Des millions de personnes au Canada vivent avec une douleur modérée ou intense, qui nuit à leur quotidien. Céline Gélinas, inf., Ph. D., chercheuse de renommée mondiale dans le domaine de la douleur et professeure à l’École des sciences infirmières Ingram, tente par tous les moyens d’alléger le douloureux fardeau de ces personnes.  

La professeure Gélinas est surtout connue pour avoir conçu l’outil d’observation de la douleur aux soins intensifs (CPOT pour Critical-Care Pain Observation Tool), un outil largement utilisé en contexte hospitalier. Traduit dans plus de 20 langues, l’outil CPOT, utilisé auprès d’une patientèle gravement malade et incapable de signaler la douleur ressentie, a été déployé dans plusieurs centaines d’unités de soins intensifs partout sur la planète, et ici, au Québec. La fiabilité et l’efficacité démontrées de CPOT en font un outil très prisé au sein du personnel hospitalier.  

La professeure Gélinas a récemment reçu une subvention de recherche de 400 000 $ répartis sur trois ans des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) pour l’étude de la douleur chronique chez les personnes ayant séjourné aux soins intensifs et étant de retour à la maison. Comme l’explique la chercheuse, la patientèle admise aux soins intensifs se trouve dans un état critique nécessitant une surveillance et un traitement intensifs. Plus de la moitié de ces personnes ressentiront une douleur modérée ou intense pendant leur séjour aux soins intensifs, et plus de 25 % des survivants devront vivre avec une douleur chronique au cours des mois et des années suivant leur sortie de l’hôpital; plusieurs d’entre eux feront usage d’opioïdes pour atténuer leur douleur.  

« Nous cherchons à mieux comprendre l’utilisation des opioïdes après un séjour aux soins intensifs au Québec et à améliorer la prise en charge de la douleur lors du processus de rétablissement, pour mieux prévenir la douleur chronique de même que l’utilisation et le mauvais usage des opioïdes », ajoute la professeure Gélinas, qui agit à titre de chercheuse principale pour cette étude. Son équipe de recherche comprend également des chercheurs et chercheuses de différentes disciplines, comme les sciences infirmières, la médecine, la pharmacie et la psychologie, de même que des personnes ressentant de la douleur quotidiennement. 

La professeure Gélinas a par ailleurs coprésidé un panel de spécialistes qui avait pour mandat de rédiger une nouvelle édition des meilleures pratiques en matière de prévention, d’évaluation et de prise en charge de la douleur à toutes les étapes de la vie pour l’Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario. Ces lignes directrices, intitulées Pain : Prevention,assessment and management (Fourth edition), ont été officiellement lancées le 19 février 2025. Cette ressource fondée sur des données probantes vise l’amélioration de la prise de décisions chez le personnel infirmier, les équipes interprofessionnelles, les formateurs et formatrices, les organismes de soins de santé, les établissements universitaires ainsi que les personnes vivant avec de la douleur et leurs familles.  

Les lignes directrices couvrent quatre catégories principales : dépistage et évaluation de la douleur; prise en charge de la douleur; pratique interprofessionnelle dans la prise en charge de la douleur; et formation sur la douleur destinée aux étudiants et étudiantes débutant leur pratique ainsi qu’aux prestataires de soins de santé. « Quiconque éprouve une douleur aiguë ou chronique mérite une prise en charge basée des données probantes et axée sur la personne », affirme Céline Gélinas.  

La professeure Gélinas enseigne également l’évaluation de la douleur chez les adultes gravement malades à l’effectif étudiant en sciences infirmières de l’École des sciences infirmières Ingram, en plus d’être superviseure de recherche aux cycles supérieurs et au postdoctorat. Elle est aussi chargée d’enseignement pour le certificat en ligne d’études supérieures sur la prise en charge de la douleur chronique offert par l’École de physiothérapie et d’ergothérapie de l’Université McGill. 

Bien que le point de vue des sciences infirmières soit au cœur de ses recherches, la professeure Gélinas insiste tout de même sur l’importance de l’approche collaborative en ce qui concerne l’évaluation de la douleur et l’établissement du meilleur plan de prise en charge. « Chaque membre d’une équipe interprofessionnelle, y compris les patients et leur famille, a un rôle à jouer », explique-t-elle. Elle ajoute également qu’une prise en charge efficace de la douleur aiguë peut aider à prévenir l’apparition de la douleur chronique. S’en suivent de meilleurs résultats cliniques et des économies, ce qui procure un peu de répit à notre système de santé surchargé. 

En outre, la professeure Gélinas est à la tête d’une étude financée par les IRSC sur la mise en œuvre d’une approche collaborative de prise en charge de la douleur aux soins intensifs du Québec, et sur l’analyse de l’efficacité d’une technologie à paramètres multiples nommée « indice de nociception » (NOL pour Nociception Level index) destinée à l’évaluation de la douleur aux soins intensifs. L’outil NOL capte simultanément des paramètres physiques variés (tels que la fréquence cardiaque, l’onde de pouls et la température de la peau) au moyen d’une sonde fixée à un doigt. Un algorithme génère par la suite une valeur-indice de 0 à 100. Les valeurs supérieures à 20-25 indiqueraient la perception et la sensation de la douleur. Puisqu’aucune autre mesure éprouvée de la douleur n’est disponible pour les patients aux soins intensifs incapables de signaler leur douleur ou d’indiquer, par leur comportement, qu’ils ressentent de la douleur, nous devons poursuivre les recherches dans ce domaine. 

« La recherche est un outil puissant nous permettant d’orienter la rédaction des meilleures pratiques et l’élaboration de politiques visant l’amélioration de la qualité de vie de la population et l’évolution des sciences infirmières », conclut la chercheuse.