
Intitulé Confronting Medical Colonialism, le cours fournit les connaissances et les outils nécessaires pour envisager d’un œil critique la discrimination passée et actuelle envers les Autochtones dans le système de santé canadien
C’est en tant que pédiatre urgentologue que Samir Shaheen-Hussain, MDCM, acteur clé de la campagne #TiensMaMain de 2018, a découvert le racisme systémique dont sont victimes les Autochtones dans le système de santé.
Il l’a vu dans la règle de non-accompagnement, qui était appliquée depuis longtemps par Évacuations aéromédicales du Québec et touchait de manière disproportionnée les familles cries (Eeyou) et inuites du nord du Québec. Cette règle a été abandonnée après la campagne. Il l’a vu aussi dans la méfiance dont les patients autochtones faisaient parfois preuve à son égard et à l’égard des autres professionnels de la santé.
« Lorsque j’étais à l’école de médecine, nous n’avons pratiquement jamais parlé des déterminants sociaux de la santé, et encore moins des déterminants structurels comme le colonialisme médical », explique le Dr Shaheen-Hussain.
Ces expériences ont incité le professeur agrégé du Département de pédiatrie et membre associé de l’École de santé des populations et de santé mondiale (ÉSPSM) à mettre sur pied un cours sur le colonialisme médical à l’intention des étudiants et étudiantes de McGill : Confronting Medical Colonialism (PPHS 593).
Conçu en collaboration avec des universitaires autochtones et des alliés, ce cours est l’un des premiers du genre à donner aux étudiants les outils nécessaires pour examiner d’un œil critique les fondements coloniaux du racisme anti-autochtone dans le système de santé canadien. Le cours est offert à tous les étudiants et étudiantes de McGill de deuxième année ou plus; le Dr Shaheen-Hussain espère qu’il aura une influence sur les futurs décideurs et professionnels de la santé.
À l’écoute de la diversité des voix autochtones
Pour élaborer ce cours, le Dr Shaheen-Hussain a travaillé avec plusieurs collègues autochtones, dont Alex McComber, Kanyen’kehà:ka de Kahnawake, professeur adjoint au Département de médecine de famille, et Sarah Konwahahawi Rourke, Ed. D., membre du clan du Cerf de la nation Akwesasne Kanyen’kehà:ka et directrice du Programme autochtone des professions de la santé. Ont également contribué au cours des membres de la population étudiante, comme Sidney Leggett, métisse de la rivière Rouge et boursière McCall MacBain 2022. Sidney a obtenu une maîtrise en épidémiologie et biostatistique à l’ÉSPSM.
Le cours s’inspire largement de Fighting for a Hand to Hold: Confronting Medical Colonialism against Indigenous Children in Canada, livre primé du Dr Shaheen-Hussain. En outre, une liste de lecture de plus de 50 chansons d’artistes autochtones et non autochtones permet d’aborder les thèmes de chaque séance et d’amener la classe à s’engager de diverses manières dans cet apprentissage. Dans le cours, il est également question des initiatives de résistance, de revitalisation et de renaissance menées par les Autochtones en réponse au colonialisme médical au Canada, par exemple le Principe de Joyce.
Sarah Konwahahawi Rourke a donné un cours sur l’héritage et les réalités du racisme systémique en santé qui met l’accent sur les expériences des femmes, des filles et des personnes 2SLGBTQQIA+ autochtones. Elle affirme que le cours PPHS 593 se distingue par la volonté de mettre de l’avant les voix, le vécu et le leadership autochtones.
« Ce n’est pas un cours où l’on ne fait que transmettre des connaissances, explique-t-elle : nous demandons aussi aux étudiants et étudiantes de faire face à leur propre positionnement et à leurs responsabilités dans le démantèlement des systèmes d’oppression. Nous ne nous contentons pas de nommer le racisme : nous explorons comment les professionnels et professionnelles de la santé peuvent prendre leurs responsabilités et agir en solidarité avec les communautés autochtones. »
Une conférencière ou un conférencier était présent lors de chaque séance. Outre Alex McComber, le groupe a accueilli :
- Richard Budgell, Inuit du Labrador et professeur adjoint au Département de médecine de famille;
- Cindy Blackstock, Ph. D., membre de la Première Nation Gitksan et professeure à l’École de service social;
- Raven Dumont-Maurice, M. D., membre de la nation algonquine de Kitigan Zibi et experte en santé des Premières Nations et des Inuits du Québec au Campus Outaouais;
- Josée Lavallée, inf., M. Sc., Michif de la rivière Rouge, représentante du local Bison de la Fédération métisse du Manitoba et directrice du Bureau de la responsabilité sociale en sciences infirmières.
