En juin, Mois national de l’histoire autochtone, nous jetons un regard sur l’apport historique des peuples autochtones au développement du Canada et sur les réalités actuelles des communautés autochtones. Nous nous sommes entretenus avec la chargée d’enseignement Lucie-Catherine Ouimet, inf., B. Sc. inf, M. Sc. inf., qui travaille dans les cliniques infirmières de l’École des sciences infirmières Ingram au Centre d’amitié autochtone et au Foyer pour femmes autochtones de Montréal.

Fille d’une mère anishinaabe qui a grandi dans la vallée de la Gatineau et d’un père québécois francophone, Lucie-Catherine Ouimet a passé son enfance dans la banlieue paisible de Beaconsfield, où elle s’est facilement intégrée aux communautés francophone et anglophone. Ce n’est que des années plus tard, comme infirmière en santé publique et communautaire dans les rues de Kelowna et en santé communautaire à Québec, qu’elle a pu constater les effets du racisme systémique. Exerçant aujourd’hui dans les cliniques de l’École des sciences infirmières Ingram (ÉSII) au Centre d’amitié autochtone et au Foyer pour femmes autochtones de Montréal, Lucie-Catherine Ouimet renoue avec ses racines. « Même si je n’ai pas vécu l’expérience des Premières Nations étant enfant, j’ai l’impression d’avoir trouvé ma place parmi les miens. J’adore travailler ici. »

Formé de six cliniques desservant les populations vulnérables de Montréal, le Réseau de cliniques infirmières communautaires de l’ÉSII tend la main aux personnes qui ont perdu tout contact avec le système de santé. L’itinérance, les traumatismes intergénérationnels, les antécédents d’abus sexuels, la consommation d’alcool ou de drogues de même qu’une expérience négative du système de santé sont autant d’obstacles qui entravent l’accès aux soins de santé. Pour établir un lien de confiance, il faut de la patience et du temps. « J’essaie de créer un espace accueillant où mes frères et sœurs inuits peuvent recevoir les soins dont ils ont besoin, sans jugement », explique l’infirmière.

Lucie-Catherine Ouimet a découvert la profession infirmière sur le tard, après une première carrière en archéologie et en anthropologie qui l’a menée à l’Université Cornell, dans l’État de New York, en Syrie et en Grèce. Alors qu’elle travaillait en Bulgarie en tant que coordonnatrice d’un MBA pour les médecins au sein de l’Agence universitaire de la Francophonie, elle a collaboré avec la Croix-Rouge à des projets portant sur l’expérience des Roms. Ressentant une affinité immédiate avec ce groupe ethnique nomade d’origine indo-aryenne, elle a eu envie de travailler davantage sur le terrain. De retour au Canada, elle a été embauchée par le Groupe de recherche en intervention psychosociale pour un projet de recherche sur la sensibilité culturelle à l’Hôpital Sainte-Justine. Avec les encouragements de la professeure Bilkis Vissandjée, de l’Université de Montréal, elle a décidé de se réorienter en sciences infirmières, obtenant un baccalauréat suivi d’une maîtrise infirmière praticienne spécialisée. « Dès le début, les enjeux de santé des femmes et des Premières Nations m’ont attirée », se rappelle Lucie-Catherine Ouimet.

La profession infirmière est bien adaptée aux besoins vécus en première ligne, selon elle. « Nous sommes le chaînon manquant du système de santé. » De façon tout aussi essentielle, les cliniques infirmières de l’ÉSII offrent une formation très éclairante aux stagiaires de McGill, qui y apprennent l’importance de faire preuve d’humilité culturelle, de tisser des liens de confiance et d’exercer leur jugement clinique. « C’est une grande prise de conscience pour eux, et la courbe d’apprentissage est abrupte », souligne la chargée d’enseignement. Impressionnée par leur volonté d’introspection et d’exploration de leurs propres préjugés inconscients, Lucie-Catherine Ouimet croit que les étudiantes et étudiants détiennent la clé d’un système de santé plus équitable et plus réceptif. « Tout changement commence par une prise de conscience des problèmes et une volonté d’en parler. Voilà pourquoi je vois l’avenir avec optimisme. »