Par Sol Inés Peca
Après des années passées à étudier les microbes et leur résistance aux médicaments, Albert Berghuis, professeur aux départements de biochimie et de microbiologie et immunologie de McGill et nouveau membre du Centre de révision scientifique des Instituts américains de la santé, passe maintenant beaucoup de temps à l’extérieur du laboratoire, pour évaluer les méthodologies de collègues chercheurs.
Albert Berghuis comprend bien le processus de recherche, ayant œuvré dans le domaine des découvertes scientifiques depuis l’époque où il était étudiant au premier cycle en chimie, aux Pays-Bas, son pays d’origine, là où est née sa passion pour la recherche.
« Pour moi, la recherche est une forme de découverte, une urgence. Quand votre équipe et vous êtes les tout premiers à réaliser une découverte, cela bat à plate couture la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, puisque les autochtones s’y trouvaient déjà de toute manière! », déclare-t-il.
C’est aux Pays-Bas que monsieur Berghuis a été encouragé à poursuivre ses études aux cycles supérieurs. Son superviseur de maîtrise, le professeur Wim Hol, aujourd’hui à l’Université de Washington, était l’un des premiers promoteurs de la conception de médicaments fondée sur la structure, le principe voulant que la connaissance détaillée de la forme tridimensionnelle de la cible d’un médicament, une bactérie par exemple, puisse documenter la conception de médicaments.
« Ce concept m’apparaissait tout à fait sensé et m’a inspiré à poursuivre mes études dans cette direction », a déclaré Albert Berguis. Il a par la suite obtenu un doctorat en biochimie à l’Université de Colombie-Britannique et, depuis, il étudie les mécanismes de la résistance aux antibiotiques à l’échelle atomique.
La familiarité du chercheur avec la mise au point de médicaments antibactériens et la résistance aux antibiotiques a retenu l’attention des Instituts américains de la santé qui, il y a cinq ans, lui ont demandé une participation à titre de membre spécial. À McGill, Albert a un laboratoire et dirige une équipe de chercheurs qui, depuis 2001, travaille quotidiennement à comprendre et maîtriser les bactéries.
« Nous examinons en détail comment les superbactéries rendent les médicaments inefficaces », explique-t-il. « Cela peut nous donner des renseignements utiles pour la mise au point des antibiotiques de la prochaine génération, qui sont moins sensibles aux mécanismes de résistance des bactéries. »
Au fil des ans, Albert Berghuis et son équipe mcgilloise ont fait la promotion de l’utilisation de la démarche biologique structurelle en recherche biomédicale et ont pu déterminer des stratégies pour lutter contre une enzyme qui procure une résistance à nombre d’aminosides. Différents groupes sur la planète ont adopté ces stratégies.
Ce dévouement et cette réussite l’ont conduit au rôle de membre permanent des Instituts américains de la santé qui lui a été confié récemment, pour les quatre prochaines années. Albert Berghuis révise les demandes de subventions déposées à la section qui analyse les projets relatifs à « la découverte de médicaments et aux mécanismes de la résistance antibactérienne ». De la même manière que les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le Centre de révision scientifique coordonne la révision par les pairs de toutes les demandes de subventions soumises aux Instituts américains de la santé.
Albert Berghuis fait partie d’un grand groupe qui se réunit trois fois par année pour réviser les demandes. « Lors de chaque rencontre, nous révisons environ 100 demandes, ce qui nécessite une importante préparation de la part des 30 membres », explique-t-il. Pour couvrir la gamme des expertises nécessaires, la composition du groupe est variée. « Certains membres sont des universitaires œuvrant dans le domaine des fondements de la science biomédicale, comme moi, d’autres sont des médecins avec une expertise dans les maladies infectieuses et des scientifiques d’expérience provenant de l’industrie pharmaceutique », ajoute-t-il. À l’heure actuelle, Albert Berghuis est le seul membre de cette section d’analyse qui ne soit pas citoyen américain.
« Je révise un grand nombre de projets d’une qualité scientifique exceptionnelle et qui méritent sans aucun doute de recevoir du financement », a déclaré Albert Berghuis. Toutefois, ce rôle s’accompagne de défis. Il n’est pas facile de répartir équitablement les fonds disponibles parmi les candidats exceptionnels. « La situation au Canada n’est pas différente », ajoute Albert, qui vient de terminer un mandat de trois ans à la présidence du comité Biochimie et biologie moléculaire – A des IRSC, où il remplissait des fonctions similaires.
« L’expérience m’arrachait le cœur », dit-il. « La qualité des projets déposés aux IRSC était phénoménale, mais malheureusement, les fonds n’étaient pas suffisants pour répondre favorablement à toutes les demandes. »
Malgré cela, Albert Berghuis fait preuve d’optimisme. Il est témoin de la quantité de travail accompli par des chercheurs qui trouvent des manières de réprimer les bactéries qui s’adaptent rapidement. « La résistance aux antibiotiques est une préoccupation importante en santé et qui ne disparaîtra pas de sitôt, si toutefois elle le fait un jour », affirme Albert Berghuis. « Comme dans le cas de bien des enjeux, la solution réside dans une démarche menée sur plusieurs fronts », explique-t-il. « La mise au point de nouveaux médicaments et le contrôle des prescriptions sont des éléments de cette solution, tout comme le génie humain. »