L’importance d’une étude pour le rôle inconscient des expériences en bas âge sur le développement adulte
La langue maternelle d’un nourrisson crée des schèmes neuronaux que l’inconscient garde en mémoire, même si l’enfant cesse complètement d’utiliser la langue (comme cela peut se produire dans le cas d’adoption internationale). Voilà les conclusions d’une étude conjointe menée par des chercheurs de l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal – le Neuro – et le Département de psychologie de l’Université McGill, étude qui offre les premières preuves neuronales que des traces de la langue « perdue » demeurent dans le cerveau.
« Le cerveau du nourrisson forme des représentations des sons d’une langue et nous voulions observer si le cerveau conserve ces représentations, même si la personne n’est plus exposée à la langue », précise Lara Pierce, doctorante à l’Université McGill et auteure principale de l’article. Ses travaux sont supervisés conjointement par Denise Klein, Ph. D., du Neuro et Fred Genesee, Ph. D., du Département de psychologie. L’article, Mapping the unconscious maintenance of a lost first language, paraît dans le numéro du 17 novembre de la revue scientifique PNAS.
Le Neuro a effectué et analysé les examens par IRM fonctionnelle de 48 filles âgées de 9 à 17 ans, recrutées dans la région de Montréal par le truchement du Département de psychologie. Un groupe comptait des filles nées et élevées dans une famille francophone unilingue. Le deuxième groupe comptait des filles qui parlaient le chinois avant leur adoption en bas âge, étaient devenues plus tard francophones unilingues et n’avaient aucun souvenir conscient du chinois. Le troisième groupe comptait des filles bilingues en chinois et en français.
Les examens ont été effectués alors que les trois groupes écoutaient les mêmes sons de la langue chinoise.
« Nous avons été étonnés de constater que le profil de l’activation cérébrale chez les Chinoises adoptées qui avaient “perdu” ou délaissé complètement la langue concordait avec celui des sujets qui avaient continué de parler le chinois depuis la naissance. Les représentations neuronales à la source de ce profil ne pouvaient avoir été acquises que durant les premiers mois de la vie », de dire Mme Pierce. « Ce profil était complètement différent chez les sujets unilingues francophones du premier groupe. »
L’étude avance que l’information acquise tôt demeure dans le cerveau et qu’elle influe inconsciemment sur le traitement de l’information par le cerveau pendant des années, voire pour la vie. Elle indique que l’information acquise durant des périodes optimales du développement pourrait avoir un statut spécial, et contredit les arguments non seulement dans le domaine de l’acquisition de la langue, mais dans tous les domaines, voulant que les représentations neuronales soient éliminées du cerveau ou irrécupérables par celui-ci au fil des ans. Les incidences de l’étude sont très importantes et soulèvent des questions concernant le réapprentissage d’une langue ou d’une compétence acquise tôt, mais oubliée, ainsi que l’influence inconsciente des premières expériences sur le développement ultérieur.
L’étude a été financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, le Fonds de recherche sur la société et la culture, la Fondation G.W. Stairs et le Centre sur le langage, l’esprit et le cerveau.
Le 18 novembre 2014