Alex McComber souligne que le fait d’inviter des conférencières et conférenciers issus de diverses communautés autochtones rend le cours « unique et spécial ».
« Il est essentiel d’entendre des témoignages; la simple lecture d’articles de revues sur les résultats d’une recherche, même si vous faites une revue de la littérature, ne suffit pas, précise-t-il. Les témoignages sont incontournables lorsqu’il est question de sujets qui viennent du cœur. »
Il ajoute qu’il est particulièrement important que les futurs professionnels et professionnelles de la santé, qui se doivent de « rester proche de leur cœur », entendent ces points de vue.
Les approches fondées sur les forces
Le cours PPHS 593 explore le colonialisme médical au Canada, que le Dr Shaheen-Hussain définit dans son livre comme « une culture ou une idéologie enracinée dans un racisme anti-autochtone systémique et faisant appel à des politiques et à des pratiques médicales pour établir, maintenir ou faire avancer un projet colonial génocidaire ».
On y aborde les échecs passés, comme les décès de Joyce Echaquan et de Jordan River Anderson, ainsi que les systèmes historiques et actuels qui perpétuent le racisme anti-autochtone.
Cependant, le cours traite aussi des approches axées sur les forces en matière de santé et de bien-être des Autochtones, plus précisément des priorités, des systèmes de connaissances traditionnels et des liens communautaires de divers peuples autochtones.
Il était essentiel d’ancrer le programme d’études dans les modes de connaissance autochtones en santé et bien-être, explique le Dr Shaheen-Hussain.
« Lorsque les étudiants seront confrontés à [des sujets liés au colonialisme médical au Canada], ils seront outillés pour agir d’une façon davantage porteuse d’un potentiel transformateur, explique-t-il. Plutôt que de se sentir dépassés, ils auront le sentiment de pouvoir agir. »
Alex McComber a enseigné aux étudiants et étudiantes l’histoire de la Création, ainsi que les valeurs et les visions du monde importantes pour les peuples autochtones. Richard Budgell a parlé des systèmes et des principes de santé des Inuits, tandis que Josée Lavallée a animé des discussions sur la sécurité culturelle. Glenda Sandy, inf., M. Sc., infirmière naskapie-crie et ambassadrice du Bureau du Principe de Joyce, a donné une conférence spéciale sur le Principe de Joyce.
Compte tenu des sujets souvent difficiles abordés chaque semaine, Alex McComber souligne l’importance de prévoir du temps pour que les étudiants et étudiantes puissent discuter et assimiler ce qu’ils apprennent.
« Ces réflexions ultérieures devraient amener chacun à progresser sur la voie de la compréhension, de l’humilité et de l’acceptation de la différence, et à faire le ménage dans son bagage de connaissances pour éliminer celles qui, peut-être, étaient inexactes », ajoute-t-il.
Le désir de changement
Les places offertes dans le cours pilote se sont rapidement envolées, et la dernière cohorte comptait 22 étudiants et étudiantes au premier cycle et aux cycles supérieurs issus de divers domaines, notamment les sciences biomédicales, les sciences dentaires, les sciences infirmières, la santé publique, l’économie, le développement international, la psychologie et les sciences politiques.
Au sujet de l’accueil réservé au cours, Sarah Konwahahawi Rourke évoque la réaction émotive de la classe.
« Beaucoup ont exprimé de la colère, de la tristesse et de la frustration. Mais surtout, ils étaient manifestement motivés à agir », dit-elle.
« Je leur ai bien fait comprendre que la prise de conscience n’était qu’une première étape. Nous avons besoin de professionnels de la santé déterminés à remettre en question les politiques, à demander des comptes à leur établissement et à soutenir les initiatives menées par les Autochtones, axées sur la sécurité culturelle et le respect de nos droits inhérents. »
Au vu des évaluations élogieuses, le Dr Shaheen-Hussain espère que le cours continuera à outiller les étudiants et étudiantes pour agir contre le racisme anti-autochtone avant de commencer leur carrière en santé ou dans d’autres domaines, mais aussi ici et maintenant, au-delà des murs de l’Université.
« Je sens chez les étudiants une certaine curiosité, une humilité, mais aussi un désir sincère d’agir pour changer les choses. Pour moi, c’est très rassurant, mais aussi très inspirant. »
Le cours PPHS 593, Confronting Medical Colonialism, est ouvert à tous les étudiants de McGill de deuxième année ou plus. Il sera offert de nouveau à l’hiver 2026. Veuillez écrire à studentaffairsofficer.dgph@mcgill.ca pour obtenir de plus amples renseignements.