Une équipe multidisciplinaire d’experts, composée de Francesca Luconi, Ph. D., Richard Montoro, MDCM, Leonora Lalla, MDCM et Meron Teferra, a employé une démarche innovante d’évaluation des besoins qui intègre les besoins perçus et non perçus des psychiatres. Leur article « An Innovative Needs Assessment Approach to Develop Relevant Continuing Professional Development for Psychiatrists » a été publié en ligne dans la revue Academic Psychiatry.

Nous avons discuté de ce projet avec Francesca Luconi pour mieux comprendre la recherche que l’équipe a réalisée et comment ses résultats permettront d’améliorer le développement professionnel continu (DPC) des psychiatres.

Q. Quels sont les aspects novateurs de vos travaux?

R. L’évaluation complète des besoins, tenant compte à la fois des besoins perçus et non perçus, est essentielle à la planification d’un programme pertinent de développement professionnel continu. Nous avons employé une méthode novatrice pour évaluer les besoins non perçus : la méthode des incidents critiques (MIC), qui repose sur les données concernant la réponse des psychiatres à des cas ou situations cliniques difficiles dans le cadre de leur pratique. Il s’agit d’une méthode relativement simple, mais efficace, qui est peu utilisée dans le domaine du DPC.

Notre article fournit des informations précieuses pour les programmes de DPC à l’intention des psychiatres en exercice et pourrait servir de référence pour suivre l’évolution des besoins éducatifs des psychiatres avant et après la pandémie de COVID-19.

Q. Quel type de questions avez-vous posées dans le cadre de la MIC?

R. Le questionnaire comprenait trois questions axées sur le recensement de deux cas ou situations cliniques difficiles rencontrés durant de la dernière année, l’énumération des principaux facteurs ayant contribué à la complexité du cas, et l’inventaire des sources d’information consultées pour résoudre ces cas ou situations.

Q. Qu’est-ce qui vous a poussés à mener cette recherche?

R. Le Dr Richard Montoro du Département de psychiatrie à l’Université McGill a préparé le questionnaire d’évaluation globale des besoins que le Bureau du DPC distribue tous les trois à quatre ans pour connaître les besoins des médecins en exercice au Québec. Il a aimé le format novateur et nous a demandé de mettre au point un autre questionnaire suivant le même format, mais spécialement destiné aux membres de l’Association des médecins psychiatres du Québec (qui a d’ailleurs cofinancé cette étude).

Q. Quelle est l’importance de cette recherche pour les psychiatres? Quelles en sont les répercussions concrètes?

R. Cette étude comble une lacune dans la littérature en explorant les besoins éducatifs des psychiatres qui exercent au Québec. Les prestataires de DPC pourront concevoir des activités de DPC pertinentes pour les psychiatres tout en tenant compte des défis complexes aux niveaux individuel, organisationnel et systémique.

En revenant sur les cas difficiles qu’ils ont rencontrés dans leur pratique clinique, les psychiatres seront en mesure de prendre en considération une variété de facteurs et de cerner des lacunes dans leur pratique. Cette réflexion pourrait les aider à mieux choisir les activités de DPC pertinentes et adaptées à leurs besoins.

Q. Comment vos observations enrichissent-elles les connaissances dans le domaine?

R. Notre étude confirme les résultats antérieurs de la recherche en DPC et amène de nouveaux éléments. Les conférences en personne étaient les activités de DPC les plus populaires chez les psychiatres, ce qui correspond aux informations de la littérature sur la DPC dans de nombreuses spécialités. La discussion avec les pairs est une approche à laquelle les psychiatres ont souvent recours pour résoudre les cas ou les situations complexes; cette discussion peut amener le psychiatre, ou tout autre spécialiste, à percevoir ses besoins éducatifs et le pousser à apporter des changements dans sa pratique. La pandémie de COVID-19 a été un catalyseur de changement, notamment pour l’adoption des technologies numériques qui ont permis de transformer les conférences et autres activités de DPC en événements virtuels. Il est donc concevable qu’un modèle hybride de DPC puisse être adopté après la pandémie.

Q. Quelles sont les prochaines étapes de vos travaux?

R. Nous souhaitons utiliser la MIC en association avec des entretiens semi-directifs pour évaluer les besoins éducatifs de diverses catégories professionnelles. Nous pourrions ainsi déterminer si, après avoir répondu au questionnaire de la MIC, les participants sont en mesure de choisir des activités de DPC qui permettront de combler les lacunes détectées. Nous nous intéressons particulièrement aux compétences intrinsèques (par exemple, la communication, la collaboration) qui seraient sollicitées dans des situations complexes déclenchées par des facteurs environnementaux.