La maladie de Parkinson (MP) touche près de 100 000 Canadiens et 10 millions de personnes à travers le monde. Se caractérisant par une insuffisance de production en dopamine, cette maladie neurodégénérative perturbe la transmission de signaux dans le cerveau et nuit à son bon fonctionnement. Ses symptômes moteurs, tels que les tremblements, la lenteur et la rigidité musculaire, ainsi que les problèmes d’équilibre, peuvent apparaître et s’aggraver chez des patients qui ont discrètement porté la maladie pendant des années. Les symptômes plus méconnus de la MP, comme la dépression, l’anxiété, les hallucinations, les vertiges et les troubles du sommeil, sont tout aussi dévastateurs.

Bien qu’il n’existe aucun traitement définitif de la MP, une équipe de chercheurs au Neuro (Institut-Hôpital neurologique de Montréal) fait d’importantes avancées en recherches thérapeutiques pour la MP grâce à des innovations révolutionnaires. Sous la direction de Thomas Durcan, professeur agrégé au Département de neurologie et de neurochirurgie de l’université McGill et directeur de la Plateforme de découverte de médicaments en phase précoce (PDMPP) du Neuro, cette équipe a mis en œuvre la technologie des cellules souches pour créer des organoïdes humains.

Les organoïdes sont de minuscules cultures 3D de tissus dérivés de cellules souches qui reproduisent les traits principaux des organes humains. Avec le soutien du Dr. Edward Fon, directeur scientifique du Neuro, l’équipe de Durcan est parvenue à recréer l’organe le plus complexe qui soit : le cerveau.

Assistante à la recherche tient une culture d'organoïdes cérébraux dans un bioréacteur

Les organoïdes cérébraux sont des micro-tissus 3D qui imitent les traits principaux du cerveau humain. Ici, l’assistante à la recherche Paula Lépine présente une culture d’organoïdes cérébraux qu’elle a elle-même cultivée.

Les organoïdes cérébraux sont une avancée majeure dans la recherche neurologique, car ils peuvent être personnalisés à l’aide de cellules reprogrammées provenant de patients. Puisqu’ils constituent les modèles les plus similaires aux cerveaux des patients, les organoïdes offrent une approche très précise et novatrice pour étudier les mécanismes des maladies et pour accélérer la découverte de nouveaux médicaments.

Toutefois, le développement à grande échelle de ces organoïdes, qui ont un diamètre d’environ deux millimètres, comporte un véritable défi.

« La méthodologie était incohérente. Les organoïdes variaient en taille et en forme, ce qui rendait difficile de veiller à leur santé et à leur reproductibilité », raconte Durcan. « On s’est demandé si on pouvait uniformiser le processus et augmenter la production tout en réduisant la charge de travail physique et de temps au laboratoire. Il nous fallait un meilleur système. »

Avec le soutien de CQDMHBHL et NeuroSphere, l’équipe de Durcan a collaboré avec Christopher Moraes, professeur agrégé au Département de génie chimique, afin d’augmenter le processus de production d’organoïdes pour l’évaluation de traitements potentiels.

En cultivant les organoïdes sur des disques biofabriqués et en les incubant dans de grands bioréacteurs, l’équipe peut désormais contrôler et uniformiser la croissance des organoïdes cérébraux, générant plus de 800 spécimens simultanément. Cette méthode simplifiée permet non seulement de réduire les coûts et de gagner du temps, mais facilite aussi la production d’organoïdes spécifiques aux patients, améliorant ainsi le potentiel de traitements personnalisés pour des maladies variables comme la MP.

« La maladie de Parkinson n’est pas causée par un seul gène. Il s’agit en fait d’un terme générique : il y a plus de 100 gènes dans la MP », explique Durcan. « Notre objectif est d’explorer ces différents gènes à l’aide d’outils d’imagerie avancée et de développer une plateforme d’imagerie 3D automatisée. On est partis d’un problème biologique qui s’est transformé en problème d’ingénierie et qui devient maintenant un problème de données : on a d’innombrables téraoctets de données provenant de l’imagerie 3D des organoïdes. La prochaine étape sera l’utilisation de l’intelligence artificielle pour concilier ces données et identifier les éléments signatures de la maladie. »

La pandémie de COVID-19 est en partie responsable de cette avancée : l’accès limité au laboratoire en mars 2020 a confronté l’équipe à une décision difficile. C’est Nguyen-Vi Mohamed, chercheuse postdoctorale à l’époque, qui a lancé l’idée de combiner les technologies des disques biofabriqués et des bioréacteurs.

Paula Lépine, assistante à la recherche, qualifie cette démarche d’un véritable acte de foi : « Notre ancienne méthode de production exigeait de nourrir les organoïdes au moins trois fois par semaine. On devait tout réorganiser. On a transféré tous les organoïdes dans de grands bioréacteurs pouvant en contenir des centaines. Soit on prenait un risque, soit on les perdait tous », explique-t-elle.

Les recherches de l’équipe ont donc été accélérées de manière inattendue. « Les scientifiques, on aime prendre notre temps et examiner toutes les variables », admet Durcan. « On a été contraints de tester notre théorie et d’espérer que tout ira pour le mieux. La culture est restée vivante et on a pu l’utiliser à l’automne 2020. Jusqu’à ce jour, on poursuit encore avec cette méthode. »

L’approche de la science ouverte adoptée par l’équipe de Durcan garantit la transparence et l’accessibilité à l’ensemble de la communauté scientifique. Leur méthodologie est disponible en ligne dans plusieurs langues et formats. « Notre objectif était de construire et d’améliorer ces processus et flux de travail, en les appliquant à un pipeline de découverte translationnelle. En ce moment, on développe un portail avec les données sur les lignées cellulaires et les modules », indique Durcan.

Alors que cette nouvelle technologie gagne du terrain, les efforts de collaboration envers l’application des connaissances sont essentiels au progrès de la recherche sur la MP. « La communauté scientifique commence à accepter que les organoïdes peuvent être utilisés au-delà des études sur le développement neurologique : ils constituent un modèle utile pour les maladies dégénératives », fait remarquer Lépine.

Témoignant du potentiel des organoïdes cérébraux, l’équipe de Durcan collabore présentement avec l’université Western pour identifier les traitements prometteurs de la maladie de Parkinson par l’entremise d’une nouvelle plateforme d’essai appelée TRIDENT. Ce partenariat de science ouverte permet à l’équipe de cultiver et de distribuer les données recueillies à l’aide des organoïdes.

« On apporte des observations qui font avancer la recherche dans le pipeline d’application des connaissances. Ces synergies permettent à nos partenaires de mener des tests et des recherches thérapeutiques plus poussées », souligne Durcan. Cet effort collaboratif devrait permettre d’accélérer le processus de découverte de la maladie de Parkinson, favorisant un écosystème dynamique pour le progrès des avancées dans le domaine.

 Les assistantes à la recherche María Belén Baeza Trallero et Paula Lépine, ainsi que l’adjointe de recherche Cecilia Rocha

De gauche à droite : Les assistantes à la recherche María Belén Baeza Trallero et Paula Lépine, ainsi que l’adjointe de recherche Cecilia Rocha. Trallero, Lépine et Rocha font partie intégrante de l’équipe dédiée aux avancées technologiques des organoïdes cérébraux.

Republié avec autorisation. Cet article a été initialement publié par l’initiative Cerveau en santé, vie en santé (HBHL) le 19 février 2024.