L’étude d’un trouble du cœur pourrait mener à la conception de meilleurs dispositifs cardiaques
Des chercheurs ont découvert comment prévoir certaines arythmies cardiaques avant qu’elles ne surviennent. Cette découverte pourrait mener à la mise au point de meilleurs dispositifs cardiaques, capables de détecter quand les arythmies sont sur le point de se produire et de les prévenir.
L’équipe de chercheurs de l’Université McGill a axé ses travaux sur une forme d’arythmie observée chez les personnes atteintes du syndrome du QT long, une affection héréditaire qui peut être mortelle. Chez les patients atteints de ce trouble du rythme cardiaque, l’activité électrique du cœur est parfois anormale. Les battements suivent un tracé particulier, appelé alternance électrique, où des battements cardiaques plus longs alternent avec d’autres, plus courts (voir l’illustration).
Il peut être facile de déceler cette anomalie, mais il est plus difficile de la prévoir. C’est grâce aux mathématiques que les chercheurs y sont parvenus.
Les chercheurs ont pris des cellules d’embryons de poulets et ont créé de petits amas de cellules cardiaques capables de battre d’eux-mêmes (voir la vidéo). Ils ont ensuite administré un médicament afin de provoquer une anomalie des battements cardiaques tout en enregistrant les changements survenus à l’aide d’une caméra. « Cette expérience simule les anomalies du tracé électrique des battements du cœur des patients atteints d’arythmie », explique Alvin Shrier, coauteur de l’étude et titulaire de la Chaire de recherche en physiologie Hosmer.
L’équipe a pu prévoir quand les cellules s’apprêtaient à passer d’un rythme normal à l’alternance électrique. « Il existe une période de transition », explique le professeur Shrier, « pendant laquelle la variabilité du rythme augmente et le tracé devient quelque peu anarchique. L’alternance électrique débute après cette période de transition. Un intervalle est un peu plus long, le suivant un peu plus court, jusqu’à ce que l’alternance devienne clairement visible ». Les chercheurs ont conçu une fonction mathématique décrivant cette période de transition anarchique, qui peut être utilisée pour la déceler.
« Si des études plus poussées permettent d’étayer nos conclusions, nous pourrions imaginer des dispositifs cardiaques dont le logiciel utilise une fonction semblable pour prévoir quand le cœur d’une personne entre dans la phase qui précède l’alternance électrique », affirme Thomas Quail, doctorant et auteur principal de l’étude. « Cela signifie que le dispositif pourrait corriger les battements cardiaques beaucoup plus rapidement que les appareils actuels, évitant au patient de vivre une expérience angoissante, et au cœur de subir d’éventuelles lésions. »
Du cœur aux changements climatiques
Le problème mathématique auquel étaient confrontés les chercheurs est commun à plusieurs domaines : comment une chose qui respecte un certain schéma (les variations électriques d’un cœur en santé, par exemple) peut-elle adopter un nouveau schéma (comme celui des battements anormaux du cœur)?
« Nos travaux montrent qu’il est possible de prévoir ce que nous appelons des transitions dynamiques. Nous avons travaillé sur les rythmes cardiaques, mais il serait également possible de prévoir les transitions financières, écologiques et climatiques », explique Leon Glass, professeur de physiologie et titulaire de la Chaire de recherche en cardiologie Leon Isadore Rosenfeld. Publiés dans la revue scientifique PNAS en juin, ces résultats permettront aux chercheurs de nombreuses disciplines de tenter de relever ce défi.
Cette étude a été financée par la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, les Instituts de recherche en santé du Canada et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.
Thomas Quail, Alvin Shrier et Leon Glass, PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America), juin 2015