Source : Conseil national de recherches Canada

Luke Masson (Ph. D.), chercheur et chef de l’équipe Fermentation microbienne au CNRC.

« Si nous voulons combattre la pandémie de COVID-19, explique Luke Masson, il nous faut des données sur les personnes qui ont été infectées. »

Si cette pandémie nous a appris quelque chose, c’est que pour apporter des solutions efficaces, il est d’abord nécessaire de bien comprendre le problème. Comme nous l’avons constaté, la pandémie actuelle a déjà eu un impact énorme à l’échelle planétaire et s’accompagne d’un large éventail de défis que doivent relever divers experts des domaines de la santé, des sciences sociales, de la santé mentale, des finances, de l’économie, etc. Mais ce sont les scientifiques qui sont maintenant en première ligne, et n’oubliez pas que le mot « science » vient du latin scientia, qui signifie connaissance. Pour que nos vies redeviennent un tant soit peu normales, nous devons avancer en nous appuyant sur des connaissances scientifiques.

Luke Masson (Ph. D.) est chercheur au Conseil national de recherches du Canada (CNRC) où il est chef d’équipe au sein du Centre de recherche en thérapeutique en santé humaine. Lorsqu’il s’est penché sur la capacité du Canada en matière de dépistage de la COVID-19, il s’est rapidement rendu compte d’un problème.

« J’ai constaté que le Canada dépendait de l’importation de la plupart des principaux produits chimiques et enzymes nécessaires aux tests effectués durant une pandémie », raconte‑t‑il.

Actuellement, la référence absolue en matière de dépistage de la COVID-19 s’effectue par transcription inverse et par amplification quantitative en chaîne par polymérase (RT‑qPCR). La plupart des trousses de dépistage de type RT‑qPCR et des éléments qu’elles renferment sont fabriqués par des multinationales. Dans le contexte d’une pandémie mondiale où tous les pays cherchent à se procurer ces trousses en même temps, la chaîne d’approvisionnement ne peut que devenir problématique et affecter les capacités de dépistage.

Dans le cadre d’une collaboration avec l’Université McGill (en anglais seulement) et grâce au soutien du Programme Défi en réponse à la pandémie, les scientifiques du CNRC se sont mis au travail ensemble pour trouver une solution.

« Nos collaborateurs de McGill et mon équipe ici, au CNRC, ont voulu faire en sorte que le Canada dispose d’une capacité de dépistage suffisante, explique Masson. Pour y parvenir, nous savions que chaque élément devait être fabriqué au Canada. Au vu de la situation créée par la pandémie actuelle et des expériences vécues antérieurement avec les épidémies de SRAS et de MERS, nous savons qu’il est essentiel d’être préparé. »

Une collaboration pour une approche de type « fabriqué au Canada »

À gauche : Martin Schmeing (Ph. D.), directeur du Centre de recherche en biologie structurale (CRBS) à l’Université McGill.
À droite : Don van Meyel (Ph. D.), directeur du Centre de biologie translationnelle à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill.

Les travaux menant à la capacité canadienne en matière de dépistage se sont amorcés à l’Université McGill, à Montréal, où Martin Schmeing (Ph. D.) et Don van Meyel (Ph. D.) ont lancé un projet visant à mettre au point des trousses de dépistage de la COVID-19 fabriquées au Canada (en anglais seulement).

« Les décisions sur le ciblage — qui tester? – et le calendrier — quand tester? – au Canada doivent s’appuyer sur des connaissances scientifiques et des politiques de santé publique solides, explique Dr van Meyel. Elles ne doivent pas être limitées par la plus ou moins grande disponibilité des trousses de dépistage. »

Grâce à une subvention de l’initiative interdisciplinaire de l’Université McGill pour l’étude des maladies infectieuses et de l’immunité (MI4), soutenue par la Fondation du Centre universitaire de santé McGill (MUHC), et à des fonds provenant de la Faculté des sciences de cette même université, le projet a pu démarrer en mars.

Peu de temps après, les responsables du projet ont mis sur pied un partenariat avec l’équipe de M. Masson, au CNRC, grâce à l’apport crucial de fonds offerts par Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE).

Inventer de nouvelles solutions

Claude Larose est conseiller en affaires pour le Centre de recherche sur les dispositifs médicaux au CNRC.

Actuellement, le Laboratoire national de microbiologie (LNM) de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) supervise un vaste effort du gouvernement du Canada en vue de sécuriser la chaîne d’approvisionnement de plusieurs éléments clés utilisés dans les procédures de diagnostic moléculaire pour le dépistage de la COVID-19.

Du côté du CNRC, ces efforts sont menés par Claude Larose, conseiller en affaires au sein du Centre de recherche sur les dispositifs médicaux.

« Le CNRC joue un rôle vital dans la mobilisation des ressources offertes par d’autres organismes gouvernementaux, tels que l’ASPC et ISDE, mais aussi par l’industrie et les établissements universitaires, explique M. Larose. Nous réglons les problèmes et, si nécessaire, nous apportons de nouvelles solutions. »

C’est ce qui s’est passé pour les tests moléculaires au Canada, puisque pratiquement tous les éléments des trousses de dépistage proviennent actuellement d’autres pays.

« Pour fabriquer nous-même ces trousses de dépistage, nous avons besoin de divers éléments tels que des objets en plastique, des réactifs et des tampons chimiques, des réactifs enzymatiques et des billes magnétiques, poursuit M. Larose. Pour moi, il s’agit simplement de transformer la chaîne d’approvisionnement canadienne de manière à renforcer notre capacité de produire ces trousses de dépistage au Canada. »

En renforçant l’écosystème de la recherche au Canada dans l’optique de la production des trousses de dépistage, le CNRC contribue non seulement à la santé publique, mais aussi au soutien de l’économie et donc à la création d’emplois.

