Une récente étude pourrait contribuer à faire la lumière sur des maladies génétiques

Imaginez une maison, dont l’intégrité et la stabilité dépendent d’une charpente solide constituée de poutres, de solives, de chevrons, de montants et de nombreux autres éléments. Imaginez maintenant les cils cellulaires – ces filaments microscopiques qui prolongent certaines cellules, par exemple les flagelles des spermatozoïdes ou les cils vibratiles de nos voies respiratoires – comme la version biologique de cette maison. À l’instar de la charpente d’un immeuble, des doublets de microtubules constituent la structure de soutien principale de ces cils, qui jouent un rôle vital chez l’humain, leurs battements assurant entre autres la clairance mucociliaire dans les voies respiratoires et la motilité des spermatozoïdes. Les anomalies touchant les cils cellulaires peuvent notamment entraîner la cécité et des maladies respiratoires chroniques.

Lorsqu’on observe une maison de loin, on ne voit que ses éléments principaux. Il en va de même avec les cils cellulaires : jusqu’à récemment, les chercheurs n’étaient parvenus à les observer que d’une certaine distance, ce qui les avait menés à conclure que les microtubules étaient constitués surtout de tubuline, l’équivalent des longs montants de bois d’une maison.

Au moyen du microscope de pointe Titan Krios, des chercheurs de la Faculté de médecine de l’Université McGill sont parvenus pour la première fois à étudier dans le détail les doublets de microtubules des cils cellulaires. Leurs observations, publiées récemment dans Nature Communications, révèlent une structure beaucoup plus complexe qu’on ne le croyait.

Un système plus complexe que prévu 

Les chercheurs ont notamment découvert de nombreux types de protéines à l’intérieur du doublet de microtubules. « Le doublet de microtubules étant la structure de soutien fondamentale, tout ce qui compromet sa stabilité peut nuire à la fonctionnalité des cils », note le professeur adjoint Khanh Huy Bui, du Département d’anatomie et de biologie cellulaire de l’Université McGill, auteur principal de l’étude. « Par exemple, les microtubules doivent résister à une force importante lors du battement des cils. Si le doublet de microtubules n’est pas stable, il se brisera ou vacillera sous la pression exercée par la courbure des cils. Cela peut empêcher le mucus d’être évacué des voies respiratoires, ou les spermatozoïdes de se déplacer correctement. »

La dyskinésie ciliaire primitive (DCP), qui cause des maladies respiratoires chroniques, est l’une des affections génétiques associées au mauvais fonctionnement des cils cellulaires. Bien qu’on connaisse certains des gènes responsables de la DCP, la cause sous-jacente demeure mystérieuse dans bien des cas. Outre les tests génétiques basés sur les gènes connus, on diagnostique cette affection en déterminant si la structure des cils cellulaires est défectueuse au moyen d’un microscope électronique à faible résolution, une technique qui n’est concluante que dans 50 % des cas. « Beaucoup des protéines que nous avons observées dans le doublet de microtubules pourraient jouer un rôle dans la DCP, signale le Pr Bui. Notre étude pourrait donc conduire à l’identification d’autres gènes liés à la DCP, ce qui pourrait améliorer le diagnostic. De plus, la découverte du rôle de ces autres protéines dans la stabilité du doublet de microtubules pourrait nous permettre de mettre au point des médicaments capables de compenser ces effets déstabilisants. » 

Observer les cils de plus près

Revenons à notre maison. Pour comprendre tous ses détails structurels, de simples photos de l’intérieur et de l’extérieur ne suffisent pas; il faut se débarrasser de tout ce qui recouvre la charpente pour pouvoir l’analyser. « De la même façon, en isolant le doublet de microtubules, nous pouvons l’observer en détail et comprendre son architecture et sa composition, explique le Pr Bui. Nous pouvons maintenant étudier cette structure plus en profondeur pour mieux analyser ses composantes et leurs interrelations. Cette analyse est importante, puisqu’elle nous permet de mieux comprendre la stabilité propre à l’architecture du doublet de microtubules. »

Étapes suivantes

Malgré les grands progrès réalisés dans l’identification de ces nouvelles protéines, de nombreuses questions demeurent pour le Pr Bui et ses collègues. « Nous voulons élucider la nature de toutes les protéines internes des microtubules que nous avons observées, dit-il. Nous cherchons aussi à comprendre exactement comment ces protéines influent sur la stabilité du doublet de microtubules. Si nous déterminons que quelques-unes de ces protéines sont particulièrement importantes pour la fonction ciliaire, nous chercherons ensuite à découvrir les maladies humaines qui pourraient être liées à ces protéines et des façons potentielles de pallier le problème. »

Cette étude, financée par la Chaire de recherche du Canada de niveau 2 en tomographie cryoélectronique et une subvention à la découverte du CRSNG, a été menée en collaboration avec Panagiotis Kastritis, Ph. D., du Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) en modélisation structurale.

L’article « Subnanometre-resolution structure of the doublet microtubule reveals new classes of microtubule-associated proteins » a été publié dans Nature Communications le 2 mai 2017.

DOI: 10.1038/ncomms15035

 

Le 21 juin 2017