Par Fabienne Landry, Affaires publiques CUSM
La vie d’Angela Burlton a changé radicalement depuis qu’on lui a diagnostiqué un cancer des cordes vocales en 2012, mais elle n’a jamais laissé ce diagnostic changer la façon dont elle souhaitait mener sa vie.
«Il était important, dit-elle, de ne pas laisser la maladie me submerger, de développer une attitude résiliente, et de me rappeler qu’il y avait encore des choses que j’allais pouvoir apprécier, des sources de réconfort », dit Angela.
On pourrait même dire qu’aujourd’hui, après avoir subi une laryngectomie (ablation du larynx incluant les cordes vocales et la pomme d’Adam) et quatre autres chirurgies au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), elle envisage la vie avec le même engagement qui a contribué à son succès dans sa vie professionnelle. «Je ne veux pas minimiser l’impact dévastateur d’un tel diagnostic, mais je pense qu’il faut essayer de créer des expériences positives et ne pas penser seulement à la maladie », dit cette femme curieuse, souriante et déterminée.
« Avant, je consacrais beaucoup de temps au travail » dit celle qui fut femme d’affaires, professeure d’entrepreneuriat à l’Université McGill et consultante et qui s’est impliquée au sein de plusieurs organisations sans but lucratif. Toutefois, depuis sa dernière chirurgie, en août 2014, elle investit son énergie dans son rétablissement et sa réadaptation, afin de retrouver l’usage de la parole.
« Une laryngectomie consiste à retirer le larynx et à créer une stomie (un trou dans la gorge) pour permettre la respiration, parce que la bouche et le nez ne sont plus reliés aux poumons », explique Jesse Burns, orthophoniste au CUSM. « De plus, comme ils n’ont plus de cordes vocales, les patients n’ont plus de voix et doivent apprendre à communiquer différemment. »
Pour retrouver l’usage de la parole, trois options sont possibles :
- Le larynx artificiel
Le larynx artificiel est un petit appareil qui produit des vibrations qui sont introduites dans la bouche grâce à une petite paille. La personne peut alors moduler les vibrations avec sa bouche, ses lèvres, sa langue et ses dents et les transformer en sons et en paroles. Cet appareil peut généralement être utilisé assez rapidement après la chirurgie, bien que certaines personnes prennent un certain temps pour s’y habituer. - La technique de la voix œsophagienne
Avec du temps et de l’entraînement, il est possible de réapprendre à parler sans prothèse ni appareil, en avalant de l’air, que l’on fait ensuite remonter dans la bouche pour produire des sons. Certaines personnes y parviennent mieux ou plus rapidement que d’autres, d’autres encore n’y arrivent pas, à cause de leur anatomie personnelle, des interventions chirurgicales ou de la radiothérapie qu’elles ont subies. De plus, la voix produite n’est pas toujours assez forte pour être aisément audible. - La prothèse tracheo-oesophagienne
Il s’agit d’une petite valve qui fait le lien entre la trachée (qui dirige l’air vers les poumons) et l’œsophage (qui permet à la nourriture d’atteindre l’estomac). Elle permet donc d’envoyer de l’air des poumons vers l’œsophage, et donc vers la bouche, et de produire des sons et des paroles plus naturellement qu’avec les deux autres méthodes.
« Au CUSM, nous privilégions l’installation de la prothèse tracheo-oesophagienne, explique Jesse. Cependant, à cause des complications et des chirurgies qu’Angela a subies entre 2012 et 2014, il n’a pas été possible de lui en installer une avant tout récemment.»
Angela, qui a été suivie depuis le début par la Dre Karen Kost, otorhinolaryngologiste – chirurgienne cervico-facial au CUSM, a donc appris à parler avec un larynx artificiel, et avec une voix œsophagienne.
Tout cela n’a pas été facile, bien entendu. En plus de se familiariser avec ces nouvelles façons de parler, Angela a dû surmonter le traumatisme de perdre la voix, de subir des chirurgies répétées et d’être remarquée lorsqu’elle parle en public.
« Le larynx artificiel sonne comme un robot, mais il m’a permis de communiquer », dit Angela.
« Il est facile s’isoler quand les épreuves sont si difficiles et quand communiquer demande un tel effort, une rééducation. Et le danger est bien réel, car l’isolement mène facilement à la dépression… C’est pourquoi il faut résister et foncer. »
L’établissement d’un nouveau réseau social est un élément essentiel du rétablissement d’Angela. Elle a également dû faire un deuil de l’enseignement. Mais aujourd’hui, elle dit observer, écouter et apprendre beaucoup. Elle a par exemple récemment appris à stimuler son sens de l’odorat, qu’elle croyait avoir perdu.
« C’est une période de découverte, dit-elle, et en ce sens, c’est stimulant. J’ai plus l’occasion d’explorer de nouvelles activités que lorsque je travaillais de longues heures. Il faut accepter de laisser aller certaines choses pour en découvrir de nouvelles ».
« Heureusement, je suis bien entourée, ajoute-t-elle. J’ai un conjoint, une famille, des amis et une extraordinaire équipe clinique me soutiennent beaucoup. Mais je dois dire que lorsque j’ai un problème, j’appelle Jesse, car il est empathique, bien informé et plus disponible que les médecins, dit-elle avec une pointe d’humour. J’ai aussi la chance de ne pas avoir d’autres soucis, ce qui fait une grande différence lorsqu’on doit consacrer ses énergies à améliorer sa santé. »
Récemment, Angela a enfin pu obtenir une prothèse, qui lui donne une voix plus naturelle que le larynx artificiel, et plus forte que la voix œsophagienne. « Pour moi, retrouver une bonne qualité de communication orale était absolument primordial. Cela représente un énorme pas en avant. Maintenant, j’ai le sentiment d’avoir retrouvé ma voix, même si ce n’est pas exactement la même qu’avant, dit-elle. Jesse m’a bien aidé à y arriver, et je lui en suis très reconnaissante. »
Angela se concentre maintenant sur son bien-être physique. Elle rend parfois visite à des patients du CUSM qui sont confrontés aux mêmes angoisses quant à leur maladie et au même défi de réapprendre à parler.
« Quand je rencontre les patients qui se préparent à leur chirurgie, je peux partager mes expériences avec eux et leur montrer comment les choses ont bien tourné pour moi, en dépit des difficultés initiales. J’ai eu de la chance. Il n’y a pas de vie sans défis, et il n’y a aucune garantie, mais adopter une attitude positive m’a certainement aidée à apprendre à faire face à cette adversité et à trouver d’autres activités satisfaisantes. Pas si mal, je trouve! »
Le 4 octobre 2016