D’après une étude de l’Université McGill, le diagnostic de délirium agité perpétue des stéréotypes raciaux et justifie la brutalité policière

Une nouvelle étude menée à l’Université McGill apporte de l’eau au moulin d’un mouvement qui vise à discréditer un diagnostic médical controversé. Le terme délirium agité fait référence à un état d’agitation, d’agressivité et de détresse. En cour, la défense se sert souvent de ce syndrome pour réfuter les accusations de brutalité policière. Dans l’affaire George Floyd, il a été invoqué dans la défense du policier de Minneapolis accusé.

Dans l’article « Making up monsters, redirecting blame: An examination of excited delirium », l’équipe de recherche explique clairement que le diagnostic de délirium agité exploite des stéréotypes raciaux, justifie l’usage d’une force excessive et mène à une déresponsabilisation des forces de l’ordre dans les cas de mort subite. En gros, ce diagnostic crée une nouvelle catégorie de personnes dont on dit souvent qu’elles sont dotées d’une force « surhumaine » et d’une insensibilité à la douleur. Il est le plus souvent attribué à des hommes noirs, des Autochtones, des personnes aux prises avec un problème de santé mentale, des consommateurs de drogues ou des membres d’autres groupes marginalisés.

La validité médicale du diagnostic est au centre de bien des débats. Pour sa part, l’analyse philosophique et éthique réalisée plonge au cœur des répercussions sociétales concrètes d’un tel diagnostic et fait ressortir le besoin urgent d’une réévaluation par des médecins et le système de justice pénale. Aux États-Unis, le délirium agité fait partie de la preuve dans environ 10 % des morts sous garde policière; toutefois, on assiste actuellement à un virage. En effet, la Californie est récemment devenue le premier État à adopter une loi interdisant la présentation de ce syndrome comme cause de décès, et le Colorado a retiré le terme délirium agité de la formation de ses agents de police. Au Canada, quatre provinces n’admettent plus le délirium agité comme cause de décès.

« Le diagnostic de délirium agité est largement contesté, mais il est toujours d’actualité en médecine d’urgence, dans les rapports de coroner et dans la formation policière. Notre analyse fait ressortir le mécanisme par lequel des stéréotypes raciaux, des conflits d’intérêts, certains rapports de causalité et une logique floue perpétuent l’invocation de ce syndrome », explique Phoebe Friesen, coautrice de l’étude et professeure adjointe au Département d’équité, d’éthique et de politique de l’Université McGill.

L’étude

L’article « Making up Monsters, Redirecting Blame: An Examination of Excited Delirium », par Arjun Byju et Phoebe Friesen, a été publié dans Philosophy, Psychiatry, & Psychology.