Une nouvelle étude menée par des chercheurs canadiens pourrait ouvrir la voie à des traitements plus efficaces d’une forme agressive et mortelle de tumeur cérébrale. Cette tumeur, connue sur le nom tumeur embryonnaire avec rosettes pluristratifiées (ETMR), apparait uniquement chez les enfants de moins de quatre ans, et est presque toujours mortelle malgré un traitement agressif. L’étude propose un nouveau modèle de développement de cette tumeur embryonnaire et suggère de nouvelles pistes pour développer de nouveaux traitements. Ces résultats qui ont été publiés récemment dans la revue Nature Genetics, jettent un nouvel éclairage sur le processus complexe en jeu aux premiers stades de développement du cerveau. Cette étude qui est subventionnée par la Société de recherche sur le cancer, a été menée par l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), le Centre d’innovation Génome Québec et Université McGill, ainsi que l’Hôpital pour enfants malades de Toronto (SickKids).
« Notre but était de connaître ce qui était à l’origine de la croissance de ces tumeurs et de voir comment il était possible de les traiter le plus efficacement possible », explique la cochercheuse principale, Dre Nada Jabado, hémato-oncologue à L’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM et professeure agrégée au Département de pédiatrie de l’Université McGill. « Il s’agit d’une maladie extrêmement agressive dont le pronostic est peu favorable; il est urgent de trouver des traitements plus efficaces pour ces enfants, et cette étude, parce qu’elle nous permet de mieux comprendre comment se développe la tumeur, nous permet de nous rapprocher de notre cible. »
« Notre récente collaboration avec les laboratoires des Drs Jabado et Jacek Majewski, et avec d’autres collègues, a permis de poursuivre les travaux sur notre découverte initiale et nous rapproche de la mise au point de traitements innovateurs de cette tumeur cérébrale infantile importante mais encore trop peu reconnue », souligne la cochercheuse principale, Dre Annie Huang, spécialiste des tumeurs cérébrales à SickKids, et scientifique principale en biologie cellulaire à l’Institut de recherche de SickKids, ainsi que professeure agrégée de pédiatrie à l’Université de Toronto. En 2009, son équipe avait été à l’origine de la découverte initiale de plusieurs formes mortelles de tumeurs cérébrales chez les jeunes enfants, notamment ETMR, caractérisé par un marqueur génétique unifiant. »
Dans le cadre de l’étude, l’équipe de recherche a produit des profils « génomiques » de la tumeur et a regroupé et analysé des données provenant de cinq vastes banques de données publiques. Cette analyse semble montrer que, chez les patients présentant une tumeur embryonnaire avec rosettes pluristratifiées, le parcours développemental, c’est-à-dire le processus qui préside aux premiers stades de la formation d’un organe chez l’embryon est d’une façon ou d’une autre « détourné ». Dès lors, les patients produisent, à un stade beaucoup plus avancé du développement et en quantité beaucoup plus grande que la normale, une forme particulière d’enzyme connue sous le nom DNMT3B.
« Les approches en génomique nous permettent, comme jamais auparavant, de mieux comprendre le cancer », explique le cochercheur principal, Dr Jacek Majewski, professeur agrégé au Département de génétique humaine de l’Université McGill et chercheur au Centre d’innovation Génome Québec et Université McGill. « Auparavant, les chercheurs devaient analyser chaque gène et chaque protéine et tenter de découvrir les anomalies qui affectaient la tumeur. Aujourd’hui, nous pouvons rapidement dégager une représentation globale du génome et, par analyse computationnelle, déterminer quels sont les gènes déficients et cela, avec une connaissance préalable minimale de la biologie de la maladie. Dans le cas de ETMR, nous avons pu, en quelques mois à peine, trouver une cible de traitement qui semble fort prometteuse, l’enzyme DNMT3B. »
Les anomalies dans la production de l’enzyme DNMT3B avaient déjà été associées à divers problèmes cognitifs. Certaines formes de cette enzyme sont présentes dans certains types de leucémie et de cancer du sein et sont associées à un pronostic peu favorable. L’équipe de recherche a constaté que, chez les patients ayant une ETMR, l’enzyme était présente en très grande quantité, et cela, à un stade du développement où elle devrait être totalement absente. D’un point de vue clinique, les résultats de cette étude semblent indiquer que l’enzyme DNMT3B pourrait être une cible appropriée d’éventuelles thérapies destinées à combattre la tumeur embryonnaire avec rosettes pluristratifiées.
« Nous voulons maintenant vérifier s’il est possible de contrôler la production de cette enzyme dans cette tumeur et, ce faisant, d’en arrêter la croissance », dit Dre Jabado, qui est également chercheuse en génétique médicale et génomique à l’IR-CUSM.
« Voilà qui démontre bien comment la recherche peut donner des résultats remarquables et mener à des percées significatives, et nous sommes fiers d’avoir contribué à cette étude qui, nous l’espérons, contribuera à sauver la vie d’enfants. Nous souhaitons également que d’autres études du même genre nous permettront de poursuivre le travail », mentionne Andy Chabot, président et chef de la direction de la Société de recherche sur le cancer.
Les découvertes issues de cette étude vont venir enrichir le registre mondial sur les tumeurs ainsi que la banque de tumeur embryonnaire avec rosettes pluristratifiées (ETMR) qui a été établie par la Dre Huang, qui a actuellement en banque environ 100 cas de ce type rare de tumeurs. Bien que d’autres recherches soient nécessaires, la perspective de mettre au point un traitement efficace est de plus en plus réelle à mesure que les scientifiques en apprennent plus sur ETMR. Ces résultats montrent bien l’importance d’étudier les tumeurs cérébrales rares chez les enfants afin de nous donner une connaissance inestimable des mécanismes moléculaires en jeu et encore insoupçonnés des mécanismes moléculaires durant le développement du cerveau.
Ces travaux de recherche ont été principalement subventionnés par la Société de recherche sur le cancer.
Annie Huang (Arthur and Sonia Labatt Brain Tumour Research Centre, Cell Biology Program, Institut de recherche de l’hopital SickKids, Garron Family Cancer Center et département de pédiatrie, université de Toronto, Toronto) ; Nada Jabado (Département de génétique humaine, Université McGill et Département de pédiatrie, hémato-oncologie pédiatrique, Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM, et Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, Montréal) ; Jacek Majewski (Centre d’innovation Génome Québec et Université McGill, Montréal, et Département de génétique humaine, Université McGill) sont les cochercheurs principaux et les coauteurs principaux.
11 décembre 2013