Une jeune femme qui a accouché d’une petite fille en santé il y a quelques jours se présente au service des urgences en raison d’une céphalée intense. Elle est par ailleurs en santé et sa grossesse s’est déroulée sans complications. Pendant qu’elle attend les résultats de ses tests, son mal de tête s’aggrave, sa pression artérielle augmente et elle se met à avoir des nausées, des vomissements et des changements de vision.


Par Diane Weidner, Centre de simulation et d’apprentissage interactif Steinberg

Voilà un exemple parmi tant d’autres des patients qu’un médecin peut rencontrer au service des urgences. Les médecins qui travaillent aux urgences doivent connaître toutes les spécialités médicales pour pouvoir reconnaître et traiter sans délai les différentes urgences cliniques qui surviennent. Pour se préparer à assumer ce rôle qui nécessite de la polyvalence, les résidents en médecine d’urgence à l’Université McGill font des stages dans diverses spécialités de base et surspécialités au cours de leur formation de cinq ans. Or, il arrive que pendant cette période, ils n’aient pas l’occasion de rencontrer de patients souffrant de certains problèmes de santé à la fois rares et dangereux. Dans ce contexte, la formation par simulation peut contribuer à combler des lacunes et aider les résidents à faire face à des situations comme celle décrite plus haut.


 

Des résidents passent à l’action pour parfaire leur formation

Le Dr Mostafa Al-Habboubi, résident de troisième année en médecine d’urgence, trouvait qu’il n’avait pas été assez exposé aux urgences obstétricales pendant son stage de quatre semaines en obstétrique et gynécologie. « Dans un établissement de soins tertiaires ou quaternaires comme le Centre universitaire de santé McGill, nous voyons les femmes enceintes à leur premier trimestre. Lorsqu’elles en sont à leur deuxième ou à leur troisième trimestre, leurs consultations ont lieu directement à l’unité des naissances; nous ne sommes donc pas toujours témoins des problèmes qu’elles vivent. Nous devons aussi être capables de diagnostiquer les affections qui surviennent en postpartum. » Qu’ils travaillent dans un grand centre hospitalier universitaire ou en milieu rural, les résidents en médecine d’urgence doivent agir rapidement et prendre les mesures nécessaires pour sauver la vie du bébé ou de la mère avant qu’un néonatalogiste ou un obstétricien prenne le relais.

Le Dr Al‑Habboubi a approché son directeur de programme pour discuter des moyens à prendre pour que les résidents en médecine d’urgence puissent parfaire leur formation en obstétrique et gynécologie, plus précisément pour accroître leurs compétences et leurs stratégies de prise en charge des urgences obstétricales. Il a ensuite pris l’initiative de coordonner une journée complète de formation multidisciplinaire au Centre de simulation et d’apprentissage interactif Steinberg. Cette formation menée dans un cadre réaliste, qui réunissait des membres du corps professoral et des apprenants dans les domaines de l’obstétrique et de la gynécologie, de la médecine d’urgence, de la néonatalogie et des soins infirmiers, a permis aux apprenants d’approfondir leurs compétences sur les plans technique et communicationnel par le truchement du travail d’équipe et d’exercices concrets.


« En obstétrique, il y a deux patients : la mère et l’enfant. Le résident doit prendre en charge les deux, tout en communiquant avec l’autre parent », explique le Dr Luis Monton, professeur adjoint au Département d’obstétrique et gynécologie de McGill. Depuis l’implantation de l’approche par compétences par le Collège royal, en 2017, le Dr Monton collabore avec les directeurs de programme, le corps professoral et les résidents pour bonifier la formation menée à l’aide de patients simulés. L’équipe d’obstétrique et gynécologie a ainsi mis au point des ateliers de simulation en partenariat avec d’autres spécialités – médecine d’urgence, médecine interne et anesthésie, notamment – pour favoriser l’apprentissage mutuel chez les résidents, car ce qui paraît évident aux yeux d’un résident ne le sera pas nécessairement pour un confrère ou une consœur d’une autre spécialité.

Des résidents en médecine d’urgence et en obstétrique et gynécologie ont corédigé cinq scénarios basés sur des interactions cliniques inspirées de la vie réelle. Ces scénarios portent sur la prise en charge de traumatismes chez des patientes enceintes, sur le diagnostic de la prééclampsie, sur la pratique d’une césarienne périmortem, sur l’application d’un protocole de transfusion massive au cours d’une hémorragie postpartum et sur les manœuvres de réanimation néonatale.

