La fibrose kystique est causée par une mutation du gène codant pour une protéine particulière appelée régulateur de la perméabilité transmembranaire de la fibrose kystique (CFTR). Bien que cette découverte ait été réalisée il y a 25 ans et qu’elle ait permis de prolonger la vie des personnes atteintes de fibrose kystique, il n’existe encore aucun remède efficace contre cette maladie. De nouvelles données sur la nature de la forme la plus courante de mutation du gène CFTR, recueillies par une équipe de chercheurs dirigée par le Dr Gergely Lukacs du Département de physiologie de l’Université McGill, ouvrent de nouvelles perspectives prometteuses pour le traitement de cette maladie.
Pour mieux comprendre les difficultés associées à la recherche d’un remède, voire d’un traitement efficace contre la fibrose kystique, il faut connaître la nature particulière et complexe du CFTR. Cette protéine est composée de 1 480 acides aminés regroupés en cinq brins tridimensionnels (domaines) entrelacés qui se replient pour servir d’éléments structuraux du CFTR.
« Il est aussi difficile de trouver un traitement efficace ou un remède contre la maladie que de réparer une déchirure dans un tapis tressé, affirme le Dr Lukacs. Nous devons à la fois découvrir où se trouve la déchirure dans un brin de l’étoffe et déterminer la meilleure façon de rattacher ce brin au tapis de manière à lui redonner toute sa solidité. Il s’agit d’une tâche monumentale. »
Les scientifiques disposent déjà d’une partie de l’information nécessaire pour s’attaquer à cette tâche. Bien qu’il existe environ 2 000 mutations associées au gène CFTR, la plus commune – la mutation F508del, observée chez 90 pour cent des patients atteints de fibrose kystique – est caractérisée par la suppression d’un seul acide aminé à la position 508 du CFTR. À l’instar d’un simple accroc dans le tapis, l’absence de ce seul élément affaiblit l’ensemble de la structure protéique et la rend non fonctionnelle.
À l’heure actuelle, le traitement le plus prometteur des symptômes de la fibrose kystique repose sur le Vertex VX-809, un médicament actuellement soumis à des essais cliniques. Ce produit expérimental demeure toutefois sans effet chez la grande majorité des personnes atteintes de cette maladie, car il ne semble rétablir que la communication entre les domaines au sein de la protéine (pour en revenir à l’exemple du tapis, s’il peut contribuer à rattacher les brins de tapis les uns aux autres, ces derniers demeurent néanmoins faibles car des déchirures persistent dans chaque brin).
Dans le cadre de travaux antérieurs, le Dr Lukacs et ses collaborateurs ont démontré, à l’aide de cultures cellulaires, que l’effet de la mutation F508del sur la structure protéique n’est pas limité au domaine où elle se trouve. En effet, cette mutation exerce également des effets délétères sur les quatre autres domaines de la protéine, ce qui modifie l’apparence du CFTR à la surface cellulaire, comme si la faiblesse d’un seul brin ou une déchirure dans celui-ci altérait non seulement la résistance du brin adjacent, mais celle du tapis dans son ensemble.
Le Dr Lukacs et son équipe ont ensuite tenté de combiner le Vertex VX-809 à d’autres composés chimiques ciblant simultanément deux anomalies structurales importantes au sein de la protéine. Les résultats de leur expérience ont été renversants. En combinant le Vertex VX-809 à des composés chimiques qui agissent comme correcteurs au sein du domaine portant la mutation F508del, l’efficacité du traitement est passée de 15 pour cent à 60 à 80 pour cent dans des modèles de cultures cellulaires.
« Ces résultats nous offrent un moyen rationnel de choisir des candidats-médicaments dotés de mécanismes d’action distincts, affirme le Dr Lukacs. Plus important encore, ils soulignent la nécessité de combiner des médicaments qui ciblent des anomalies structurales complémentaires afin de surmonter les obstacles attribuables à l’efficacité limitée des molécules correctrices utilisées seules et qui font actuellement l’objet d’essais cliniques. »
Pour consulter la version intégrale de l’article dans la revue scientifique Nature Chemical Biology : http://www.nature.com/nchembio/journal/v9/n7/full/nchembio.1253.html
Cette étude a été financée conjointement par Fibrose kystique Canada, The Cystic Fibrosis Foundation Therapeutics, les Instituts de recherche en santé du Canada, le Programme des chaires de recherche du Canada et la Fondation canadienne pour l’innovation.