Source : CUSM et  l’Institut Lady Davis

Une équipe de recherche dirigée par la docteure Claudia Kleinman, chercheuse à l’Institut Lady Davis de l’Hôpital général juif, la docteure Nada Jabado, de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), et le docteur Michael Taylor, de l’Hôpital pour enfants malades (SickKids), a découvert que plusieurs types de tumeurs cérébrales pédiatriques très agressives et, en fin de compte, fatales apparaissent pendant le développement du cerveau. L’événement génétique qui déclenche la maladie se produit dans les toutes premières phases du développement cellulaire, souvent dans les phases prénatales. Ces conclusions constituent un progrès important dans notre compréhension de ces maladies et sont publiées dans la revue Nature Genetics.

« Nous avons déterminé que l’arrêt du développement cellulaire dans le pont et dans le cerveau antérieur, d’où sont originaires certains de ces tumeurs pédiatriques agressifs, est responsable de plusieurs cancers du cerveau pendant l’enfance », a déclaré la docteure Kleinman, professeure adjointe en génétique humaine à l’Université McGill. « Plutôt que de se poursuivre normalement, le développement des cellules est enrayé et elles se transforment en tumeurs malignes. Mais elles conservent de nombreuses caractéristiques des cellules originales et nous avons pu déterminer l’origine des tumeurs parmi les centaines de différents types cellulaires présentes dans le cerveau. »

Dre Nada Jabado

« Les nouvelles technologies qui nous permettent d’interroger les cellules tumorales une par une indiquent qu’un arrêt du développement serait à l’origine de plusieurs tumeurs cérébrales de haut grade chez les enfants », a ajouté la docteure Jabado, qui est aussi hémato-oncologue à l’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM et professeure de pédiatrie et de génétique humaine à l’Université McGill. « Nous parlons du “syndrome de Peter Pan” parce que ces cellules sont coincées dans le temps, incapables de vieillir, et c’est la raison pour laquelle ces tumeurs se développent. Le défi consiste maintenant à déterminer la meilleure façon de déverrouiller ces cellules pour favoriser leur différenciation et permettre aux processus normaux de prendre la relève. »

Les tumeurs cérébrales sont la principale cause de décès liés au cancer chez les enfants. Pour plusieurs de ces tumeurs, il n’existe aucun traitement efficace et la survie est souvent de moins de deux ans. En effet, la docteure Kleinman souligne que très peu de progrès ont été accomplis dans le traitement des enfants aux prises avec cette maladie.

« La pierre angulaire de la lutte contre ces maladies consiste à découvrir les processus biologiques en jeu, et c’est exactement ce que notre recherche a permis de découvrir a-t-elle dit. Une fois que nous comprenons les mécanismes sous-jacents, nous pouvons commencer à chercher comment déverrouiller le développement des cellules. La complexité du cerveau est stupéfiante et nous avons maintenant ciblé où chercher. »

En appliquant des techniques sophistiquées de séquençage sur cellule unique et d’analyse de données à grande échelle, les chercheurs ont assemblé le premier profil complet du pont prénatal normal, une structure majeure située sur la partie supérieure du tronc cérébral qui contrôle la respiration, ainsi que les sensations comme l’ouïe, le goût et l’équilibre.

La docteure Jabado et son équipe du Programme sur la santé infantile et le développement humain de l’IR-CUSM, ainsi que le docteur Taylor, neurochirurgien pédiatrique et chercheur chevronné dans le domaine du développement et de la biologie des cellules souches à l’hôpital SickKids, ont pris en charge une grande partie de la recherche clinique, tandis que l’équipe de la docteure Kleinman a effectué la bio-informatique et a déterminé l’identité moléculaire des types de cellules présentes dans le pont et dans d’autres régions du cerveau, ainsi que de la dynamique de leur différenciation. Ils ont créé un atlas de plus de 65 000 cellules individuelles et 191 populations cellulaires distinctes. Ils ont ensuite intégré cet atlas avec des échantillons des patients et découvert les origines des médulloblastomes WNT, des tumeurs embryonnaires avec rosettes multicouches (ETMR) et des gliomes de haut grade (GHG).

Ces travaux sont le fruit de vastes collaborations internationales qui comprennent des chercheurs de partout au Québec, au Canada, aux États-Unis et en France. Pour résumer leurs résultats, les auteurs de l’article intitulé : « Stalled developmental programs at the root of pediatric brain tumors » (L’arrêt du développement est à l’origine des tumeurs cérébrales pédiatriques), ont écrit : « Les données actuelles appuient donc l’existence d’une étiologie commune pour ces tumeurs, où des modifications génétiques dans certains types cellulaires vulnérables perturbent les programmes d’expression des gènes du développement, ce qui mène finalement à l’oncogenèse ».

« La genèse des tumeurs est très précoce dans le développement du cerveau, ce qui signifie qu’il n’y a réellement pas de déclencheur dans l’environnement ou de mesures préventives que les parents peuvent prendre, a déclaré la docteure Kleinman. Il est important d’approfondir notre compréhension de ces tumeurs, car leurs effets sont tellement catastrophiques; nous voulons donner de l’espoir aux patients. »

Ces travaux ont été financés par Génome Québec, Génome Canada, le gouvernement du Canada et le ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation du Québec, avec le soutien du Fonds de recherche de l’Ontario, des Instituts de recherche en santé du Canada, des National Institutes of Health des États-Unis, de la Société canadienne du cancer, du National Sciences and Engineering Research Council, du Fonds de recherche du Québec – Santé et de la Fondation Charles-Bruneau, entre autres. Les analyses de données ont été rendues possibles grâce aux ressources informatiques et de stockage fournies par Calcul Canada et Calcul Québec.

“Stalled developmental programs at the root of pediatric brain tumors,” Selin Jessa et al, Nature Genetics, https://www.nature.com/articles/s41588-019-0531-7