Chapô : Un groupe étudiant en médecine de McGill organise le premier «Hôpital des Nounours» à Montréal. Pour vaincre l’anxiété médicale chez les enfants.  

Les radiographies ne mentent pas. Kangoo a le bras cassé. Heureusement, Kangoo a été admis à l’Hôpital des Nounours, où les toutous sont tous soignés gratis! Même pas besoin de la carte d’assurance maladie.  

« J’ai découvert le concept d’Hôpital des Nounours grâce à une amie en médecine à l’Université Laval qui avait participé au premier événement du genre au Québec en 2019 », raconte Alejandra Martinez, coprésidente du club de l’Hôpital des Nounours des étudiants en médecine de McGill. 

Dès son admission en médecine en 2019, Alejandra Martinez a voulu lancer ce club afin de participer à cette initiative internationale – l’Hôpital des Nounours est un projet emblématique porté par la Fédération internationale des associations d’étudiants en médecine (IFMSA).  

« L’objectif est d’amener les enfants à surmonter leur peur des hôpitaux et l’anxiété devant la maladie », dit Bertrand Leduc, le coprésident de l’initiative, qui désirait débuter ce projet à l’Université McGill–il termine lui aussi sa troisième année et se destine à la pédiatrie.  

Au moment d’écrire ces lignes, l’équipe préparait l’ouverture officielle de ce dernier le 3 juin à l’école Saint-Gabriel, dans le quartier Pointe-Saint-Charles de Montréal, avec quelque 100 peluches et leur « parent » âgé de 4 à 7 ans.  

« Je ne veux pas manquer ça », promet la Dre Mylène Dandavino (B. Sc. 1999, M. Sc. 2002, MDCM 1999, RÉS 2004), pédiatre généraliste à l’Hôpital de Montréal pour enfants et professeure agrégée à l’Université McGill, qui agit comme superviseure du groupe. « Ce genre de projet nous rappelle pourquoi on est allé en médecine.  » 

À cause de la pandémie, ce premier Hôpital des Nounours, prévu pour 2020, arrive avec deux ans de retard. « Ce n’est pas plus mal, ça nous a donné le temps de bien nous préparer », dit la Dre LiAnna Carusone (MDCM 2022), vice-présidente exécutive du club, qui commence sa résidence en pédiatrie.  

Une histoire racontée 

L’équipe étudiante a travaillé plus de trois ans pour monter un concept à la fois ludique et instructif. Il s’inspire de l’expérience acquise au sein de l’IFMSA auquel l’équipe a ajouté ses propres idées, avec une bonne dose de fantaisie.  

À leur arrivée au gymnase de l’école Saint-Gabriel, converti en « hôpital », les enfants se font remettre un plan du parcours en huit stations (triage, imagerie, chirurgie, pharmacie, physiothérapie, ergothérapie, saines habitudes de vie et salle de repos) qu’ils pourront suivre avec des autocollants. Au recto du document, ils rempliront le dossier médical du toutou. Car c’est à l’étape du triage que l’enfant va écouter le cœur, prendre les signes vitaux, peser le « patient », examiner ses oreilles. « C’est l’étape la plus familière, celle pour laquelle presque tous les enfants vont avoir de l’expérience », dit LiAnna Carusone.  

Après le triage, il y a bien sûr l’imagerie. Ici, Nounours passe une radiographie pour voir ce qui ne va pas – généralement un bras cassé, qu’il faut évidemment soigner. Pour la chirurgie, les enfants vont opérer un gros ourson doté d’une fermeture éclair et ils iront coller les organes en tissu, munis de velcro, sur une affiche qui les identifie.  

À la station « Pharmacie », les enfants devront identifier les bouteilles afin de créer une potion pour toutou. « Plusieurs stations ont un ou plusieurs messages », explique Alejandra Martinez. En pharmacie, c’est : « On ne prend pas les médicaments qui ne sont pas pour toi. » En physiothérapie et en ergothérapie, où ils seront exposés à la neurodiversité et à divers appareils comme des orthèses, le message est : « N’importe qui peut être ton ami même s’il marche moins bien. »  

La station « Saines habitudes de vie » sera l’occasion de passer des leçons de sécurité et de nutrition : sur l’eau, on met sa veste de flottaison; en vélo, son casque; au soleil, sa lotion solaire. « La façon d’amener ça consiste à dire : “Si Nounours est dans cette situation, qu’est-ce que vous faites?” » explique Bertrand Leduc.  

Les tout-petits passeront également par la station « Salle de repos » où seront projetées diverses vidéos sur la santé. Les facultés québécoises ont toutes leur projet d’Hôpital des Nounours et collaborent pour la partie audiovisuelle. La vidéo de l’équipe étudiante de McGill porte sur les troubles de l’attention et de l’hyperactivité. 

Il aura fallu beaucoup de vidéoconférences et de courriels, en pleine pandémie, pour monter le concept, préparer le scénario, obtenir l’approbation de la faculté et recueillir les commandites (des meubles d’IKEA) et du matériel médical (surtout des gants et des bonnets de chirurgie).  

Et il fallait fabriquer des « instruments » et des éléments de décor : assembler une machine à rayons X amusante, dessiner et plastifier les images de radiographie, imaginer des bouteilles de pharmacie et les emplir de brillants et de poudres multicolores, fabriquer des organes en tissu pour le nounours chirurgical, monter une arche d’accueil sur laquelle on installera des ballons, préparer l’affiche de l’entrée.  

« Cette étape-là était une vraie partie de plaisir », raconte Alejandra Martinez, qui n’hésite pas à parler de retour à l’enfance. « Quand on s’est réuni pour fabriquer les éléments de chaque station, on a renoué avec les arts plastiques. »  

Dans un réel souci de pédagogie, l’équipe étudiante a fait de gros efforts pour que les notions expliquées soient parfaitement compréhensibles. « La Dre Dandavino, en plus de valider le scénario, a proposé quelques changements de terminologie pour qu’on évite des notions compliquées comme “bactérie” ou “appendicite” », explique Alejandra Martinez.  

Un projet porteur 

À l’école Saint-Gabriel, ils seront 25 bénévoles, mais le comité organisateur préfère ne pas trop publiciser ce premier événement.  

« On veut se donner le temps de maîtriser le concept », explique Bertrand Leduc, qui sera de l’équipe volante avec Alejandra pour régler les problèmes. « Nous examinons plusieurs projets d’écoles pour l’an prochain. Cet été, l’Hôpital des Nounours ouvrira ses portes dans un camp de jour de Montréal-Nord », annonce Alejandra Martinez, qui rêve d’autres activités à l’Hôpital de Montréal pour enfants et peut-être également en clinique.  

Bien que le club ait été fondé par un groupe étudiant en médecine, plusieurs nounoursologues étudient en nutrition, en physiothérapie et en ergothérapie. Et ce sont des étudiantes et étudiants en sciences infirmières qui tiendront la station de triage, où les peluches seront vaccinées. « Nous tenions à réellement représenter la variété des activités d’un hôpital et à en faire un projet collaboratif », dit LiAnna Carusone. 

Impressionnée par le niveau d’organisation de l’équipe étudiante, Mylène Dandavino réfléchit à la manière de greffer un projet de recherche original à cette initiative. « L’équipe a monté un dossier de préparation qui permet aux enfants d’indiquer leur niveau d’anxiété avant l’exercice. Ça reste à valider, mais il y a peut-être quelque chose à en faire. Ce serait super s’ils pouvaient ajouter une expérience de recherche à leur dossier académique grâce à cette initiative. »