Bien qu’il ait été démontré que les hommes qui développent un mélanome sont deux fois plus susceptibles de mourir de la maladie que les femmes, l’explication biologique de ce phénomène est mal comprise. La recherche dirigée par le docteur Alan Spatz, directeur du Service de pathologie chirurgicale et moléculaire de l’Hôpital général juif et chef du laboratoire « chromosome X et cancer » à l’Institut Lady Davis, a démontré que la diminution de l’expression du gène PPP2R3B du chromosome X et de sa protéine PR70 est positivement associée à la progression tumorale de cette forme agressive de cancer de la peau. Les conclusions sont publiées dans la revue Science Translational Medicine.
« Nous avons concentré nos recherches sur la machinerie du chromosome X parce que nous avons postulé que l’inactivation de l’un des deux chromosomes X chez les femmes, contrairement aux hommes qui ont un X et un Y, et la façon dont ce mécanisme est régulé, peuvent avoir de profondes conséquences sur la biologie cellulaire des cellules cancéreuses », explique le docteur Spatz, qui s’intéresse depuis longtemps au rôle du chromosome X dans le cancer. « J’ai proposé, en 2004, un modèle théorique de la perte de gènes suppresseurs de tumeurs et de l’activation des oncogènes associés au chromosome X qui a depuis été validé dans de nombreuses situations. Le fait que deux X interagissent chez les femmes a aussi des implications pour le cancer. Nous pensons que la spécificité génétique du chromosome X joue un rôle important dans l’écart entre les sexes que nous observons dans le mélanome. Et nous observons une régulation unique des gènes suppresseurs de tumeurs et des oncogènes dans le chromosome X. »
Le docteur Spatz, professeur de pathologie et d’oncologie à l’Université McGill, et le docteur Leon van Kempen, chef des opérations et directeur scientifique du Centre de pathologie moléculaire, ont étudié de façon approfondie le gène PPP2R3B, qui est situé sur le chromosome X chez les femmes, mais sur le Y chez les hommes. L’expression de ce gène a été indépendamment corrélée avec une meilleure évolution chez les personnes atteintes de mélanome et ceci est important parce que son expression est plus marquée chez les femmes. PPP2R3B code la protéine PR70, qui diminue la croissance du mélanome en interférant avec la réplication cellulaire de l’ADN et, par conséquent, agit comme un suppresseur de tumeur associé au chromosome X.
PR70 est à l’avant-plan du contrôle de la cascade de réplication cellulaire. D’un point de vue clinique, cette recherche suggère qu’il pourrait y avoir des traitements anticancéreux pouvant actionner les protéines liées à PR70. Les techniques de protéomique qui ont été développées au Centre du cancer Segal et à l’Institut Lady Davis de l’Hôpital général juif joueront éventuellement un rôle important dans le profilage et l’identification des protéines actives qui pourraient être le plus efficacement ciblées par de nouveaux traitements.
« Je crois que cette découverte fait progresser notre compréhension du rôle spécifique de la génétique du chromosome X dans la modulation de l’expression des gènes qui sont essentiels à l’évolution du cancer », a déclaré le docteur Spatz. « Plus précisément, il s’agit d’une nouvelle voie pour étudier les gènes suppresseurs de tumeur et les oncogènes associés au chromosome X. Je suis convaincu que nous finirons par être en mesure d’exploiter cette découverte pour découvrir de nouvelles possibilités thérapeutiques contre le cancer. »
« The protein phosphatase 2A regulatory subunit PR70 is a gonosomal melanoma tumor suppressor gene » (La sous-unité régulatrice PR70 de la protéine phosphatase 2A est un gène suppresseur de tumeur du mélanome gonosomique), par le docteurs Alan Spatz, Leon van Kempen, et coll., est paru dans la revue Science Translational Medicine.