IMG_0801En 2005, lorsque la directrice du programme de recherche et d’études aux cycles supérieurs, la Pre Gillian Bartlett-Esquilant, est arrivée au Département de médecine de famille de l’Université McGill, la recherche sur les soins de première ligne en était encore à ses débuts au Canada. « À l’époque, on comptait probablement sur les doigts d’une seule main les chercheurs Ph. D. dans les 17 départements canadiens de médecine de famille, se souvient-elle. Et la Faculté de médecine de McGill est l’une des dernières à avoir créé un département de médecine de famille, en 1975. Nous avions donc un certain retard à rattraper par rapport au reste du Canada. »

La Pre Bartlett-Esquilant a obtenu son doctorat en épidémiologie et biostatistique à McGill et a fait un postdoctorat à l’Université de Montréal. Martin Dawes, alors directeur du Département, l’a embauchée précisément pour renforcer la capacité de recherche en médecine de famille à McGill. « Le Département est aujourd’hui un leader en recherche sur les soins de première ligne, souligne-t-elle. Depuis mon recrutement en 2005, nous avons créé des programmes d’études aux cycles supérieurs et un programme de clinicien érudit, qui est axé sur la recherche pour les résidents et agréé par le Collège des médecins de famille du Canada. Nous avons d’ailleurs été parmi les premiers départements canadiens à obtenir l’agrément. »

Selon elle, ces changements ont contribué au nouvel attrait que revêt la médecine de famille parmi les étudiants les plus brillants. « Depuis cinq ans, on constate un net recul de l’idée que la médecine familiale n’est pas un bon choix pour les meilleurs étudiants en médecine. Les étudiants voient qu’il existe des programmes de maîtrise et de Ph. D. et réalisent que c’est un endroit accueillant pour ceux qui s’orientent davantage vers la recherche. En ce moment, nous sommes le premier choix de presque tous les résidents qui sont jumelés à notre Département. »

Le Département de médecine de famille est composé de cliniciens-chercheurs, de résidents menant des activités d’érudition (travaux de recherche, de vérification de dossiers, d’amélioration de la pratique) ainsi que de chercheurs à temps plein, dont certains sont financés par des instituts. La Pre Bartlett-Esquilant admire beaucoup les médecins de famille qui œuvrent aussi en recherche. « Ce sont des personnes remarquables, déjà très, très occupées, mais qui relèvent le défi avec brio. » Elle ajoute que malgré les quelques bourses de carrière qui permettent aux médecins de famille de partager leur temps entre la clinique et la recherche, « la plupart mènent leurs recherches durant leurs temps libres, en plus de leur lourde charge de travail clinique ».

Parmi les travaux en cours au Département figurent un projet de recherche participative de longue durée avec la communauté mohawk, un autre sur la façon dont les médecins de famille se tiennent à jour et les technologies de l’information qui peuvent les aider, ainsi qu’un projet sur l’innovation dans les politiques publiques.

La Pre Bartlett-Esquilant est actuellement en année sabbatique en Suisse, où elle est chercheure invitée à l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive de l’Université de Lausanne. Elle y mène des recherches dans son propre domaine d’intérêt, l’application des principes de médecine de précision en soins de première ligne. « Pendant mon année sabbatique, j’étudie la mise en œuvre d’un programme de dépistage du cancer du sein auquel s’ajoute de l’information génétique, explique-t-elle. Je travaille avec divers professionnels de la santé pour savoir ce qui, selon eux, pourrait freiner un dépistage plus précis des femmes à risque, en remplacement de l’approche actuelle qui se limite à dire «Vous avez 50 ans, il faut commencer le dépistage» ». Elle comparera également l’efficacité, pour la détection des patientes à haut risque, de la prise d’antécédents familiaux complets – qui prend beaucoup de temps aux médecins de famille, déjà très occupés – et du dépistage génomique.

Pendant son absence de McGill, ses responsabilités de directrice de programme seront « allégées », mais elle n’est pas en congé pour autant. « Quand je dis que je pars en année sabbatique, les gens m’imaginent sur la plage, sous un parasol », s’amuse-t-elle, ajoutant toutefois qu’elle espère avoir le temps de skier – une passion familiale – pendant son séjour en Suisse. Elle est accompagnée de son mari Jochen Esquilant, qui a sa propre entreprise d’investissement international, et de leur fille de 17 ans, Lauren, qui vient de terminer son cours secondaire à Montréal et fera sa 12e année du programme ontarien à Neuchâtel.

Ayant appris le français dans les Maritimes – sa famille est originaire du Nouveau-Brunswick – la Pre Bartlett-Esquilant parle avec un accent acadien et craignait un peu de se faire difficilement comprendre en Suisse. « Je trouvais étrange que les Suisses ne passent pas à l’anglais quand je leur parlais français, parce que mon français n’est pas excellent. Puis, j’ai réalisé que c’est à cause de mon accent : ils n’ont aucune idée d’où je viens ni quelle est ma langue maternelle. »

Son mari et sa fille n’ont pas ce problème. Jochen Esquilant, un Canadien qui a vécu à l’étranger toute sa vie, parle couramment cinq langues, dont le français, et Lauren, qui a la double citoyenneté canadienne et autrichienne, maîtrise l’anglais, l’allemand et le français. « Dans ma famille, je suis la moins accomplie sur le plan linguistique, dit la Pre Bartlett-Esquilant, mais j’ai le plus de diplômes! »

Le 20 janvier 2017