Entretien avec Matthew Tang, chercheur postdoctoral

Par Victor Swoboda, Le Neuro

Bien que la cause exacte de la maladie de Parkinson demeure inconnue, les données issues de la recherche scientifique permettent de croire que des mutations de certains gènes, dont le gène codant pour la parkine et le gène PINK1, jouent un rôle important dans l’évolution de la maladie de Parkinson. Ces gènes contribuent à préserver la santé des cellules, notamment par l’activité qu’ils exercent sur les mitochondries, structures cellulaires responsables de la production d’énergie et de la régulation du métabolisme.

Certains des plus importants travaux de recherche réalisés à l’échelle mondiale sur la maladie de Parkinson sont menés à l’Université McGill dans le cadre de collaborations entre des chercheurs du Groupe des maladies neurodégénératives de l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal (le Neuro), du Département de pharmacologie et de thérapeutique et du Groupe de recherche axé sur la structure des protéines. Dans un article publié dans la revue Nature Communications, les chercheurs Matthew Y. Tang, Marta Vranas, Andrea I. Krahn, Shayal Pundlik, Jean‑François Trempe et Edward A. Fon lèvent le voile sur le rôle de la parkine, protéine qui, lorsqu’elle est dysfonctionnelle, contribue au développement de la maladie de Parkinson.

Matthew Y. Tang, chercheur postdoctoral au laboratoire du Dr Fon et auteur principal de l’étude publiée dans Nature Communications, explique comment ces travaux permettent de mieux comprendre la maladie de Parkinson.

Qu’est-ce que la parkine et quel est son rôle dans la maladie de Parkinson?

La parkine est une protéine associée à la maladie de Parkinson. La plupart des cas de maladie de Parkinson liés à la parkine résultent de mutations perte de fonction qui entraînent une réduction ou la suppression de l’activité de la parkine. Cette protéine joue un rôle clé dans le maintien de la qualité du réseau mitochondrial de la cellule, essentiel dans les processus énergétiques cellulaires, en favorisant la dégradation des mitochondries dysfonctionnelles. Nous étudions le fonctionnement de la parkine et la façon dont les mutations du gène codant pour cette dernière influent sur les mécanismes de contrôle de la qualité qui préservent la fonction du réseau mitochondrial de la cellule. La parkine n’est qu’une des protéines associées à la maladie de Parkinson, mais elle nous permet de mieux comprendre le dysfonctionnement des cellules chez les patients parkinsoniens.

La parkine interagit de nombreuses façons avec d’autres protéines cellulaires. Votre article met particulièrement en lumière les interactions entre la protéine PINK1 et la parkine. En quoi ces interactions sont-elles importantes?

La parkine et PINK1 sont deux protéines qui interviennent dans le même mécanisme de contrôle de la qualité mitochondriale. Lorsque les mitochondries sont endommagées, la protéine PINK1 phosphoryle l’ubiquitine et la parkine, et amorce le processus de destruction des mitochondries dysfonctionnelles. Cette interaction entre la protéine PINK1 et la parkine permet d’activer cette dernière. PINK1 est donc une protéine très importante puisqu’elle joue un rôle essentiel dans l’activation de la parkine. La structure tridimensionnelle de la parkine ‒ sa conformation ‒ est un élément central du processus d’activation.

Pourquoi?

À l’état natif, la parkine est étroitement repliée sur elle-même, ce qui la rend inactive. Elle ne peut donc pas remplir son rôle. Pour être active, elle doit subir un changement conformationnel. Nos travaux visaient à étudier la séquence des événements permettant d’activer la parkine.

L’activation de la parkine se fait donc en plusieurs étapes?

Plusieurs étapes sont en effet nécessaires pour activer la parkine, la première étant la liaison de la parkine à l’ubiquitine phosphorylée dans la mitochondrie. Entre ensuite en jeu l’interaction entre la parkine et la protéine PINK1, qui provoque la phosphorylation de la parkine, puis son activation.

