La pandémie n’est déjà plus qu’un lointain souvenir pour plusieurs personnes… mais pas pour tout le monde.  

Longtemps après avoir été infectée par la COVID-19 – parfois jusqu’à six mois plus tard – une personne peut soudainement souffrir de symptômes chroniques incommodants, sinon totalement handicapants. Maux de tête foudroyants, fatigue incapacitante, mémoire défaillante, essoufflements, incapacité à se concentrer, font partie du lot.  

La professeure Marie-Hélène Boudrias en sait quelque chose. 

Professeure agrégée à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de McGill, elle est physiothérapeute, docteure en neuroscience et détentrice de diplômes postdoctoraux en neuro-imagerie. Elle est une experte en biomarqueurs visant à identifier les changements dans le cerveau qui peuvent affecter le mouvement. « Je cherche à comprendre ce qui a changé dans le cerveau, à la suite d’un AVC ou dans le cerveau vieillissant, par exemple », explique la spécialiste. « Je m’intéresse aux pertes de capacité motrice ».  

Devant l’impuissance des cliniciens face à la COVID longue, la Pre Boudrias s’est jointe à des collègues affiliés à diverses cliniques de réadaptation pour mettre sur pied une communauté de pratique visant à mieux comprendre les enjeux en lien avec la COVID longue.  

Puis, le gouvernement a annoncé, en mai 2022, un investissement de 20,5 millions de dollars pour la création d’un réseau de cliniques de COVID longue afin de permettre l’accès aux services, y compris pour la population hors des grands centres. « L’uniformisation des questionnaires et des évaluations permet de créer une biobanque », explique la Pre Boudrias. « Ainsi, si un médicament se développe, la connaissance de chaque patient permettra de trouver le soin adapté à sa condition. » 

Or, pour implanter un tel réseau de cliniques qui réussissent à générer et à partager des connaissances et à les appliquer, le gouvernement a établi un comité d’experts. Marie-Hélène Boudrias en fait partie, en tant que chercheuse et professeure en réadaptation. Les autres membres du comité sont, entre autres, des médecins, des gestionnaires, des cliniciens et des patients partenaires. « Ce regroupement d’expertises diverses permet des échanges sur le plan conceptuel de la structure de réseau en fonction des données probantes », argue la professeure. « Ainsi, les patients souffrant de la condition qui sont au comité permettent d’orienter les services en fonction de leurs besoins. Dès lors, le terrain est fertile pour l’émergence d’idées innovantes et de traitements efficaces. » 

Les bénéfices d’un tel réseau pour les régions sont concrets. « À mesure qu’une nouvelle clinique en région ouvrait, elle nous présentait ce qu’elle faisait. Comme certaines n’avaient pas de médecins, les discussions au comité d’experts favorisaient leur accès aux spécialistes », raconte la spécialiste. « Une voie s’ouvrait alors pour aider les gens, obtenir du matériel et des ressources ou utiliser la téléréadaptation et la télémédecine pour contourner les enjeux géographiques. Bref, c’est plus facile de déployer un projet lorsqu’on fait partie d’un même réseau. » 

Et c’est ici que le Réseau universitaire intégré de santé et de services sociaux (RUISSS) McGill entre en jeu. À travers ses partenaires, il agit comme un centre de référence du réseau de cliniques. Il facilite les consultations médicales avec plusieurs spécialistes pour le vaste territoire qu’il dessert couvrant sept régions du Québec et 1,9 million de personnes. 

RUISSS McGill

Le réseau de cliniques place le Québec dans une classe à part. « Ce qui est unique au Québec – et il faut s’applaudir – c’est notre réseau de cliniques », explique la professeure. « Une fois la condition manifeste, nous sommes très bons pour un suivi et un soutien adaptés. Sans que ce soit parfait, nous sommes en très bonne posture. On peut dire qu’on est vraiment chanceux. » 

Selon la Pre Boudrias, les gens qui souffrent de la COVID longue peuvent espérer un retour à une vie plus normale. « Nous allons finir par trouver des molécules, incluant le reciblage de molécules thérapeutiques approuvées (ou “drug repurposing”), qui vont permettre aux gens de retrouver une qualité de vie en soulageant les symptômes de la maladie », avance-t-elle. « Et l’intelligence artificielle pourra y contribuer en maillant l’ensemble de ce qui existe déjà. »