladie aiguë de l’abdomen. » En cas de douleur abdominale, l’ITI était tout aussi efficace que l’échographie pour dépister l’appendicite. « La méthode a l’avantage de pouvoir être exécutée en l’absence de personnel spécialisé ou de contact direct avec le patient », ajoute le chercheur. Il envisage la possibilité que les urgentistes recourent à l’ITI dans le cadre du bilan diagnostique habituel, au chevet même des patients souffrant de douleurs abdominales. « Certaines caméras d’ITI sur le marché peuvent être jumelées à des appareils mobiles, ce qui rend cette technologie encore plus accessible. »

 

Il attribue la tenue de cette recherche originale aux possibilités que McGill lui a offertes. « J’ai découvert que le milieu mcgillois favorise les collaborations et la pensée novatrice, tout en encourageant l’application des recherches à des problèmes concrets. » José Luis Ramírez García Luna et ses collègues savent qu’il leur faudra réaliser de nouvelles recherches avant de transposer leurs observations au milieu clinique, mais ils voient avec optimisme les possibilités que leur étude a débloquées.

Au bout du compte, ses recherches pourraient améliorer les soins de tous les Canadiens qui arrivent à l’urgence pétris de douleur et chez qui on présume une appendicite. « Il n’existe pas de norme de référence en matière d’imagerie diagnostique de l’appendicite, mais l’ITI est une méthode peu coûteuse et non effractive qui permet de gagner du temps et exige très peu de formation, conclut-il. Nous pensons qu’elle a le réel potentiel d’influencer les processus de décision clinique et d’améliorer l’évolution clinique des patients. »

L’article Infrared thermography of abdominal wall in acute appendicitis: Proof of concept study, par J. Ramirez-Garcia Luna, L. Roberto Vera-Bañuelos, L. Guevara-Torres, M. Martínez-Jiménez et coll., a été publié dans la revue Infrared Physics and Technology en mars 2020. doi : https://doi.org/10.1016/j.infrared.2019.103165