La transmission de plus en plus fréquente d’information génétique à des fournisseurs de services, par exemple des compagnies d’assurances ou des bases de données comme Ancestry.com, augmente le risque de discrimination génétique au Canada. La discrimination génétique est le traitement différent appliqué à certaines personnes en raison de données génétiques réelles ou présumées. La Loi sur la non-discrimination génétique, promulguée en 2017, devrait théoriquement mettre la population canadienne à l’abri de ce type de discrimination; or, une équipe du Centre de génomique et politiques de l’Université McGill a constaté que de nombreuses compagnies d’assurances avaient trouvé le moyen de la contourner.
Publiée dans la revue FACETS, l’étude « Still using genetic data? A comparative review of Canadian life insurance application forms before and after the GNDA » repose sur une analyse comparative de formulaires de demande d’assurance antérieurs et postérieurs à l’entrée en vigueur de la Loi. Pour évaluer l’efficacité de ce cadre législatif, l’équipe a choisi l’assurance-vie, domaine où, estime-t-on, le risque de discrimination est le plus élevé. Les résultats révèlent qu’à ce jour, la Loi n’a eu que peu d’effets sur les pratiques discriminatoires des compagnies d’assurance-vie au Canada.
En comparant les données génétiques auxquelles ces entreprises avaient accès par l’entremise de leurs formulaires de demande d’assurance, l’équipe a constaté que le recours généralisé à des questions à la formulation vague permettait aux assureurs de contourner la Loi et pouvait amener les demandeurs à révéler des résultats de tests génétiques dont l’utilisation était pourtant interdite. Précisons qu’en vertu de la Loi sur la non-discrimination génétique, quiconque oblige une personne à subir un test génétique ou à en communiquer les résultats comme condition préalable à la fourniture de biens et services commet une infraction criminelle. Or, si l’on en juge par les résultats de l’étude, il n’est pas certain que la Loi atteigne sa cible, à savoir prévenir la discrimination génétique, puisque des assureurs peu scrupuleux peuvent encore avoir accès à des données génétiques par des moyens directs ou indirects.
« La Loi sur la non-discrimination génétique est un bon début dans la lutte contre ce type de discrimination, souligne le Pr Yann Joly, directeur du Centre de génomique et politiques et coauteur de l’étude. Cependant, si l’on souhaite éliminer pour de bon la discrimination génétique au Canada, on devra instaurer des mécanismes de protection des données génétiques plus cohérents et plus complets, et pouvoir compter sur une véritable conscience citoyenne. »
Une loi qui n’est pas sans failles
C’est la première fois que l’on publie une étude sur l’efficacité de la Loi sur la non-discrimination génétique. Cette évaluation a révélé des failles auxquelles les provinces pourraient remédier par l’adoption de certaines politiques. Par ailleurs, l’étude soulève des interrogations importantes au sujet de l’utilisation des données de santé pour la tarification de l’assurance; en effet, elle met en lumière des problèmes de fond dans la gestion de l’assurance-vie privée au Canada, notamment un manque de transparence et la formulation de questions vagues sur la santé.
Hébergé au sein de l’Institut de médecine génomique Victor-Phillip-Dahdaleh, le Centre de génomique et politiques de l’Université McGill est un centre multidisciplinaire voué à l’analyse des normes socioéthiques et juridiques influant sur la promotion, la prévention et la protection de la santé humaine. Le Centre entend mener, en collaboration avec l’Observatoire de la discrimination génétique, une deuxième phase de cette étude en 2024 afin d’évaluer les répercussions concrètes de ces pratiques sur les consommatrices et consommateurs canadiens.
L’étude
L’étude « Still using genetic data? A comparative review of Canadian life insurance application forms before and after the GNDA », par Yann Joly et coll., a été publiée dans la revue FACETS.