La mission de Brittany Wenniserí:iostha Jock pour la promotion de l’équité en santé autochtone. 

 

Fière membre du clan de l’Ours du territoire Kanien’kehá:ka (mohawk) d’Akwesasne, Brittany Wenniserí:iostha Jock, Ph. D., consacre sa carrière à la promotion de l’équité en santé autochtone. Professeure adjointe au Département de médecine de famille de l’Université McGill, la Pre Jock repense les programmes de santé pour qu’ils répondent aux besoins des peuples autochtones, en alliant rigueur universitaire et approches communautaires. 

De la chimie à la santé publique 

La Pre Jock a d’abord obtenu un diplôme de chimie de l’Université de Syracuse. C’est un stage d’été à Santé Canada qui l’a amenée à changer de domaine. « Je me suis rendu compte que j’aimais beaucoup le volet santé publique, que j’aimais me pencher sur les politiques et la science derrière les politiques. Alors, j’ai bifurqué vers l’épidémiologie », se souvient-elle. 

Elle trouvait l’épidémiologie fascinante, mais elle s’est heurtée aux limites de cette discipline médicale dans le contexte autochtone. « Si j’étais revenue dans ma communauté en disant « Voici les facteurs de risque du diabète », je n’aurais rien appris à qui que ce soit. La grande question est : quoi faire pour les réduire? », explique-t-elle. Cette prise de conscience l’a amenée à poursuivre des études supérieures en épidémiologie et en interventions sociales et comportementales à l’Université Johns-Hopkins, où elle a mis au point des outils pour conjuguer recherche et action communautaire. 

Active à l’Université McGill et auprès du KSDPP 

Grâce au poste qu’elle occupe à l’Université McGill, la Pre Jock peut s’investir plus à fond dans la recherche participative, en particulier dans le cadre du Kahnawà:ke Schools Diabetes Prevention Program (KSDPP). Depuis 30 ans, cette initiative novatrice en place à Kahnawake, communauté jumelle d’Akwesasne, est à l’origine de stratégies de prévention du diabète dirigées par la communauté. Le programme a été créé en 1994 grâce à la collaboration de membres de la communauté de Kahnawake, de professionnels de la santé, d’éducateurs et d’universitaires, comme Alex McComber. Ce professeur adjoint de médecine familiale au Département de médecine de famille de l’Université McGill est membre de la communauté de Kahnawake et cofondateur du KSDPP. Depuis la création du programme, un partenariat de recherche solide est établi avec le Département. 

« Je suis ravie de travailler avec mes collègues autochtones du Département, dit la Pre Jock. La médecine familiale est très collaborative par nature. Ce qui m’a attirée à l’Université McGill, c’est en partie le fait que les travaux effectués dans le cadre du programme KSDPP figurent parmi les meilleurs exemples de recherche participative. » L’un de ses projets de recherche financés par le Conseil de recherches en sciences humaines vise à favoriser l’intégration des connaissances et des pratiques autochtones, notamment le savoir kanien’kehà:ka (mohawk), dans la recherche en santé. 

Au sein du KSDPP, la Pre Jock réalise notamment une étude de suivi intitulée « Mobilizing resilience through community-to-community (C2C) exchange: Seven Generations thinking for wellness and diabetes prevention », financée par une subvention d’équipe des Instituts de recherche en santé du Canada. Cette étude s’intéresse à la transmission des constats faits à Kahnawake à d’autres communautés des Premières Nations, le but étant d’étendre l’accès à des stratégies de prévention primaire efficaces.  

 

La recherche redéfinie au moyen des savoirs autochtones 

L’intégration des connaissances autochtones dans la recherche sur la santé est au cœur des travaux de la Pre Jock. Comme les systèmes occidentaux ne parviennent souvent pas à prendre en compte la dynamique propre aux communautés autochtones, la Pre Jock cherche à concevoir avec d’autres des approches enracinées dans les savoirs autochtones.  

« Des échelles ont été testées au fil du temps et dans différents contextes, mais elles n’ont pas toujours de sens pour les communautés autochtones. Et, pour beaucoup de choses importantes, il n’existe tout simplement pas d’éléments de mesure. » 

Pour combler ces lacunes, la Pre Jock emploie des méthodes de recherche combinant les approches qualitative et quantitative. Dans ces méthodes, on privilégie les modes d’apprentissage autochtones, les contes, les récits des communautés et les informations qualitatives, tout en intégrant des données numériques. La Pre Jock estime que cette démarche équilibrée est essentielle si l’on veut tenir compte de la nature holistique de la santé dans les communautés autochtones, où les dimensions physique, mentale, émotionnelle et spirituelle sont intimement liées.  

« La santé est intrinsèquement sociale. Elle est relationnelle. Nous ne pouvons pas toujours la traduire en chiffres. Nous devons comprendre le vécu des gens, explique la Pre Jock. C’est pourquoi j’aime beaucoup utiliser des méthodes qualitatives (textuelles) en complément des méthodes quantitatives (numériques). Les inconvénients des unes sont les avantages des autres. » 

La recherche participative demeure au cœur de la méthodologie de la Pre Jock. En faisant participer les communautés à la prise de décisions du début à la fin du processus, elle contribue à briser le schéma classique où les chercheurs prennent des décisions concernant les communautés sans les consulter. Son approche permet non seulement d’améliorer la pertinence des résultats de recherche, mais aussi d’instaurer un lien de confiance. Les résultats ont également plus de sens pour les personnes visées et leur sont plus profitables.  

« Je me suis donné pour mission d’intégrer une approche participative à tous mes projets. La communauté doit être présente et prendre des décisions sur la recherche; les personnes de l’extérieur (nous, comme chercheurs) ne doivent plus décider seules pour la communauté. Ce schéma doit changer et il est en train de changer. » 

Pour des changements majeurs en santé autochtone 

La Pre Jock est membre d’autres organisations qui partagent sa conception des choses. À l’échelle internationale, elle codirige un groupe d’intérêt spécial, appelé « Indigenizing Wellbeing Research Circle », au sein de l’International Society for Behavioural Nutrition and Physical Activity. Ce projet s’inscrit dans un mouvement plus vaste visant à autochtoniser la recherche et à veiller à ce que les perspectives autochtones soient prises en compte dans le discours scientifique sur la santé et le bien-être. « Nous nous réunissons pour trouver des façons d’inclure le savoir autochtone dans la recherche », indique-t-elle.  

Par ses travaux à l’Université McGill, la Pre Jock espère faire en sorte que l’équité, le respect et la collaboration soient placées au cœur des méthodes de recherche et que les solutions communautaires soient privilégiées, ce qui ouvrirait la voie à des changements majeurs en santé autochtone.