Quel est le rôle des mutations de la parkine?

La plupart des mutations de la parkine observées dans la maladie de Parkinson sont associées à des pertes fonctionnelles. Dans le cadre de nos travaux, nous nous intéressons aux mécanismes d’activation de la parkine ‒ comment cette dernière passe d’un état « fermé » inactif à une conformation « ouverte » plus active. Nous avons découvert que les mutations de la parkine qui favorisent son « ouverture » entraînent un gain de fonction. Ces résultats nous permettent de croire que nous pourrions trouver une molécule susceptible de jouer le même rôle, soit activer la parkine ou accroître sa capacité d’activation.

Comment vous et vos collègues avez-vous procédé?

Nos travaux ont porté sur des cellules cultivées en laboratoire ou sur des mitochondries purifiées. Nous avons eu recours à des techniques propres à la biologie moléculaire afin de provoquer des mutations de la parkine et d’étudier les effets de ces dernières sur les mécanismes de contrôle de la qualité mitochondriale.

Les facteurs qui contribuent à la fermeture ou à l’ouverture de la parkine sont-ils nombreux?

La parkine est essentiellement inactive, car elle se trouve dans une voie métabolique strictement régulée. Comme cette protéine est activée sous l’effet du stress cellulaire, il n’est certes pas souhaitable qu’elle soit activée en tout temps! Plusieurs facteurs interviennent dans l’activation de la parkine. Ainsi, lorsque la cellule détecte des lésions mitochondriales, la parkine joue un rôle essentiel en déclenchant la dégradation des mitochondries dysfonctionnelles. Si la cellule ne peut prendre en charge ces lésions, des espèces réactives de l’oxygène ‒ sous-produits toxiques ‒ peuvent être produites et se révéler dommageables pour la cellule.

Nous disposons d’un nombre sans cesse croissant de données probantes semblant indiquer que plusieurs maladies neurologiques seraient attribuables à un dysfonctionnement mitochondrial. Est-ce le cas de la maladie de Parkinson?

Il s’agit en effet d’un axe de recherche important. De nombreux gènes liés à la maladie de Parkinson sont associés au dysfonctionnement mitochondrial. Toutefois, les anomalies mitochondriales interviennent dans un nombre de plus en plus grand de maladies neurologiques.

Ces travaux pourraient-ils mener à la mise au point de médicaments novateurs?

Notre plus récent article est en fait un document de fond visant à étayer le principe que nous avons mis de l’avant. Nous avons démontré que l’utilisation de mutations activantes permettant de détendre la parkine afin qu’elle présente une conformation « ouverte » peut favoriser un gain de fonction; or, une fois activée, la parkine peut éliminer les mitochondries dysfonctionnelles plus rapidement. Par conséquent, si nous réussissons à rendre cette voie inhibée complètement fonctionnelle, nous pourrons peut-être aider les personnes atteintes de la maladie de Parkinson. Notre objectif est donc de trouver un médicament capable d’activer plus efficacement cette voie et, ainsi, d’accroître les chances de survie de la cellule. Le mécanisme d’activation de la parkine est essentiel à la découverte d’un médicament possédant les propriétés nécessaires pour ouvrir la parkine et l’activer. Notre stratégie consiste donc à trouver quelques composés ou médicaments capables de se lier à la parkine et de l’ouvrir.

Comment procéderez-vous?

Nous entendons concevoir un outil qui nous permettra de mettre à l’essai des médicaments susceptibles de déclencher l’activation de la parkine. Nous examinerons également les mutations qui interviennent dans la maladie de Parkinson, et réaliserons des essais afin de déterminer si ces médicaments peuvent contrer les mutations qui réduisent l’activité de la parkine. Nous sommes à la recherche de petites molécules qui peuvent améliorer le fonctionnement de cette protéine et se révéler utiles dans le traitement de la maladie de Parkinson.

Le 13 avril