Une découverte ouvre la voie à de nouveaux traitements contre une maladie rare
Source : Salle de Presse McGill
S’il est vrai que le système immunitaire peut être un précieux allié dans la lutte contre le cancer, une étude menée par des chercheurs de l’Université McGill et publiée aujourd’hui dans la revue Science donne à penser qu’il peut aussi constituer une menace. En effet, chez les patients atteints du syndrome de Peutz-Jeghers (SPJ), affection héréditaire prédisposant au cancer, le système immunitaire peut déclencher une inflammation qui risque de provoquer la formation de tumeurs dans l’estomac. Ces résultats sont susceptibles de donner lieu à une révision des connaissances sur la formation des tumeurs gastriques chez les patients atteints de ce syndrome et de cancers gastro-intestinaux. On s’attend également à ce qu’ils ouvrent la voie à de nouveaux traitements ciblant l’inflammation plutôt que les cellules tumorales.
Le syndrome de Peutz-Jeghers (SPJ) est un trouble génétique rare qui touche environ une personne sur 150 000 à l’échelle mondiale. Le SPJ est causé par une version mutante et inactive d’un gène (STK11/LKB1) qui agit normalement comme suppresseur de tumeur et régulateur de la croissance, du métabolisme, de la survie et de la polarité des cellules (soit l’organisation des différents éléments cellulaires). Le SPJ se manifeste d’abord par l’apparition de taches brunes ou bleu foncé autour de la bouche, des yeux et des narines. De plus, des polypes bénins – des masses de cellules – se forment sur la paroi interne de l’estomac et du tube digestif.
Comparativement à la population générale, une personne atteinte du SPJ est exposée à un risque 90 % plus élevé de survenue d’un cancer du pancréas, de l’estomac, de l’ovaire, du col de l’utérus, du côlon ou du sein avant l’âge de 65 ans. Or, le SPJ est actuellement incurable. Les patients font l’objet d’un suivi visant la détection d’un éventuel cancer et doivent souvent subir l’ablation chirurgicale de polypes en prévention des occlusions et des saignements intestinaux.
La recherche d’un traitement curatif contre le SPJ a essentiellement porté sur le rôle du gène STK11 dans les cellules épithéliales de l’appareil digestif, où se forment les polypes et, éventuellement, les tumeurs. Cela dit, une découverte fortuite chez la souris a orienté les chercheurs de l’Université McGill vers une toute nouvelle piste : le système immunitaire.
Julianna Blagih, qui étudiait le rôle du gène STK11/LKB1 au sein des cellules immunitaires dans le cadre de sa thèse de doctorat à McGill, a découvert que les souris affichant une anomalie du gène STK11 uniquement dans les lymphocytes T – les « soldats » du système immunitaire qui protègent l’organisme des infections – présentaient des tumeurs gastro-intestinales semblables à celles qu’on observe chez les patients atteints du SPJ. Cette découverte a amené la doctorante et son superviseur de thèse, le Pr Russell Jones, à explorer comment les cellules immunitaires pouvaient contribuer au déclenchement de la maladie.
« Voilà un très bel exemple de découverte fortuite réalisée dans un laboratoire de recherche fondamentale qui pourrait jeter un nouvel éclairage sur les causes de différentes maladies et éventuellement permettre la mise au point de nouveaux traitements », fait observer le Pr Jones, auteur-ressource de l’étude et professeur agrégé au Département de physiologie et au Centre de recherche sur le cancer Goodman, à l’Université McGill. « Une étude approfondie nous a permis de confirmer que ces résultats n’étaient pas le fruit du hasard : les souris porteuses de ces mutations des lymphocytes T ont présenté de l’inflammation dans le tube digestif et des polypes semblables à ceux du SPJ. »
En outre, Maya Poffenberger, auteure principale de l’étude et membre de l’équipe de recherche du Pr Jones, a découvert que des polypes prélevés chez des patients atteints du SPJ portaient des signes indicateurs d’inflammation. Elle a également découvert qu’il était possible de réduire le développement des polypes chez les souris génétiquement prédisposées par l’administration d’un médicament qui bloque certaines voies inflammatoires.
« En fait, nos travaux changent la façon dont on doit aborder cette maladie : on doit désormais se concentrer sur le rôle du système immunitaire dans la formation des polypes. Nous espérons que notre découverte ouvrira la voie à de nouveaux traitements dans le SPJ et d’autres cancers gastro-intestinaux. Et cette perspective nous réjouit au plus haut point », ajoute le Pr Jones.
Pour le scientifique, la prochaine étape consiste à mener des travaux de recherche sur des modèles murins et à continuer de collaborer avec des collègues, tels que les Drs George Zogopoulos et William Foulkes, au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), pour préciser le rôle de l’inflammation dans la maladie.
L’article « LKB1 Deficiency in T Cells Promotes the Development of Gastrointestinal Polyposis », par M. C. Poffenberger et coll., a été publié dans la revue Science
Cette étude a été financée par la Société canadienne du cancer, les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le Programme intégré de formation en recherche sur le cancer de l’Université McGill et le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS).
Le 30 juillet 2018