Notre corps professoral est l’âme de l’École des sciences infirmières Ingram (ÉSII). En ce mois de septembre, mois international de la sensibilisation à la douleur, Céline Gélinas, inf., Ph. D., parle de sa passion d’améliorer les soins aux patients. Son expérience en unité de soins intensifs (USI) l’a inspirée à développer la recherche en matière de soins intensifs et de douleur.

 

Par Christina Kozakiewicz, École des sciences infirmières Ingram

Céline Gélinas a mis au point et validé des outils d’évaluation de la douleur (par ex. la grille comportementale d’observation de la douleur en soins intensifs [CPOT pour Critical-Care Pain Observation Tool], le thermomètre d’intensité de la douleur par les faciès de douleur) qui sont utilisés à des fins cliniques ou de recherche, en Amérique du Nord, ou traduits en d’autres langues. Son programme de recherche vise à évaluer les incidences de l’application du CPOT dans la pratique infirmière et sur les résultats cliniques obtenus, à évaluer des outils de mesure physiologique novateurs (par ex. la spectroscopie dans le proche infrarouge, l’index bispectral) pour déceler la douleur, et à élaborer des protocoles d’intervention infirmière pour prendre en charge la douleur à l’USI.

Septembre a été désigné Mois de la sensibilisation à la douleur. Dans Pain Awareness Month, on souligne que tout est mis en œuvre pour faire mieux connaître le sujet de la douleur et sa prise en charge.

Pourquoi avez-vous choisi de devenir infirmière?

Il m’a toujours semblé évident que je ferais carrière dans le domaine de la santé. Je voulais être infirmière pour être près des gens et les aider. L’avantage de la profession, c’est le nombre de rôles et de spécialités possibles. Au terme de mon baccalauréat en sciences infirmières, j’ai vite su que je voulais exercer en USI pour adultes, car je me sentais à l’aise de composer avec un niveau de stress élevé et de prodiguer des soins très aigus à des patients gravement malades. Je trouvais gratifiant de bien connaître les patients et leur famille, ainsi que d’établir une relation thérapeutique avec eux.

Qu’est-ce qui vous a menée à l’évaluation et à la mesure de la douleur, et à sa prise en charge (parmi vos autres) intérêts? Pour quelles raisons?

Ma pratique comme infirmière soignante à l’USI m’a inspirée à poursuivre des études aux cycles supérieurs en sciences infirmières, afin d’acquérir des connaissances avancées et des compétences en recherche. À l’USI, nombre de patients ne peuvent évaluer eux-mêmes leur douleur, en raison d’une altération du degré de conscience et du recours aux sédatifs, ou d’en faire état de façon fiable vu un délire. La prise en charge de la douleur devient donc très difficile, le personnel infirmier étant souvent privé de l’auto-évaluation d’un patient, qui reste la mesure de référence préférable de la douleur. Lorsque je travaillais comme infirmière à l’USI à la fin des années 1990, nous ne disposions d’aucun outil pour évaluer la douleur chez un patient ne pouvant s’exprimer verbalement et je me sentais démunie. À de nombreuses occasions, j’ai dû plaider pour un tel patient que je croyais en douleur, mais qui n’avait pas reçu de traitement adéquat pour soulager la douleur. J’étais d’avis qu’il fallait faire quelque chose.

De 2000 à 2004, j’ai mené à bien mon doctorat en sciences infirmières à l’Université Laval, durant lequel j’ai mis au point le CPOT,  une grille comportementale d’observation de la douleur chez des adultes gravement malades et incapables de fournir une auto-évaluation. Le CPOT a d’abord été créé en français, puis traduit en anglais en vue d’une validation plus poussée durant mon fellowship postdoctoral à l’ÉSII de McGill en 2005-2006. Depuis, il a été traduit en 16 langues et est utilisé dans plusieurs pays pour l’évaluation de la douleur à l’USI chez des patients incapables d’auto-évaluation. Le CPOT est aussi recommandé dans plusieurs lignes directrices et énoncés de position, et mon équipe et moi travaillons à un projet visant l’application des meilleures lignes directrices pour la prise en charge de douleur dans la pratique à l’USI. Nous sommes en train d’élaborer des modules en ligne en français et en anglais, qui seront accessibles sur la plateforme ENA (Environnement numérique d’apprentissage) du MSSS au cours de l’année à venir. D’autres mesures de la douleur devront être explorées, étant donné que les comportements sont observables seulement chez des patients pouvant réagir à la stimulation.

Qu’est-ce qui vous a motivée à faire partie du corps professoral de l’ÉSII?

Ce qui m’a attiré à l’Université McGill et à l’ÉSII, c’est leur excellence en éducation et en recherche. Je désirais aussi travailler dans un milieu bilingue et établir de nouvelles collaborations.

Je suis très reconnaissante à la Fondation Newton (instituée par M. Richard Ingram) et à la Pre Susan E. French, directrice de l’école lors de mon recrutement. On m’a offert des conditions et un soutien optimums pour terminer mon fellowship postdoctoral et amorcer ma carrière en recherche en sciences infirmières. Le soutien continu qui existe à l’ÉSII est crucial pour assurer le succès de la recherche dans le domaine.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre travail?

Ma profession me permet de créer et d’innover en sciences infirmières et en soins de santé, en collaboration avec des gens inspirants – cliniciens, éducateurs, gestionnaires, chercheurs ou partenaires patients! Je dois cela à mon affiliation avec le Centre de recherche en sciences infirmières et l’Institut Lady Davis de l’Hôpital général juif. J’y collabore étroitement avec des équipes cliniques et j’y ai accès au soutien de diverses ressources (adjointe administrative, bibliothécaire de recherche, analyste de données) et à des locaux dédiés pour moi-même, mon personnel de recherche et mes étudiants. J’aime aussi superviser des étudiants des cycles supérieurs et des chercheurs boursiers qui sont passionnés par les sciences infirmières et l’amélioration des soins. Je me sens privilégiée de pouvoir jouer un rôle de supervision et de mentorat auprès de futurs leaders du domaine, de qui j’apprends aussi beaucoup!

Quelles facettes aimeriez-vous faire connaître de la profession infirmière de façon générale? 

  • Chaque patient a besoin d’une infirmière!
  • La profession infirmière, c’est prendre soin au mieux des intérêts des patients.
  • La profession infirmière repose sur une solide base scientifique et des qualités humaines.
  • Une infirmière peut faire une différence dans la santé de ses patients.
  • Et plus particulièrement par rapport à mon domaine d’expertise : la prise en charge de la douleur est un droit humain et tout patient devrait recevoir un traitement adéquat à cet égard.

Un commentaire à ajouter?

Mener une carrière universitaire en sciences infirmières, ainsi qu’un programme de recherche est très stimulant et exigeant (en temps, en énergie et en productivité) et peut se révéler accaparant par moments, étant donné la forte concurrence pour obtenir du financement et le taux de succès très faible. Afin de me ressourcer, de rester motivée et de conserver ma bonne santé physique et mentale, je fais de l’équitation, une passion que je partage avec ma fille aînée! Grâce à ce sport d’équipe, je peux établir une relation avec un cheval et me concentrer entièrement sur l’instant présent. Cet animal est très sensible et arrive aisément à ressentir le stress de l’être humain. Le cheval compte sur le cavalier pour le guider durant l’entraînement et rester centré sur les objectifs importants. Comme ma passion est sans rapport avec mon travail, j’arrive à concilier vie professionnelle et personnelle et à rester en santé.

Le 20 september 2019