Mai est le mois de la sensibilisation à la fibrose kystique (FK). Maladie multisystémique touchant tout particulièrement les poumons, la FK entraîne des cycles d’infection et d’inflammation chronique qui détériorent graduellement la fonction pulmonaire. Le taux de mortalité de la maladie se situe entre 1 % et 2 %, et environ la moitié des Canadiens atteints meurent avant l’âge de 35 ans.
Par Philip Fine

Le Pr John Hanrahan

Les techniques de percussion thoracique visant à évacuer l’épais mucus caractéristique de la fibrose kystique (FK) sont depuis longtemps employées chez les enfants atteints de cette maladie. Cette technique procure certes un certain soulagement, mais des recherches biomédicales récentes mènent maintenant à la mise au point de médicaments qui ciblent l’anomalie moléculaire sous-jacente.

Le premier médicament du genre mis au point par Vertex Pharmaceuticals Inc., appelé Kalydeco, est remarquablement efficace, mais pour seulement 3 % des personnes atteintes de FK. « Il permet d’améliorer la fonction pulmonaire de 10 %, ce qui change la vie des patients », indique John Hanrahan, chercheur à Fibrose kystique Canada et professeur au Département de physiologie de l’Université McGill, qui explique les pour et les contre du médicament.

Le Québec n’a pas encore ajouté Kalydeco à la liste de médicaments remboursés par le régime public d’assurance médicaments, sans doute en raison de son coût, qui s’élève à environ 300 000 $ par année par patient. La province a néanmoins accepté des demandes de remboursement exceptionnel pour les quelques patients qui bénéficient du médicament. Ce dernier est couvert automatiquement dans la plupart des autres provinces et au Yukon.

Malgré ses effets remarquables chez certains patients, le médicament n’a pas d’effet lorsqu’on l’administre seul aux personnes qui présentent la mutation la plus courante du gène responsable de la FK.« Dans le cas de la mutation delta F508, il faut augmenter l’ouverture du canal ionique défectueux, corriger le repliement de la protéine et son transport vers la surface de la cellule », explique le Pr Hanrahan.

Un autre médicament, appelé Orkambi, a été mis au point pour cibler cette mutation courante, mais ses effets sont malheureusement moins spectaculaires que ceux de Kalydeco. Il réduit la fréquence des épisodes d’infection, mais on n’observe une amélioration significative de la fonction pulmonaire que chez environ 25 % des patients, ce qui complique la décision de rembourser ou non Orkambi à même les fonds publics.

« Nous ne disposons actuellement d’aucun moyen objectif d’identifier les patients qui répondront ou non à ce médicament, et donc aucune assise rationnelle pour refuser le médicament », ajoute le Pr Hanrahan, qui est également affilié à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill.

Le laboratoire du Pr Hanrahan est situé au Centre de recherche translationnelle sur la fibrose kystique (CFTRc), à la Faculté de médecine de l’Université McGill. L’acronyme anglais CFTRc est un clin d’œil au nom de la molécule qui est au cœur de leurs travaux, la protéine CFTR, pour Cystic Fibrosis Transmembrane conductance Regulator. L’équipe du centre compte également David Thomas, Larry Lands, Gergely Lukacs et une vingtaine d’autres chercheurs qui étudient la molécule pour mettre au point de nouveaux traitements. « Du côté universitaire, nous cherchons à comprendre le fonctionnement de la CFTR et des médicaments contre la FK, et du côté commercial, nous voulons mettre au point de nouveaux médicaments candidats pour aider les personnes atteintes de FK. »

Des molécules prometteuses ont été découvertes l’an dernier au CFTRc par une entreprise naissante appelée Traffick Thérapeutiques, cofondée par David Thomas et John Hanrahan. Elles sont actuellement en voie de développement à Vertex, qui cherche à déterminer s’il est possible de les combiner avec ses propres médicaments.

Le Pr Hanrahan se tient au courant des recherches fondamentales et des nombreux essais cliniques en cours dans le monde et, malgré les obstacles actuels relatifs à Orkambi, il reste optimiste pour les personnes atteintes de FK. « C’est enthousiasmant, puisque de nombreuses équipes universitaires et entreprises travaillent dans le domaine, et plusieurs médicaments sont à l’étude. L’objectif est de pouvoir traiter toutes les personnes atteintes, peu importe la mutation. Avec l’arrivée de nouveaux médicaments, il pourrait être possible de choisir le plus efficace pour chaque patient. Cette possibilité, en plus de la concurrence accrue, pourrait aussi faire baisser le coût des médicaments pour qu’ils soient couverts par les régimes publics d’assurance médicaments. »

May 19, 2017