
Une étude internationale d’envergure, dont les résultats sont publiés aujourd’hui dans Nature, marque une avancée historique dans l’exploration scientifique de la conscience. Dans une démarche unique, le Consortium Cogitate a réuni les défenseurs de deux grandes théories de la conscience au sein d’une ambitieuse « collaboration de confrontation », conçue pour mettre à l’épreuve, de manière rigoureuse, les prédictions issues de ces approches théoriques. Les résultats sont sans appel : des prédictions clés formulées par les deux théories sont remises en question par les données expérimentales, soulignant la complexité profonde de la conscience en tant qu’objet d’étude scientifique.
Membre du conseil scientifique de Cogitate et coauteur de l’étude, Sylvain Baillet, professeur de neurologie, de neurochirurgie et d’informatique à l’Université McGill, souligne la portée inédite de ce projet :
« Cette étude marque un tournant dans notre façon d’aborder l’un des plus grands mystères du cerveau humain : comment les processus biologiques donnent-ils naissance à notre expérience du monde, des autres, et de nous-mêmes ? La recherche sur la conscience est encore jeune, souvent animée par une compétition vive entre écoles de pensée, au détriment d’une collaboration constructive. Je suis fier que Cogitate ait ouvert une nouvelle voie, fondée sur une science rigoureuse, transparente et collaborative. »
Alors que les grandes théories sur la conscience ont longtemps évolué en vase clos — avec parfois des critiques virulentes échappant à toute distanciation ou validation empirique — le projet Cogitate a suivi un tout autre chemin. Inspirés par la démarche prônée par le prix Nobel Daniel Kahneman, les chercheurs ont conçu ensemble une collaboration de confrontation: une expérience planifiée ex ante, où toutes les prédictions, méthodes et interprétations ont été consignées à l’avance, afin d’écarter tout biais rétrospectif.
L’étude a mobilisé des techniques d’imagerie cérébrale et de mesure de l’activité neuronale parmi les plus avancées (IRMf, MEG, EEG intracrânien), et a impliqué plus de 250 participants recrutés à travers le monde.
Les deux théories mises à l’épreuve sont : la théorie de l’espace de travail neuronal global (Global Neuronal Workspace Theory, GNWT), qui postule que la conscience émerge de la diffusion massive de l’information dans le cerveau, notamment vers les régions préfrontales ; et la théorie de l’information intégrée (Integrated Information Theory, IIT), selon laquelle la conscience repose sur l’intégration de l’information dans une « zone active » située à l’arrière du cortex.
Commentant la portée de cette initiative, Baillet ajoute :
« Je suis heureux d’avoir contribué un tant soit peu à cette initiative remarquable – en apportant conseils et soutien tout au long de ce long parcours. C’est enthousiasmant de voir des prédictions théoriques évaluées par plusieurs méthodes, de constater l’engagement courageux de jeunes chercheurs qui ont pris des risques importants, et de rendre l’ensemble des données et outils d’analyse accessibles à tous. Cette ouverture garantit que nos travaux pourront être vérifiés, reproduits ou dépassés par d’autres. C’est une étape cruciale vers une science rigoureuse et cumulative de la conscience. »
Les résultats de Cogitate ne constituent qu’un point de départ. Une deuxième étude à grande échelle est déjà en cours, et l’engagement du consortium envers l’ouverture et la transparence promet de faire de ces découvertes un effort véritablement collectif.
À propos du Cogitate Consortium
Le Cogitate Consortium est une collaboration internationale de chercheurs en neurosciences et en sciences de la conscience, financée par la Templeton World Charity Foundation. Il vise à faire progresser l’étude empirique de la conscience par une science ouverte, des méthodes expérimentales rigoureuses et un modèle collaboratif innovant.
Pour en savoir plus, consultez l’article complet sur :
https://www.nature.com/articles/s41586-025-08888-1