Dans un domaine où les solutions miracles sont rares, le Dr Kevin Petrecca a appris à saisir toutes les raisons d’être optimiste. Le neurochirurgien chercheur à l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal (le Neuro), également professeur agrégé de neurologie et de neurochirurgie à l’Université McGill, est spécialiste d’un cancer agressif du cerveau, le glioblastome, au sombre pronostic.
L’une des lueurs d’espoir du Dr Petrecca? Le cancer du cerveau étant plutôt rare, le neurochirurgien voit relativement peu de nouveaux patients chaque semaine et peut ainsi forger des liens hors du commun avec eux et leur famille. « Avec un suivi aussi étroit, nous apprenons à bien nous connaître », explique-t-il. « Je connais leur situation et celle de leurs proches, et ils me connaissent et savent ce que je fais. »
Ces liens étroits ont d’ailleurs donné naissance à une initiative extraordinaire. Ayant appris l’existence de technologies et de traitements émergents contre les glioblastomes, un petit groupe de familles des patients du Dr Petrecca ont décidé d’unir leurs forces pour organiser un événement-bénéfice au profit de la recherche sur le cancer du cerveau. Depuis sa première édition, en 2014, l’événement annuel Une brillante soirée a permis de recueillir 1,6 million de dollars pour la recherche sur ce type de cancer au Neuro. « C’est fantastique de voir tous ces gens consacrer autant de temps à cette cause, tout à fait bénévolement », souligne-t-il. « Le réseau grandit sans cesse. »
Même si l’événement prend de l’ampleur, la convivialité et l’échange d’idées qui l’ont inspiré sont toujours présents. « C’est ce qui caractérise la communauté du gala Une brillante soirée », ajoute le Dr Petrecca. « Nous ne jetons pas de l’argent dans un trou noir. Tout le monde sait exactement ce que nous faisons. » Le gala, dont l’édition de cette année aura lieu le 18 octobre, met ces connaissances et cette passion en valeur de façon interactive et immersive, à l’aide de vidéos, d’installations et d’animations, lors d’une soirée où gastronomie et élégance sont aussi à l’honneur.
Le Dr Petrecca explique que les glioblastomes résistent extrêmement bien aux traitements conventionnels. « La chirurgie est en fait le traitement le plus efficace contre le cancer du cerveau, utilisée en combinaison avec la radiothérapie et la chimiothérapie », dit-il. Malgré cela, on observe habituellement une récidive dans les six mois, et la plupart des patients décèdent dans les 14 mois suivant leur diagnostic. « C’est un mauvais pronostic, comparativement à la plupart des autres types de cancers », ajoute le Dr Petrecca. « Mais si on parvenait à éliminer presque toutes les cellules cancéreuses, les patients vivraient beaucoup plus longtemps – la récidive surviendrait après trois à cinq ans, au lieu de six mois. »
C’est dans cette optique que le Dr Petrecca s’est associé à Frédéric Leblond, professeur adjoint de génie physique à Polytechnique Montréal, pour mettre au point une sonde laser capable de détecter les cellules cancéreuses durant l’intervention chirurgicale. « Les résultats sont incroyables », souligne le Dr Petrecca. « En un dixième de seconde, nous pouvons déterminer s’il y a des cellules cancéreuses dans une région du cerveau, avec une sensibilité et une spécificité atteignant 97 %. L’appareil est plus sensible que l’IRM – il peut détecter des cellules cancéreuses dans des régions où les tissus paraissent normaux à l’IRM ». L’appareil permet donc aux neurochirurgiens de détruire davantage de cellules cancéreuses, dans l’espoir de prolonger la vie des patients.
L’invention du Dr Petrecca et du Pr Leblond leur a valu le titre de personnalités scientifiques de l’année 2015 de La Presse. L’appareil a mené à la création d’une entreprise et fait actuellement l’objet d’un essai clinique auquel participent 80 patients au Neuro, en plus d’être en processus accéléré d’homologation à la FDA.
Dans son autre laboratoire, le Dr Petrecca et son équipe ciblent les cellules souches cancéreuses qui causent le glioblastome. Les cellules souches se développent très lentement et semblent résister aux assauts de la radiothérapie et de la chimiothérapie. Elles continuent à produire des cellules cancéreuses même après le traitement, d’où le taux élevé de récidive des glioblastomes. L’équipe est sur le point de faire une percée majeure dans la recherche de l’origine des cellules souches cancéreuses qui causent les glioblastomes. Le Dr Petrecca espère que ces travaux ouvriront la voie à des traitements plus ciblés.
Malgré ces développements prometteurs, le neurochirurgien à la voix posée admet que le sombre pronostic auquel ses patients font face est souvent décourageant. Mais l’espoir reprend vite le dessus. « Nous ne pouvons peut-être pas guérir ces patients, mais nous pouvons les aider à vivre plus longtemps, dans la dignité et avec une meilleure qualité de vie – et nous y parvenons presque toujours », affirme-t-il doucement. « C’est ce qui nous permet de surmonter ce que nous devons surmonter. »
Pour le Dr Petrecca, originaire de Niagara Falls, les moments passés en famille – avec son épouse Myriam Douville et leurs trois enfants, Sarah, 18 ans, Élodie, 16 ans, et Loïc, presque 10 ans – sont de loin le meilleur remède. « Je suis le papa de trois enfants actifs, ce qui occupe pratiquement tout le temps que je ne passe pas en salle d’opération, auprès de mes patients ou au laboratoire. J’ai beaucoup de plaisir avec eux, ça ne va pas que dans un sens. »
Le 26 mai 2017