« Les résidents en médecine d’urgence doivent connaître les médicaments et la posologie à administrer en cas d’urgence obstétricale; ils doivent aussi savoir quels tests prescrire, pouvoir travailler en équipe et connaître le rôle de chacun », soutient la Dre Sabrina Piedimonte, résidente de cinquième année en obstétrique et gynécologie. « C’est bien que nous puissions nous exercer ici, au Centre de simulation, dans un milieu encadré. Dans la vraie vie, le mot d’ordre, c’est “action”! Il faut agir vite et composer avec le stress. »


Le bien-fondé d’une démarche multidisciplinaire

Le Dr Errol Stern, directeur du programme de simulation de médecine d’urgence à l’Hôpital général juif, souligne que l’organisation de cet atelier a nécessité plusieurs mois de travail et n’a que de bons mots pour cette démarche multidisciplinaire. « Au cours de la période de préparation et des réunions d’organisation, j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup d’apprentissage coopératif entre nous, autant dans le corps professoral que chez les résidents. Ces échanges ont été l’occasion de voir les choses sous l’angle de différentes disciplines et de tirer parti des avantages d’une démarche qui se déroule en équipe. »

Les infirmières qui travaillent au service des urgences d’un hôpital qui abrite aussi une unité des naissances ne font pas nécessairement face à des urgences obstétricales dans leur travail. C’est le cas de Sophie Veilleux, infirmière au service des urgences, qui dit avoir trouvé la formation très profitable : « C’était l’occasion tout indiquée de se familiariser avec ce type de situation à haut risque. J’en ai appris beaucoup sur la gestion des médicaments à administrer et sur les gestes à poser, et je veux transmettre ces connaissances à mon équipe. »

La Dre Michelle Ryan, néonatalogiste à l’Unité de soins intensifs néonatals à l’Hôpital de Montréal pour enfants et professeure adjointe de pédiatrie à McGill, a animé la simulation de réanimation néonatale avec Louise Gervais, infirmière praticienne en néonatalogie. « Pour bon nombre de nos collègues qui traitent des adultes, la perspective de prendre en charge un nouveau-né malade au service des urgences peut être effrayante et déstabilisante », explique la Dre Ryan. « Le néonatalogiste peut mettre plusieurs minutes à descendre du sixième étage jusqu’aux urgences, des minutes cruciales qui détermineront la quantité d’oxygène qui se rendra au cerveau du bébé. » Sa collègue Louise Gervais ajoute : « Nous sommes heureuses d’avoir eu l’occasion d’expliquer les premières étapes à suivre pour stabiliser l’état d’un poupon avant l’arrivée d’un membre du personnel de l’unité de soins intensifs néonatals. Les résidents ont tous montré beaucoup d’intérêt pour le sujet. Il était important de clarifier le processus avec eux pour qu’ils se sentent plus à l’aise de prendre en charge des urgences néonatales. »


Appliquer ses connaissances dans le monde réel

La Dre Nina Mara Di Nicola, résidente de troisième année en médecine d’urgence, a corédigé les scénarios sur la prééclampsie postpartum en se basant sur une récente consultation clinique. « Après avoir consacré plusieurs heures à préparer la station, ce qui m’a amenée à faire une revue de la littérature, à consulter des manuels et à avoir des discussions très fructueuses avec l’équipe d’obstétrique et gynécologie, j’ai vraiment compris les tenants et aboutissants de cette maladie. Ce mois-ci, en entrant dans la chambre d’une patiente, j’ai jeté un coup d’œil à la feuille de triage. On y lisait ceci : femme de 33 ans, neuvième jour du postpartum, céphalée. J’ai tout de suite mesuré sa pression artérielle et, voyant qu’elle était élevée, j’ai procédé à une anamnèse et à un examen physique très ciblés. Je lui ai administré avec assurance les traitements appropriés pour éviter l’aggravation de son état, ce qui pourrait se traduire par des convulsions ou une hémorragie cérébrale. Je ne réussissais pas à trouver le personnel qui aurait pu m’exposer le cas, donc j’ai appelé le résident en obstétrique et gynécologie et je lui ai dit que je traitais une patiente pour une prééclampsie postpartum sévère. Après m’avoir posé quelques questions de suivi, il m’a confirmé que mon diagnostic et mon traitement étaient tout à fait adéquats. J’ai trouvé formidable de pouvoir vivre mon scénario de simulation dans un contexte réel et de sauver une vraie patiente grâce aux apprentissages que j’en ai tirés. Le fait d’avoir participé à l’élaboration de ce scénario de simulation m’a donné l’assurance nécessaire pour prendre en charge une maladie rare et grave avec célérité et efficacité. »

 

Cet article s’inscrit dans la campagne Enseigner, une fierté, qui met en lumière l’excellence et l’innovation en enseignement à la Faculté de médecine


 

Le 6 février 2020