Transition vers l’approche par compétences : les conseils d’un directeur de programme

Par Lisa Dutton

Le Dr Mohamed El-Sherbini répond à nos questions sur la charge de travail et la rétroaction

La Faculté de médecine de l’Université McGill déploie en ce moment la nouvelle approche par compétences en formation médicale (APCFM) dans l’ensemble de ses programmes de résidence. En 2013, le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada a commencé l’élaboration d’un modèle canadien d’APCFM, intitulé la Compétence par conception, pour ses programmes de spécialité. En 2017, les 17 facultés de médecine canadiennes ont commencé la mise en œuvre du nouveau modèle.

Les programmes de résidence en médecine de famille du Canada avaient pris les devants en commençant dès 2008 à mettre en place avec succès une approche similaire, le Cursus Triple C.

À l’heure actuelle, 20 programmes de résidence mcgillois ont adopté l’APCFM, et le reste le fera au cours des prochaines années. Le nouveau modèle s’appuie sur l’excellence, le mentorat et l’accompagnement pour lesquels nos cliniciens-enseignants sont reconnus.

L’APCFM constitue un grand pas en avant en matière d’évaluation formative. Chaque programme de résidence a collaboré avec le Collège royal pour élaborer ses propres exigences de formation et d’évaluation, appelées activités professionnelles confiables, ou APC. Chaque APC comprend des jalons fondés sur les compétences CanMEDS qui sont liés aux différentes étapes de la formation. Les APC et les jalons tracent un plan d’apprentissage clair pour les résidents et procurent aux enseignants des objectifs précis aux fins de l’enseignement et de l’évaluation.

En APCFM, les cliniciens-enseignants observent les résidents directement, délibérément et fréquemment, et leur fournissent une rétroaction et un accompagnement. L’objectif : aider les résidents à acquérir les compétences nécessaires pour atteindre les exigences relatives à chacune des APC. Les cliniciens-enseignants consignent leurs observations et leurs évaluations dans la plateforme électronique one45. Le comité de compétence examine ensuite les évaluations du résident pour déterminer s’il est prêt à passer à la prochaine étape de la formation.

Nous avons interviewé le Dr Mohamed El-Sherbini, professeur agrégé et directeur du programme de résidence en urologie, qui a fait la transition à l’APCFM en 2019. Il nous a fait part de quelques conseils pour les directeurs de programme qui se préparent à la transition vers le nouveau modèle.

1. Question : La Faculté de médecine de McGill est renommée dans le monde entier pour l’excellente formation qu’elle offre aux résidents. Puisque les membres actuels du corps professoral ont été formés dans l’ancien modèle et sont d’excellents médecins, pourquoi devrait-on passer à l’APCFM?
Réponse : En fait, nous ne changeons pas notre façon de former les résidents. Nous le faisions déjà très bien. L’APCFM vise plutôt à s’assurer que tous les apprenants acquièrent les compétences essentielles ou les habiletés et connaissances nécessaires pour pouvoir exercer de façon autonome – sans supervision – dès la fin de leur résidence.
2. Question : Quels sont les principaux avantages de l’APCFM?
Réponse : L’APCFM resserre les liens entre l’enseignant et l’apprenant. Les médecins superviseurs doivent donner aux résidents une rétroaction fréquente et directe, portant sur les compétences qu’ils essaient d’acquérir. Dans l’ancien système de formation, les résidents reçoivent aussi une rétroaction, mais moins régulièrement et de façon moins ciblée.
3. Question : La perception demeure que l’APCFM augmente beaucoup la charge de travail. Quelle a été votre expérience sur ce plan?
Réponse : Toute nouvelle méthode va initialement exiger plus de travail. Mais une fois qu’on comprend comment l’APCFM fonctionne et qu’on prend le rythme, ça ne prend pas beaucoup plus de temps. La rétroaction et les évaluations régulières avaient déjà lieu dans les faits, mais de façon plus informelle. Avec tous les outils technologiques dont nous disposons, comme les ordinateurs portables et les iPad, donner une rétroaction et la consigner se fait plutôt rapidement.
4. Question : Quelle serait la principale idée fausse à propos de la rétroaction en APCFM?
Réponse : Si un résident doit atteindre une compétence donnée, le médecin superviseur ne doit pas donner de la rétroaction écrite chaque fois que la tâche est accomplie. En urologie, par exemple, si on doit évaluer un résident sur sa technique d’utilisation d’un cystoscope flexible, il fera peut-être 30 interventions du genre en une journée. L’enseignant ne doit pas donner de la rétroaction après chacune d’entre elles. Il vaut mieux donner de la rétroaction verbale après les premières cystoscopies, puis, quand le résident en a réalisé cinq ou dix, l’enseignant peut prendre des notes pour donner une rétroaction écrite.
5. Question : Quelles sont les leçons les plus importantes que votre programme a tirées de sa transition à l’APCFM?
Réponse : Il faut encourager vos résidents à être très proactifs. Ils sont des apprenants adultes qui doivent prendre en charge leur propre apprentissage. L’APCFM est un nouveau modèle auquel les cliniciens ne sont pas encore habitués. Si les résidents ont besoin d’un certain nombre d’observations, ils ne doivent pas hésiter à demander d’être évalués et de recevoir une rétroaction. Les médecins superviseurs doivent comprendre que les résidents essaient seulement d’apprendre et d’améliorer leurs compétences.
6. Question : Quelles ont été vos ressources les plus précieuses dans la transition vers l’APCFM?
Réponse : J’ai travaillé étroitement avec le Bureau de la formation médicale postdoctorale et son équipe pédagogique, qui nous ont beaucoup aidés à nous préparer à la transition. L’équipe nous a offert un soutien durant les réunions d’orientation à l’APCFM que nous avons organisées pour nos professeurs. Le Collège royal offre aussi beaucoup d’information sur son site web, ainsi que des vidéos et des webémissions avec des conférenciers de partout au Canada. En visionnant les témoignages, on réalise à quel point l’APCFM peut être positive.

L’équipe pédagogique en formation médicale postdoctorale (FMPD) a créé et réuni plusieurs ressources en APCFM qui peuvent être adaptées pour chaque programme. Elle a aussi créé une série de vidéos qui décrivent l’expérience et les conseils de différents acteurs des programmes qui sont passés à l’APCFM. Vous les trouverez dans la section CBME du site web du Bureau de la FMPD.

Si vous avez des questions avant ou pendant la transition de votre programme vers l’APCFM, n’hésitez pas à communiquer avec le Bureau de la FMPD à pg-education.med@mcgill.ca.

Le 18 octobre 2019