L’imagerie par résonance magnétique au Neuro : une longue tradition de recherche et de percées cliniques


Source : Victor Swoboda, Le Neuro

L’invention de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) au XXesiècle a permis aux neuroscientifiques de sonder les profondeurs du cerveau pour mieux comprendre son fonctionnement. Les scientifiques de l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal (Le Neuro) ont vite compris que l’IRM leur ouvrait un nouveau monde de possibilités pour la recherche en neurosciences.

L’appareil d’IRM à 7 teslas pour corps entier fabriqué par Siemens et installé au Neuro en février 2019 – le premier du genre au Canada – constitue le plus récent ajout à l’arsenal d’imagerie médicale de l’Institut. En 1985, le Neuro a également fait œuvre de pionnier en se portant acquéreur du tout premier appareil d’IRM au pays.

Un an plus tôt, le Dr William Feindel, alors directeur du Neuro, avait inauguré le Centre d’imagerie cérébrale McConnell, qui allait héberger le nouvel appareil d’imagerie. Dirigé par le Dr Julien Doyon, le Centre compte aujourd’hui parmi les plus importantes installations du genre dans le monde.


 

Dans les années 1980, l’IRM n’en était qu’à ses balbutiements. Si on le compare aux normes actuelles, le premier appareil d’imagerie du Neuro était peu puissant. Fabriqué par Philips, il était doté d’une puissance de 0,5 tesla. Le tesla est l’unité de mesure de l’intensité du champ magnétique produit par l’aimant de l’appareil. De nos jours, la plupart des appareils sur le marché possèdent une puissance de 1,5 ou de 3 teslas, et certains systèmes d’imagerie à ultra-haut champ possèdent une puissance de 7 teslas.

À l’époque, les radiologistes avaient recours au premier appareil d’IRM du Neuro à des fins de diagnostic clinique. Le Dr Feindel avait toutefois décrété que l’appareil devait être mis au service de la recherche pendant un certain nombre d’heures.

« Il était possible de faire de la recherche à l’aide de cet appareil à 0,5 tesla. Philips avait une longueur d’avance dans ce domaine », se souvient le DrDouglas Arnold qui, en compagnie de ses collègues Eric Shoubridge et du regretté Dr George Karpati, a utilisé l’appareil afin de réaliser des projets de recherche d’avant-garde dans le domaine des maladies neuromusculaires. « C’était une époque formidable pour la recherche en spectroscopie musculaire. »


Les images obtenues au moyen de la spectroscopie par résonance magnétique ont permis de mieux comprendre les troubles métaboliques.

« Nous recevions des patients atteints de maladies neuromusculaires rares venus de toutes les régions du Canada et du monde », affirme le Dr Arnold.

En 1994, le Centre d’imagerie cérébrale McConnell, alors dirigé par Alan Evans, Ph. D., a procédé à l’installation d’un appareil VISION à 1,5 tesla de Siemens, doté de récepteurs radio à deux canaux.

« Ce qui caractérise l’évolution des appareils d’imagerie par résonance magnétique, outre la force du champ magnétique, est l’ajout de canaux de réception qui captent les infimes signaux radio émis par les tissus pendant l’examen par IRM », explique Richard Hoge, directeur de l’Unité d’IRM du Centre d’imagerie cérébrale McConnell. « Un système à deux canaux présente une sensibilité potentielle dans certaines acquisitions deux fois plus grande qu’un système à un seul canal. »

L’appareil à 1,5 tesla a été utilisé dans le cadre de projets de recherche souvent susceptibles de déboucher sur des applications cliniques.

« Nous avons été parmi les premiers au Canada à utiliser cet appareil afin de réaliser des examens par IRM fonctionnelle au moyen d’une technique appelée « imagerie à écho-planar », qui permet d’obtenir des images très rapidement pendant l’exécution de tâches cognitives », souligne le PHoge. « Cet appareil d’imagerie a permis de resserrer les liens entre le Centre d’imagerie cérébrale et l’Unité de recherche clinique du Neuro. Nous l’avons utilisé pendant de nombreuses années, notamment pour la réalisation de plusieurs essais cliniques, et ce, même après l’installation d’un appareil plus puissant. »

Le recours à l’IRM s’est traduit par la publication d’articles scientifiques dont certains ont eu une très large portée, notamment après la réalisation d’une étude sur la sclérose en plaques ayant fait autorité, réalisée par les Drs Jack Antel et Douglas Arnold.

« L’IRM nous a permis d’en apprendre beaucoup sur le rôle des lésions axonales dans la sclérose en plaques, et ces dernières sont plus tard devenues un important axe de recherche », souligne le Dr Arnold. « L’imagerie est devenue un élément important de la mise au point de médicaments contre la sclérose en plaques. »

Le Centre d’imagerie cérébrale a participé à un essai multicentrique où les sujets étaient soumis à des examens par IMR. Cet essai a mené, en 1993, à la mise au point de l’interféron bêta-1b (Betaseron®), le premier médicament homologué au Canada et aux États-Unis pour le traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente.

« Au fil des ans, notre équipe d’adjoints à la recherche et de technologues en IRM a largement contribué au succès de l’Unité de recherche clinique du Neuro », souligne le PHoge.

En 2005, Bruce Pike, alors directeur du Centre d’imagerie cérébrale, a remplacé la plateforme VISION à deux canaux de Siemens par une plateforme SONATA à huit canaux. Le noyau magnétique de l’appareil a été conservé, mais toutes les composantes électroniques ont été changées.

« Nous avons alors fait un pas de géant », se souvient le Pr Hoge. « Nous avons pu nouer de nouveaux liens avec l’industrie pharmaceutique. Le fait que nous disposions d’un système à plusieurs canaux à la fine pointe de la technologie nous a permis de travailler en collaboration avec des entreprises privées et d’exercer une influence directe sur le bien-être des patients. »

En 2006, le Centre d’imagerie cérébrale a fait l’acquisition d’un deuxième appareil d’IRM Siemens, plus puissant que le premier. Il s’agissait d’un appareil à 3 teslas sur une plateforme TRIO à huit canaux. En 2009, la plateforme TRIO a fait l’objet d’une mise à niveau vers la plateforme TIM à 32 canaux. Cette mise à niveau a été réalisée grâce à une subvention de la Fondation canadienne pour l’innovation octroyée à Robert Zatorre, chercheur bien connu pour ses travaux sur la perception de la musique par le cerveau. En 2017, alors que le Centre d’imagerie cérébrale était dirigé par Sylvain Baillet, l’appareil à 3 teslas a fait l’objet d’une mise à niveau vers une plateforme PRISMA à 64 canaux.

Le nouvel appareil d’IRM à 7 teslas sera réservé strictement à la recherche, mais les résultats de nombreuses études mèneront à la mise au point de médicaments pour usage clinique. La puissance de cet appareil doté d’une plateforme TERRA à 64 canaux permet d’obtenir des données sur certaines propriétés du système nerveux encore inconnues ou peu étudiées.

Pour le Dr Arnold, c’est un peu comme si les astronomes disposaient d’un nouveau télescope pour explorer le cosmos.

 

Le 20 février 2019