Le dépistage de la COVID-19

D’une manière générale, le dépistage moléculaire de la COVID-19 s’effectue en 3 étapes : l’échantillonnage, l’extraction et l’amplification.

  1. Échantillonnage

    Il s’effectue généralement par voie nasale, à l’aide d’un coton-tige spécial.

  2. Extraction

    Pour analyser l’échantillon, le matériel viral doit être extrait à l’aide d’une machine qui décompose tous les virus présents à l’aide d’un réactif tampon qui libère l’ARN (le SARS-CoV-2 est virus à ARN). À l’intérieur de la machine, des billes magnétiques spéciales (faites de métal et de silice) sont programmées pour récolter, par interaction avec la silice, tous les fragments d’ARN viral libérés dans l’échantillon. Les aimants isolent ensuite l’ARN et des réactifs chimiques supplémentaires sont ajoutés pour éliminer le reste des matériaux. Une fois cette étape terminée, l’ajout de tampons chimiques supplémentaires permet de détacher l’ARN visé des billes pour qu’il puisse être isolé (s’il est présent, évidemment).

  3. Amplification

    Pour que la séquence génétique soit en quantité suffisante pour être détectable, elle doit être amplifiée. L’ARN ne peut cependant pas être amplifié de manière exponentielle. L’ARN doit donc être converti en ADN par transcription inverse. Une fois que le génome viral a été converti de l’ARN en ADN, il peut être amplifié par réaction en chaîne de la polymérase (PCR) jusqu’à l’obtention d’un signal suffisant pour une détection éventuelle qui confirme alors que le virus SARS-CoV-2 est présent dans l’échantillon analysé.

 

Faits en bref – Des billes magnétiques pour le dépistage

Les billes magnétiques utilisées pour le dépistage de la COVID-19 sont en métal et en verre de silice. Le verre de silice est conçu de manière à attirer les nucléotides caractéristiques de la séquence d’ARN du virus SARS-CoV-2. Ce verre de silice est fusionné à des billes métalliques magnétisées, ce qui permet à la machine de dépistage d’isoler l’ARN visé pour les étapes ultérieures d’amplification et de détection.

Renseignements

Défi COVID-19 : Réactifs magnétiques pour la détection de la COVID-19 et autres trousses de diagnostic moléculaire à base d’ARN

Quatre enzymes à la rescousse

Pour réaliser l’étape vitale de la détection de l’ARN, divers éléments sont nécessaires, notamment des nucléotides, des amorces et des réactifs spécifiques pour les acides nucléiques. Mais les éléments les plus critiques sont 4 enzymes protéiques, que l’Université McGill a dû produire en plus grande quantité. Ce sont ces quatre enzymes qui stimulent les réactions essentielles pour l’analyse des échantillons d’ARN, notamment la conversion de l’ARN viral en ADN puis son amplification avant la détection.

Deux de ces 4 enzymes sont relativement faciles à produire. Les 2 autres nécessitent cependant des moyens plus techniques. L’enzyme qui induit le processus de transcription inverse, en particulier, est le produit d’un processus très spécialisé. Au cours des premiers travaux en laboratoire, les rendements de production de ces 2 protéines se sont cependant avérés trop faibles pour permettre la production nécessaire à un dépistage de masse. L’équipe du CNRC possède heureusement une solide expertise et une vaste expérience de la fabrication de vecteurs microbiens pour l’expression des protéines.

« Au CNRC, nous avons développé des outils et des méthodes qui permettent d’augmenter l’expression des quatre protéines nécessaires au dépistage, explique M. Masson. En augmentant les rendements, nous avons porté la production à un niveau suffisant pour la biofabrication efficace de ces produits à grande échelle et à faible coût. Avec nos collègues de l’Université McGill, nous sommes maintenant à même de produire des matériaux fonctionnels, purs et de bonne qualité. »

Plus important encore, cette collaboration du CNRC avec l’Université McGill a fait que le Canada peut maintenant contrôler sa propre chaîne d’approvisionnement pour ce qui est du dépistage, réduisant notre dépendance à l’égard d’autres pays durant une pandémie

Un effort collectif

« Ce qui m’a vraiment impressionné durant cette pandémie c’est la faculté dont ont fait preuve les gens pour trouver ensemble des solutions », note M. Masson.

Les protocoles de distanciation physique sont en vigueur dans les laboratoires où les travaux sont menés au sein de l’installation de Royalmount du CNRC, à Montréal. Malgré tout, les chercheurs courent probablement plus de risques en participant à ces travaux qu’en restant chez eux. C’est pourquoi 2 équipes ont été constituées et chacune ne fait appel qu’à des volontaires. Une première équipe est responsable de faire avancer le projet, tandis que l’autre reste prête à intervenir si un ou plusieurs membres de la première équipe doivent être renvoyés chez eux. Cette approche collaborative et coordonnée de près a permis aux chercheurs participants d’obtenir des résultats significatifs sur l’accélération des processus.

« Chacun comprend la nature du défi qui nous est posé, commente M. Masson. Malgré un horaire incroyablement surchargé, les membres de mon équipe ont refusé d’arrêter le travail. Ils me disent qu’ils veulent rester au travail, qu’ils veulent contribuer à l’apport de solutions. Leur dévouement et leur engagement pour affronter cette pandémie ne cessent de me fasciner. En travaillant ensemble, nous nous en sortirons. »

 

 

Le 17 juin 2020