Par Diane WeidnerCentre de simulation et d’apprentissage interactif Steinberg

« Nous avons un très gros problème avec la traite des personnes au Québec. Le taux augmente rapidement à cause des médias sociaux, et n’importe qui peut être ciblé, quelle que soit son appartenance sociale », affirme Josée Mensales, coordonnatrice du programme Les Survivantes au Service de police de la Ville de Montréal.

L’agente Mensales a récemment participé à une table ronde avec des professionnels de la santé et des professeurs de l’Université McGill pour faire connaître la traite des personnes et dissiper quelques idées reçues à cet égard. Puisque, selon les recherches, les victimes sont susceptibles de consulter un médecin pendant leur captivité, les discussions ont porté sur les mesures que peuvent prendre les professionnels de la santé pour dépister les victimes, les aider et les défendre.

Françoise Filion, professeure adjointe à l’École des sciences infirmières Ingram, a intégré la justice sociale à son programme de soins infirmiers communautaires et souligne toute l’importance de préparer les apprenants à ces rencontres : « Si une victime se présente à une clinique ou à l’urgence, c’est probablement après une crise, comme une grossesse non désirée, une maladie transmise sexuellement, un incident de violence extrême. Pendant qu’elle est sous le contrôle du trafiquant, la victime est privée de sa capacité décisionnelle et peut craindre de se livrer à vous. La consultation peut être un point de bascule, un moment où elle peut être prête à accepter de l’aide. En qualité de professionnels de la santé, nous devons nous assurer de sa sécurité et de son consentement. Nous pouvons lui transmettre de l’information pour qu’elle prenne des décisions éclairées, lui offrir des possibilités et, surtout, lui assurer que nous sommes là pour l’écouter et lui offrir de l’aide si elle le décide. »


Le recours à la simulation pour stimuler l’apprentissage

Pour aider à préparer les étudiants à ces rencontres cliniques, la professeure Filion a travaillé en étroite collaboration avec le Centre de simulation et d’apprentissage interactif Steinberg (CSAIS) à la conception de scénarios inspirés de véritables rencontres avec les patients. Comme l’explique Loïc Simard-Villeneuve, formateur des patients standardisés du CSAIS : « Ces simulations enseignent aux étudiants les aptitudes en communications et leur permettent de s’y exercer dans un environnement sécuritaire, de manière que s’ils rencontrent des victimes en milieu clinique, ils soient mieux équipés pour les dépister et les aider. »

Nous savons que la simulation médicale est une méthode démontrée d’enseignement aux professionnels de la santé et qu’elle donne des résultats. Cependant, les simulations sur des enjeux sociétaux sont sous-représentées. Monsieur Simard-Villeneuve a exprimé le souhait de faire connaître cet enjeu à un public plus vaste, et c’est ce qui a suscité cette collaboration en vue d’organiser un webinaire interdisciplinaire. Grâce à son expérience en arts et en enseignement, il a pu transformer la simulation de rencontre clinique en un court film qui a pu être intégré au webinaire pour favoriser les échanges.

Le webinaire comprenait également des échanges avec une personne survivante qui a témoigné de son parcours bouleversant dans le milieu de l’exploitation sexuelle, de ses rencontres avec le système de santé et de son cheminement courageux vers la guérison.

« Dans le monde de la simulation, on dit souvent que le meilleur enseignement a lieu lorsque la logique de l’esprit et les émotions du cœur se conjuguent pour transmettre toute l’histoire personnelle, explique Niki Soilis, gestionnaire de l’éducation du CSAIS. C’est ce que nous avons tenté d’accomplir. Nous sommes tellement reconnaissants à la personne survivante qui nous a raconté son histoire, aux panélistes qui ont jeté la lumière sur cet enjeu d’importance et à l’auditoire pour son empressement à participer et à en apprendre davantage sur ce que peuvent faire les professionnels de la santé afin de défendre les victimes de la traite des personnes. »

 
La perspective des apprenants

Zahra Dinani et Nicole Drummond faisaient partie des étudiantes en soins infirmiers qui ont assisté au webinaire en direct pour préparer leurs rencontres communautaires en soins infirmiers. Elles nous ont donné leurs impressions.


Quel apprentissage vous a surpris dans la table ronde d’aujourd’hui?

Nous ne savions pas que le SPVM avait un cadre et une structure aussi bien développées, ni toutes ces ressources pour soutenir les victimes de la traite des personnes. C’est logique, mais nous ne savions pas à quel point c’était perfectionné.

Aussi, l’histoire de la personne survivante nous a vraiment ouvert les yeux. Nous avons grandi à Montréal et pouvons imaginer à quel point il est facile d’aborder une personne sans qu’elle se pose trop de questions. Nous avons compris à quel point les jeunes femmes sont vulnérables à Montréal, que c’est aussi un enjeu local et non seulement un problème international. Ça nous a vraiment surprises.

 

En quoi trouvez-vous que ce webinaire vous a préparées à votre rôle dans la communauté?

Il a été utile de savoir quels signes rechercher. Nous remarquerons beaucoup plus les signaux d’alarme, comme les brûlures de cigarette et les tatouages de signes de gang. La vidéo et la simulation ont été informatives, mais il faut encore plus de préparation. Par exemple, une boîte à outils et un processus de dépistage seraient précieux, tout comme un protocole à l’urgence.

 
Quelle est votre impression globale de la présentation par webinaire?

Le webinaire était génial. Nous écoutons parfois des conférenciers d’autres organisations, mais il est très rare que tout le monde soit réuni comme ça, de manière très formelle et informative. On peut constater la collaboration interdisciplinaire entre le système de santé et le système de justice.

Pour visionner l’enregistrement de ce webinaire, en anglais, cliquez ici :
La criminalité et la médecine : les professionnels de la santé à l’intersection de la traite des personnes
Nous travaillons pour faire connaître cette initiative et créer des outils afin de la soutenir.

Si vous voulez nous encourager, participez à notre campagne Seeds of Change.

 
Merci au service de communications intégrées de l’Université McGill pour son aide lors de cet événement, à Frank Roop et à l’équipe de production vidéo pour avoir filmé et monté la vidéo de simulation clinique et à l’équipe des événements en salle, photographiée ci-dessous, pour avoir filmé et diffusé le webinaire en direct.


 

Le 22 février 2019