L’essai clinique le plus important jamais réalisé pour tester les effets de ce qu’on appelle les médicaments et les dispositifs médicaux briseurs de caillots conclut que ces traitements n’empêchent pas l’apparition du syndrome post-thrombotique, une complication à long terme

 

Dre Susan Kahn

Salle de Presse McGill

Un essai clinique en cours depuis près de dix ans a démontré que les médicaments et les dispositifs médicaux briseurs de caillots à haut risque, mais puissants, n’amélioraient pas les résultats pour les patients souffrant de thrombose veineuse profonde (TVP), pas plus qu’ils n’empêchaient l’apparition du syndrome post-thrombotique (SPT), comparativement aux anticoagulants classiques. Les résultats de l’étude Acute Venous Thrombosis: Thrombus Removal with Adjunctive Catheter-Directed Thrombolysis (ATTRACT) [Thrombose veineuse aiguë : l’élimination du caillot à l’aide de la thrombolyse adjuvante par cathéter] sont publiés dans le New England Journal of Medicine.

Environ 50 000 Canadiens reçoivent, chaque année, un diagnostic de TVP et jusqu’à 40 % de ces patients développeront un SPT, une complication qui peut se traduire par des douleurs chroniques et un gonflement du membre affecté qui peuvent nuire à leurs activités quotidiennes. On avait avancé l’hypothèse que l’incapacité des anticoagulants à éliminer le caillot de sang pouvait être surmontée en employant des briseurs de caillots comme traitement adjuvant.

« Nous n’avons découvert aucun avantage particulier à l’utilisation des briseurs de caillots et nous ne croyons pas qu’ils devraient être utilisés chez la majorité des patients qui se présentent en phase aiguë de TVP. Par ailleurs, les briseurs de caillots sont associés à un risque plus élevé de saignements dangereux », a déclaré la docteure Susan Kahn du Centre d’épidémiologie clinique de l’Institut Lady Davis de l’Hôpital général juif. Dre Kahn est aussi professeure de médecine au Département d’épidémiologie, biostatistique et santé au travail de l’Université McGill et une experte de renommée internationale dans le traitement des TVP et directrice du Centre d’excellence en thrombose et anticoagulation (CETAC) de l’hôpital. Elle a présidé le comité sur les résultats cliniques de l’essai ATTRACT et est membre du comité directeur de l’essai.

L’étude ATTRACT — un essai clinique aléatoire financé principalement par le National Heart, Lung, and Blood Institute (NHLBI) des National Institutes of Health (NIH) — a été conçue pour déterminer si le fait de réaliser l’intervention dans le cadre du traitement initial des patients, lorsqu’ils reçoivent un premier diagnostic de TVP, permettrait de réduire le nombre de personnes qui en viennent à développer le syndrome. L’étude a été lancée en 2008, suite à un appel à l’action sur la TVP et, plus précisément, un appel à effectuer des recherches sur les avantages et les risques associés à l’élimination des caillots, lancé par le docteur Steven K. Galson alors chirurgien général des États-Unis par intérim.

L’étude portait sur 692 patients provenant de 56 centres cliniques répartis de façon aléatoire pour recevoir des anticoagulants seulement ou des anticoagulants en plus de l’intervention. Chaque patient a été suivi pendant deux ans. Des complications sont apparues chez 157 patients ayant subi l’intervention sur 336 (47 %) et 171 patients n’ayant pas subi l’intervention sur 355 (48 %), une différence qui n’est pas statistiquement significative. L’intervention a permis de diminuer la gravité du SPT et de soulager les symptômes à long terme des patients. Environ 24 % des personnes prenant seulement des anticoagulants ont éprouvé une douleur et une enflure modérées à graves, comparativement à seulement 18 % des personnes traitées par des anticoagulants et des briseurs de caillots.

Les chercheurs ont noté une augmentation inquiétante du nombre de personnes qui ont développé un saignement majeur après avoir subi l’intervention. Bien que les chiffres étaient petits — un patient (0,3 %) recevant le traitement standard a subi un saignement, comparativement à six (1,7 %) parmi ceux qui ont reçu des briseurs de caillots — la possibilité d’une hémorragie catastrophique est la raison pour laquelle ces médicaments sont généralement réservés à des urgences potentiellement mortelles comme des crises cardiaques et des accidents vasculaires cérébraux. Par ailleurs, l’intervention est coûteuse et nécessite souvent une hospitalisation.

« Ceci laisse croire que cette intervention est efficace pour réduire les complications chez les cas plus graves de SPT, mais cela demande une étude plus approfondie », a déclaré la docteure Kahn. « La pratique, à l’HGJ, consistait à offrir ces traitements seulement dans de rares cas de TVP très étendue dans la jambe et, à l’occasion, dans le bras, lorsque l’enflure est tellement importante que nous craignons l’apparition d’une gangrène dans le membre. Nous sommes convaincus d’avoir utilisé ces traitements correctement et nous continuerons à le faire en suivant nos protocoles existants. Les résultats de cette étude soulignent aussi que de nouvelles stratégies de prévention du SPT sont nécessaires.

Vedantham S., Goldhaber S. Z., Julian J., Kahn S. R., Jaff M. R., Cohen D. J., Magnuson E., Razavi M. K., Comerota A. J., Gornik H. L., Murphy T. P., Lewis L., Duncan J. R., Nieters P., Derfler M. C., Filion M., Gu C.-S., Kee S., Schneider J., Saad N., Blinder M., Moll S., Sacks D., Lin J., Rundback J., Garcia M., Razdan R., VanderWoude E., Marques V., Kearon C. et les chercheurs de l’essai ATTRACT. “Pharmacomechanical Catheter-Directed Thrombolysis for Deep-Vein Thrombosis.” The New England Journal of Medicine. 7 décembre 2017.

 

Le 11 décembre 2017