Coloration immunofluorescente et imagerie confocale du tissu intestinal infecté par le ver Heligmosomoides polygyrus bakeri (à gauche); Danielle Karo-Atar, Irah King et Alex Gregorieff (à droite)

Une nouvelle collaboration entre les immunoparasitologues et les biologistes spécialistes des cellules souches de l’IR-CUSM décrit comment les vers parasitaires ou les vers helminthiques inhibent directement la réponse immunitaire antiparasitaire de l’épithélium intestinal

Les résultats de travaux de chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), récemment publiés dans le Journal of Experimental Medicine, pourraient mener au développement de nouveaux traitements des infections aux vers parasitaires et de la maladie inflammatoire chronique de l’intestin.

Les vers parasitaires, connus sous le nom de vers helminthiques, constituent un lourd fardeau pour le système de santé et pour l’économie dans de nombreuses régions du monde; ces vers infectent environ le quart de la population mondiale. L’infection chronique est courante, car les vers helminthiques peuvent souvent échapper à la réponse immunitaire défensive de leur hôte.

« Nous voulions en savoir plus sur la manière dont les vers helminthiques peuvent réguler. l’immunité afin d’échapper à la défense de l’hôte. Dans l’étude dont il est ici question, nous avons spécifiquement mis l’accent sur l’incidence des vers helminthiques sur la fonction des cellules épithéliales, qui sont une sentinelle de la défense de l’hôte à la barrière intestinale », déclare Irah King, Ph. D., scientifique aux laboratoires Meakins-Christie ainsi qu’au Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires à l’IR-CUSM et auteur principal de l’étude.

« Pour nous pencher sur cette question, nous avons extrait des cellules souches du tissu intestinal de souris, afin de cultiver un modèle de mini-intestin. Ce mini-intestin est un organoïde intestinal qui forme une structure 3D en culture, reproduisant assez fidèlement la structure de l’intestin in vivo, explique la première auteure, Danielle Karo-Atar, Ph. D., boursière de recherche postdoctorale qui travaille au laboratoire d’Irah King. Nous avons pu utiliser le modèle de mini-intestin pour évaluer la réponse des compartiments des cellules souches à l’infection. »

Lorsque les chercheurs ont cultivé le mini-intestin à partir d’un ver intestinal, ils ont découvert que ce mini-intestin avait une structure physique distincte et exprimait une signature génétique spécifique.

« La découverte que nous avons faite nous a permis de démontrer comment les vers helminthiques ciblent directement la zone de l’épithélium intestinal où se trouvent les cellules souches de l’intestin, ajoute Danielle Karo-Atar. Nous avons appris que ces vers peuvent faire en sorte que l’épithélium revienne à un état très régénératif, bien qu’immature, similaire à son état au stade fœtal; nous avons également constaté qu’ils inhibent la réponse immunitaire de l’épithélium contre eux. »

L’équipe a aussi découvert que, malgré le fait que les vers supprimaient la réponse immunitaire épithéliale, en même temps, le système immunitaire de l’hôte travaillait aussi dans le but de supprimer cette réversion fœtale de l’épithélium.

« Notre étude laisse entendre que les vers helminthiques et que la réponse immunitaire de l’hôte se livrent une lutte acharnée pour le contrôle du compartiment des cellules souches intestinales »

— Alex Gregorieff, Ph. D.

« Notre étude laisse entendre que les vers helminthiques et que la réponse immunitaire de l’hôte se livrent une lutte acharnée pour le contrôle du compartiment des cellules souches intestinales », ajoute Alex Gregorieff, Ph. D., expert du domaine des cellules souches au Programme de recherche sur le cancer à l’IR-CUSM et coauteur principal de l’étude.

La recherche porte à croire que la régulation de l’épithélium intestinal de l’hôte par les vers parasitaires peut stimuler le processus de guérison des muqueuses. Ce processus est une réponse de restauration qui implique l’activation de programmes régénératifs des cellules et la disparition de l’inflammation des tissus destructeurs. À ce jour, une compréhension imparfaite de la guérison des muqueuses a été un obstacle important au traitement des maladies inflammatoires de l’intestin.

« Nos découvertes fournissent un fondement pour la découverte de molécules spécifiques dérivées des vers et pour les voies à privilégier aux fins de développement de nouveaux médicaments antihelminthiques, conclut Irah King. Par ailleurs, nos travaux fournissent un nouveau cadre de travail conceptuel pour les traitements à base de vers helminthiques visant à dynamiser la barrière intestinale après une lésion aiguë. »

À propos de l’étude

Lire la publication dans le Journal of Experimental Medicine

Les auteurs remercient la Plateforme d’histopathologie de l’IR-CUSM.